Les formations obligatoires, entre contrainte et opportunité

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C’est entendu, la formation est stratégique, la formation est un levier de croissance, la formation améliore l’employabilité… Mais il arrive aussi que la formation soit, tout simplement, obligatoire.  En 2014, près des deux tiers des entreprises ont financé des prestations de ce type pour leurs salariés. Quelle est l’ampleur de la consommation de formations obligatoires ? Quelles entreprises, quels salariés y ont recours ? Ont-elles un impact sur les politiques de formation ? Le Cereq a consacré en août un rapport d’études de 70 pages à ces questions. Nous l’avons lu pour vous.

 

En l’absence d’enquêtes précises, « il est difficile de quantifier précisément le recours aux formations obligatoires », confesse le Cereq dans le Net.Doc n°163, consacré aux « formations obligatoires dans l’entreprise ». Pour autant, il semble bien que leur importance augmente, sous l’effet d’une production réglementaire abondante, mais aussi de conditions de plus en plus souvent posées dans les appels d’offres. Où en était-on en 2014, année sur laquelle portent les données de l’étude, portant sur les entreprises de 10 salariés et plus ?

 

Qu’entend-on par « formations obligatoires » ?

Les formations obligatoires sont essentiellement de deux types :

  • Les formations exigées par le code du Travail (articles L. 4141-1 et suivants) pour assurer le respect par l’employeur de ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité (sur le lieu de travail en général, et en fonction des risques spécifiques, chantiers, usine, laboratoire…).
  • Les formations propres à certaines activités ou à l’usage de certains appareils (par exemple les appareils de chantier), imposées par des textes réglementaires spécifiques : permis, habilitations…

Ces formations peuvent-elles être prises en charge par l’Opca ? La réponse n’est pas univoque. Pour donner accès aux financements ou à la subrogation par l’Opca, une formation doit en principe correspondre aux critères qui définissent l’action de formation professionnelle continue, fixés par le code du Travail. Ces critères sont les mêmes que ceux utilisés avant la réforme pour déterminer si une formation était « imputable ». Or, une circulaire DGEFP de 2006 avait explicité les règles permettant de distinguer les formations obligatoires imputables de celles qui ne l’étaient pas. Malgré la réforme, cette circulaire reste un bon guide indicatif pour déterminer si une formation réglementaire peut être prise en charge par l’Opca ou non.

Pour l’être, une formation obligatoire doit donc respecter au moins l’un de ces deux critères d’appréciation :

– permettre « l’acquisition de compétences ou de qualifications applicables dans l’organisation de la sécurité collective », et ne pas être « seulement relative aux connaissances de base, aux mesures de sécurité individuelle » ;

– « permettre l’acquisition de compétences ou de qualifications acquises et validées intuitu personae ».

Les formations réglementaires qui débouchent sur des certifications, ou sont constitués de modules qui s’insèrent dans des parcours de formation, seront donc plus facilement prises en charge. Il en va de même des formations qui s’adressent aux personnels chargés d’assurer le respect des obligations en matière d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise.

En revanche, ne sont théoriquement pas finançables par l’Opca « les formations particulières à certains emplois ou postes de travail » qui ne constituent que « de simples vérifications de connaissances ».

Par exemple, une formation qui ne vise qu’à habiliter un salarié au pilotage d’un engin de portage possédé par l’entreprise ne pourra pas, en principe, être prise en charge. En revanche, si elle débouche sur une certification comme le Caces, elle pourra l’être.

Sur le terrain, la pratique de chaque Opca peut cependant varier, surtout depuis la réforme. La tendance semble être à une prise en charge plus large que par le passé.

A noter enfin que certaines formations réglementaires, comme le Caces, justement, sont aujourd’hui largement éligibles au Compte personnel de formation (CPF). Cette évolution va-t-elle se poursuivre, dans l’idée de donner aux salariés et aux demandeurs d’emploi les moyens de leur employabilité ? Il est trop tôt pour le savoir, mais c’est une possibilité, envisagée par le Cereq.

 

Le type de formation le plus répandu parmi les entreprises

En 2014, 47% des entreprises ont financé des formations obligatoires d’hygiène et sécurité, 48% des formations et habilitations réglementaires. Au total, 63% d’entre elles ont financé l’une et/ou l’autre de ces types de prestations. Et si on laisse de côté celles qui n’ont pas du tout acheté de formation, le pourcentage des entreprises consommatrices de formations obligatoires monte à 72%.

Celles-ci constituent ainsi la catégorie de formations professionnelles la plus souvent achetée par les employeurs pour leurs salariés, devant les formations techniques « métier » (66%), les formations informatiques et bureautiques (49%), et loin devant les thématiques management (32%), commerciales (28%) et les langues (21%).

Attention cependant : il ne s’agit pas d’une mesure du volume de formations, en heures ou en nombre, mais de la proportion des entreprises formatrices qui ont eu recours à ce type de formations dans l’année. Une entreprise qui a par exemple formé un seul de ses salariés au respect des normes d’hygiène et sécurité est comptabilisée.

 

Qui achète des formations obligatoires ?

L’étude du Cereq précise que « la fréquence du recours aux formations obligatoires dépend de la taille de l’entreprise, de son secteur d’activité, de sa structure de qualifications, de la qualité de sa clientèle et de l’intégration de normes de production »

Sans surprise, les secteurs industriels apparaissent nettement plus consommateurs que les autres en formations de ce type, mais ils ne sont pas les seuls. Plus de 9 entreprises sur 10 dans les industries minières et énergétiques, ainsi que dans les transports et l’entreposage, ont eu recours à des formations obligatoires ; c’est le cas également de plus de 8 sur 10 dans l’électricité et l’électronique, la construction, l’hôtellerie-restauration. Avec des dominantes : les formations réglementaires métier prévalent dans les transports, les formations hygiène et sécurité dans l’hôtellerie-restauration.

A l’inverse, les secteurs les moins soumis à obligations en la matière sont l’information et la communication (46%) et les activités scientifiques et techniques.

L’intensité du recours aux formations obligatoires augmente avec la taille de l’entreprise : 67% des entreprises formatrices de 10 à 49 salariés y ont eu recours en 2014, contre 96% des entreprises de 250 salariés et plus. Autant dire que les ETI et les grands groupes ont tous dans leur périmètre des professions ou des postes qui requièrent ce type de prestations.

En revanche, celles-ci représentent une part plus importante de l’effort de formation des petites entreprises. Les obligations en matière de formation pèsent donc davantage sur leur budget que sur celui des plus grandes organisations : pour 56% des sociétés de 10 à 49 salariés, les formations réglementaires représentent plus de la moitié des formations. Ce n’est le cas que de 26% des 250-499 et 31% des plus de 500.

 

Quelles sont les caractéristiques de ces formations ?

Les formations obligatoires sont plus courtes que les autres : 20 heures en moyenne, contre 71 heures toutes formations confondues. Ce qui n’est pas surprenant : ces cursus sont encadrés par les textes, et ne correspondent jamais, par définition, aux formations longues de plusieurs centaines d’heures qui rehaussent la moyenne.

Par ailleurs, plus le niveau de responsabilité est élevé, plus les formations obligatoires sont brèves. D’une façon générale, les formations obligatoires, contrairement aux autres formations, bénéficient plus souvent aux salariés les moins qualifiés. Mais lorsque ces derniers reçoivent ce type de formation, ils s’y retrouvent le plus souvent cantonnés : ils ne sont pas mieux formés par ailleurs.

De fait, ces formations contribuent moins que les autres à « la réalisation du projet professionnel » : 14% contre 31%. Il leur arrivait, en 2014, d’être financées sur le DIF, mais moins que la moyenne des formations (16% contre 22%).

 

Quel effet sur les politiques de formation ?

Autre enseignement de l’étude : les entreprises qui ont eu recours à des formations obligatoires se tournent davantage vers l’extérieur pour bénéficier d’un accompagnement : majoritairement, auprès de leur Opca, mais aussi d’un organisme de formation, d’un consultant… Leurs attentes vis-à-vis de l’Opca sont plus importantes. Elles sont aussi plus nombreuses à effectuer un versement complémentaire facultatif à ce dernier ; globalement, elles dépensent davantage pour la formation.

Elles développent également plus souvent la formation interne, en identifiant des salariés comme tuteurs ou formateurs.

L’étude constate enfin une corrélation entre l’usage qui est fait des formations obligatoires et le niveau de développement des politiques de formation dans l’entreprise :

– Celles qui ont recours à des formations obligatoires dans des proportions modérées ont une politique de formation plus diversifiée que celles qui n’y ont pas recours du tout ;

– Mais les fortes utilisatrices de formations réglementaires, au contraire, ont une politique de développement des compétences moins développée.

 

Il semble donc que les formations obligatoires  tendent, dans une certaine mesure, à renforcer l’accès au système de formation en général, ne serait-ce qu’en incitant les entreprises à se faire accompagner et à se renseigner sur ces questions auprès de leur Opca. Le développement des formations réglementaires a-t-il tendance à « étouffer » les autres formations, notamment dans les petites entreprises ? Probablement pas, conclue l’étude. En fait, pour l’auteur, « tout se passe (presque) comme si les formations réglementaires se développaient indépendamment des autres types de formation. » Il reste à voir comment va évoluer la structure de la consommation de formation avec la réforme… Il faudra sans doute attendre 2017 ou 2018 pour avoir de premiers éléments solides.

 

Photo : Flickr / Ecole polytechnique Université de Paris-Saclay 

 

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