Les orientations de la formation en questions

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La gestion de la formation requiert l’élaboration d’un plan de formation. A l’évidence, c’est une étape importante. Aussi, pour renforcer notre maitrise du sujet et favoriser l’échange de bonnes pratiques RH, je vous propose ici une série de billets sur les enjeux stratégiques et opérationnels des étapes de la construction du plan de formation.

 

Pour ce faire, je m’appuierai sur l’ouvrage d’Anne Ambrosini[1] et Mathilde Bourdat : « Réaliser son plan de formation en 48heures » chez Eyrolles aux Editions d’Organisation. Je vous invite par ailleurs à sa lecture car il est simple, pédagogique et complet !

En plus  de l’approche pratique notamment issue de cet ouvrage, le propos se veut résolument opérationnel, fondé sur des cas concrets et vécus d’entreprises, avec toute la subjectivité que revêt une expérience de terrain au sein de différents services formation.

Aujourd’hui, je vous propose d’aborder « les orientations de la formation ».

Les objectifs d’une bonne définition des orientations de la formation sont :

  • De relier le plan de formation à la stratégie de l’entreprise ;
  • De cadrer le recueil des besoins ;
  • De se doter d’un référentiel commun pour mener les arbitrages ;
  • De fournir aux opérationnels un outil de management et de communication ;
  • De répondre aux obligations légales.

Pour atteindre ces cinq objectifs, je vous propose une démarche en 3 étapes.

 

1. Analyser l’environnement économique et la stratégie de l’entreprise


En prenant en compte le contexte de l’entreprise (concurrence, tendances du marché, situation du bassin d’emploi, etc.), ses objectifs stratégiques (parts de marché, croissance, nouvelles offres, nouveaux outils, projets majeurs, changement d’organisation, etc.), et les enjeux de la politique RH (évolutions des métiers, gestion des talents, marque employeur, mobilités, recrutements, etc.), le DRH et le Responsable formation peuvent formuler des hypothèses sur les besoins en compétences qui pourraient se traduire en orientations de formation.

Après le constat sur la situation de l’entreprise sur son marché, voici quelques exemples de questions à se poser pour renseigner un premier document de travail :

  • Compte tenu des axes de développement de l’entreprise, quelles sont les évolutions prévisibles en termes de besoins de compétences ?
  • Quels sont les emplois qui vont évoluer, disparaître ?
  • Quelles sont les mesures d’anticipation à prendre pour les personnes actuellement dans ces emplois ?
  • Quels sont les emplois qui vont émerger ?
  • Comment faire évoluer en interne des personnes vers ces nouveaux emplois ?…

 

2. Interroger le management


Le Responsable formation doit confronter son travail d’analyse « établi en chambre » aux besoins du management et des directions opérationnelles. Dans cette démarche d’interrogation et de partage d’informations, les questions doivent traiter des attentes à court et moyen terme :

  • Pour l’an prochain, quelles sont les principales priorités que vous donneriez à la formation ? A quel enjeu chacune de ces priorités correspond-elles (performance économique, qualité, satisfaction client, enjeu RH, etc.) ?
  • Pour vous, que va-t-il se passer d’important l’an prochain qui nécessite un développement des compétences et un accompagnement formation ?
  • Quelles sont les connaissances techniques à développer rapidement (nouveau process, nouvelle organisation, nouveaux matériels, nouveaux logiciels, déficit de compétence constaté, etc.) ?
  • Quelles sont les compétences comportementales ou managériales à renforcer rapidement ?
  • Quelles sont les évolutions prévues dans deux ou trois ans : économiques, technologiques, organisationnelles, règlementaires ? Quels impacts RH, pour quelle fonction de votre direction ? Quel est l’effectif concerné ? Quelles solutions possibles d’adaptation ?

Même si cette démarche traitera en définitive surtout de problématiques différentes (organisation, management, communication) de celles adressées par la formation, elle permet un partage qui fait souvent défaut et un alignement entre acteurs de la formation et managers opérationnels. En posant les bonnes questions, elle oblige à traduire les évolutions de l’entreprise en besoins de compétences.

De cette vision des managers peuvent naître de nouvelles orientations  qui viendront enrichir celles déjà explorées par la DRH afin d’anticiper et de préparer au mieux l’avenir.

 

3. Rédiger la note d’orientation


Cette période de réflexion, d’analyse et d’échange aboutit à la rédaction de la note d’orientation ou à son actualisation. Trop souvent ce document n’est pas considéré à sa juste valeur ! Il est  concis (3 pages au plus), simple et compréhensible par tous. Il est  spécifique à l’entreprise en décrivant les grandes orientations (5 maximum) adossées à ses enjeux importants du moment. Évitons les notes d’orientations dont on ne change que la date et qui se reconduisent d’année en année sans aucune corrélation avec la stratégie particulière de l’entreprise. Enfin, je ne sais pas si on doit parler ici de « Marketing RH » mais  la note d’orientation  est bien sur un document de communication : elle est claire, pédagogique, intéressante, « efficace » sur la forme, pertinente sur le fond. Elle constitue un véritable support d’information pour le management, un référentiel commun, en donnant le sens des décisions en matière de formation.

Après sa validation par le DRH et le comité de Direction, la note d’orientation peut être expliquée et présentée aux partenaires sociaux.

 

Et en pratique, les orientations de la formation, c’est obligatoire ?


Sur le terrain, je constate que la note d’orientation, quand elle n’est pas complètement passée à la trappe, est souvent négligée par le Responsable Formation. En outre, elle est souvent présentée au CE lors de la réunion consacrée au bilan formation (avant le 1er octobre) ou pire lors de la réunion CE dédiée au plan prévisionnel (avant le 31 décembre).

La présentation des orientations de la formation professionnelle est pourtant une obligation légale. Selon l’article L. 2323-33, les institutions représentatives du personnel doivent être consultées chaque année sur ces dernières « en fonction des perspectives économiques et de l’évolution de l’emploi, des investissements et des technologies dans l’entreprise ».

Il s’agit d‘une consultation obligatoire différente et dissociée de celles de fin d’année sur le plan de formation réalisé et prévisionnel évoquées ci-dessus. En effet, la note d’orientation constitue le premier document à remettre avant la consultation du comité d’entreprise sur le plan de formation. La cohérence du contenu du plan de formation avec ces orientations est d’ailleurs un des éléments  qu’examine  le CE pour émettre son avis. En conséquence, la consultation sur le plan ne peut tenir lieu de consultation sur les orientations. Les consultations sont donc légalement et opérationnellement distinctes.

Enfin, je précise que le défaut de consultation du CE sur les orientations générales de la formation fait l’objet des mêmes sanctions pénales et fiscales que celles qui s’appliquent au non-respect des consultations sur le plan en cours et le plan prévisionnel : la majoration de 50 % de la participation au financement de la formation continue.

Bref, autant respecter cette obligation, et autant le faire dans le bon timing.

 

Le bon timing


L’idéal est de préparer la rédaction de la note d’orientation en juin et de la présenter au CE au mois de juillet.

Ce faisant, le Responsable formation respectera au mieux le séquencement légal suggéré par les textes et pourra communiquer ce document aux managers qui effectueront le recueil des besoins de formation généralement en septembre.

Se conformer aux dispositions légales n’est en effet pas le seul objectif de cette étape de l’élaboration du plan de formation. Elle est essentielle pour accompagner et structurer l’expression et la consolidation des besoins de formation.

L’élaboration sérieuse des orientations de la formation ne peut-elle pas alors déboucher sur un bénéfice pour la fonction formation ?

 

Les orientations de la formation, un moment stratégique pour la DRH ?


La gestion de la formation se déroule en France de façon cadrée et cadencée : consultations du Comité d’Entreprise à échéances régulières, dans des délais et avec des informations spécifiées par les textes, ponctuées chaque année par une déclaration fiscale.

Le seul moment de « réflexion stratégique » est bien celui où le Responsable formation doit s’interroger sur les orientations que va prendre son prochain plan de formation. Je trouve que trop souvent cette étape est occultée et négligée. C’est d’abord une obligation légale et un besoin des directions opérationnelles mais c’est surtout un préalable indispensable à la performance de son action. Comme le disait Sénèque : « il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ».

Ce n’est que de la bonne articulation de ces orientations avec la stratégie de l’entreprise que pourra se décliner, sur le terrain, un bon plan de formation. Cette synthèse entre le contexte de l’entreprise, sa stratégie, sa politique RH et ses besoins opérationnels, est dans les mains du Responsable formation. C’est à lui de mettre en place la bonne mécanique, avec écoute et partage, qui permettra d’élaborer une notre d’orientations pertinente.

 

Avec cette première phase du plan de formation, le Responsable formation a l’opportunité de crédibiliser sa fonction en s’inscrivant dans une approche globale, de légitimer l’appellation de Business Partner, de concrétiser sa mission d’acteur de la stratégie, moteur de la performance individuelle et collective.

Dans la suite de cette série d’articles sur le plan de formation, nous abordons l’étape suivante : le recueil des besoins de formation.

 Crédits : DR

 

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[1] Anne Ambrosini est consultante et formatrice en ingénierie de la formation. Mathilde Bourdat est Responsable des formations s’adressant aux formateurs et aux responsables formation pour le Groupe Cegos.

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