Consultation du CE : dépassons le minimum syndical !

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En matière de formation professionnelle, diverses obligations sont à la charge de l’employeur :

  • Participer à son financement par le biais d’une contribution ;
  • Adapter les salariés à leur poste de travail ;
  • Maintenir leur capacité à occuper un emploi ;
  • Consulter les représentants du personnel.

Je vous propose d’aborder dans ce billet cette dernière obligation.

Je ne commenterai pas les articles L2323-33 à L2323-43 qui précisent le champ d’application des droits et devoirs de l’employeur vis-à-vis du Comité d’Entreprise (CE) en matière d’information et de consultation dans le domaine de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Je traiterai plus spécifiquement en revanche du contenu de la deuxième réunion ayant pour objet de présenter au CE le bilan des actions de formation réalisées l’année précédente et l’année en cours (sur la chronologie des consultations, je vous invite à lire le précédent billet : « Les orientations de la formation en questions »).

Pour mémoire, au moins trois semaines avant cette réunion qui doit être organisée avant le 1er octobre de chaque année, l’employeur doit remettre aux Institutions Représentatives du Personnel (IRP) différents documents dont la liste est donnée par les articles D 2323-5,D 2323-6 et D 2323-7 du Code du travail : déclaration relative à la participation-formation de l’année précédente, informations sur les organismes de formation choisis, caractéristiques des congés de formation suivis, etc.

 

Cette consultation du CE est-elle vraiment importante ?

D’un strict point de vue financier, OUI ! Car le défaut de consultation du CE en la matière fait l’objet d’une sanction spécifique : la majoration de 50 % de votre participation au financement de la formation continue.

Vous retrouvez d’ailleurs ces éléments de façon très explicite sur votre déclaration 2483, au bas de la première page, où figurent sur deux lignes les renseignements relatifs à la détention du procès-verbal de consultation du comité d’entreprise. Si votre entreprise occupe au moins 50 salariés, vous devez d’ailleurs attester sur l’honneur détenir ces procès-verbaux de réunions de consultations obligatoires.

D’un point de vue opérationnel, NON si on se limite au strict respect des contraintes légales. La plupart de ces indicateurs sont en effet des indicateurs de moyens :

  • l’effort de formation exprimé en pourcentage de la masse salariale,
  • le nombre d’heures de formation,
  • le nombre de participants,
  • les participants par sexe, statut, direction, etc.

Ils sont calqués sur les indicateurs de la 2483 et permettent de contrôler la conformité et le bon déroulement du plan de formation acté précédemment.

Lors de cette présentation au CE, j’ai pu constater que trop souvent le Responsable formation se limite à l’exercice « légal » de diffusion de quelques slides PowerPoint, dans une espèce de routine acceptée à laquelle participent aussi les destinataires de ces indicateurs.

Bref, ne présenter que les indicateurs de moyens dans un exercice convenu n’apporte pas grand-chose à la bonne compréhension de notre activité formation. Cela n’aide franchement pas à affirmer le positionnement stratégique de la fonction, à renforcer sa crédibilité dans la mesure de sa performance !

 

Et si l’occasion faisait le larron ?

Le Responsable formation communique pas ou peu sur sa mission. Il a rarement l’occasion de décrire son action auprès des partenaires sociaux et encore moins auprès de ses « clients » internes : le comité de direction, les managers, les salariés.

Cette nécessaire consultation du CE me semble être pourtant un excellent prétexte :

  • pour faire l’effort de production, d’analyse et de commentaire des indicateurs de la formation ;
  • pour constituer un vrai moment d’échange avec les acteurs de l’entreprise -IRP, Managers et direction- sur le bilan et la mise en perspective de l’activité formation ;
  • pour proposer une vision plus transversale et complète du développement des compétences dans l’entreprise.

J’ai à plusieurs reprises constaté que dans les services formation dans lequel cet effort est produit, l’exercice de restitution devient particulièrement apprécié, tant par le présentateur (le DRH ou le Responsable formation) que par les divers récipiendaires.

Ce type de reporting peut véritablement servir à la prise de décision en présentant les moyens de la formation sans être centré sur ces derniers. Quels seraient alors les compléments à apporter pour que cette restitution puisse constituer une communication efficace et permettre une analyse de la pratique de formation dans l’entreprise ?

 

Mieux communiquer avec le CE

Les informations à mettre en lumière dépendent évidemment de chaque contexte, de chaque politique RH et des attendus des acteurs en présence. Les destinataires légaux (Comité d’Entreprise et commission formation, représentants syndicaux siégeant au CE et délégués syndicaux) n’ont pas tous les mêmes souhaits et chaque entreprise entretient avec ses IRP une qualité de relation qui guide la nature des consultations et donc la  « granularité » des indicateurs présentés.

En définitive cette consultation obligatoire amène le Responsable formation et le DRH à s’interroger également sur ce qu’ils veulent faire de leur réunion CE.

En fonction des orientations « business », des enjeux RH de chaque entreprise et de cette intensité souhaitée de l’échange avec les partenaires sociaux, il peut être pertinent :

  • D’intégrer la formation non imputable d’une demi-journée, délivrée par des organismes étrangers, ou délivrée sur des produits internes ;
  • De présenter les indicateurs par grand domaine de formation (langue, informatique, management, etc.) ;
  • De présenter la formation par type de profil salariés (seniors, salariés de moins d’un an de présence et pourquoi pas génération Y, etc.). S vous calculez le taux de formation par tranche d’âge, prêtez attention à la base pour les effectifs : effectif moyen sur la période ou fin de période peuvent donner des résultats fort différents, à vous de choisir!
  • De relativiser certains indicateurs légaux ou d’y apporter un éclairage nouveau. Par exemple : le nombre moyen d’heures de formation par salarié formé, les taux moyens d’accès à la formation par population, etc. ;
  • Mettre les indicateurs en tendance, sur 2 à 3 ans pour montrer l’évolution dans le temps.

Etc.

 

Mieux communiquer avec les managers

La réussite de la politique formation dépend largement de l’implication du management. Il faut dès lors saisir l’occasion de faire un retour aux managers des réalisations de la formation. Vous ne pouvez pas tous les rencontrer; choisissez dès lors ce qui vous soutiennent le plus ou ceux qui sont le plus attachés au développement des compétences de leurs collaborateurs, ils seront vos ambassadeurs.

Pour ces derniers, il peut être utile :

  • De reprendre certains de vos indicateurs en les filtrant sur la population gérée par le manager ;
  • De rattacher les dépenses de formation à un enjeu explicite du manager (projet, objectif, etc.) ;
  • De resituer les actions de formation le concernant par rapport à la politique de formation globale ;
  • De présenter le pourcentage  de personnes par grande direction n’ayant suivi aucune formation depuis plus de 2 ans ;
  • D’apporter, dans la mesure du possible, des indicateurs de résultats. Les managers seront toujours plus attentifs aux effets observables de la formation qu’aux statistiques trop générales. Rappelons que dans la plupart des cas, bâtir des indicateurs de résultats pour une formation suppose d’avoir défini précisément des objectifs opérationnels et de disposer d’évaluation à froid, et donc dans tous les cas une implication du management.

 

Mieux communiquer avec la direction

Au-delà des indicateurs globaux de la politique formation (volumes, heures, coûts…), il me semble utile d’apporter à la direction des compléments particuliers sur les thèmes suivants :

  • Benchmarking : la direction sait généralement ce qu’elle investit en formation. Elle sait moins ce que ça rapporte. A défaut de produire des indicateurs de ROI, vous pouvez situer l’effort de formation de l’entreprise par rapport à son secteur et à sa taille (cf. les informations diffusées par le Céreq issues du traitement des déclarations 2483). Certaines branches disposent d’observatoire[1] ; c’est une mine d’informations pour se comparer.
  • Financement : plus qu’à tout autre acteur de l’entreprise, mettez en avant votre apport économique en présentant les taux de retour sur vos contributions obligatoires (financements obtenus sur le plan ou la professionnalisation). Vous démontrez ainsi votre expertise technique tout en montrant que votre action est contributive au résultat de l’entreprise dans un contexte économique tendu.
  • Absentéisme : c’est un fléau que rencontre bon nombre de Responsables formation qui tient à la culture de l’entreprise et au positionnement de la fonction formation. Il existe plusieurs moyens de lutter contre l’absentéisme  ; la prise de conscience et l’implication de la direction dans ce domaine sont déterminantes.
  • Mobilité : c’est une question centrale pour beaucoup d’entreprises, qui plus est dans une période de ralentissement économique.
  • Stratégie :. Il me semble également pertinent de présenter les volumes de formations (heures, coûts) par grand axe stratégique : x% sur l’axe de croissance 1, y% sur l’axe de croissance 2, etc.

Sur ce dernier point comme sur tous les précédents, chaque indicateur n’a de valeur que si on le positionne par rapport à une norme, un référentiel, une pratique commune. Le Responsable formation doit donc aussi faire preuve de pédagogie dans la construction et le partage d’un univers de référence afin de donner du sens aux données. Et la liste à la Prévert ci-dessus montre que de nombreuses possibilités existent pour compléter les indicateurs légaux initiaux.

 

Sortons du minimum syndical !

Quel sens veut-on donner à cette réunion du CE ? Se situer dans une démarche purement légale en parlant de dépenses et de « plus de moyens » ? Ou se placer dans une démarche partenariale sur la base d’une recherche d’efficacité et de mieux-disant ?

D’un devoir d’information de l’employeur ne peut-on pas passer à un droit de communication, sous-entendant  un échange (ou un dialogue)et non une présentation unidirectionnelle des données ?

La tentation de rester dans « l’unidirectionnel mou » est permanente. Pourtant, la formation ne me semble pas être le thème RH le plus polémique et je ne la considère pas comme une « charge ».

En enrichissant l’exercice de consultation du CE par des indicateurs pertinents, pourquoi ne pas donner à la gestion de la formation toutes ses lettres de noblesse et la densité qu’elle mérite. Elle constituerait du grain à moudre pour un échange constructif avec les institutions représentatives du personnel, les managers et la direction.
La consultation du CE pourrait contribuer ainsi à mettre en cohérence stratégie, moyens et résultats de la formation.

 

L’analyse demande parfois du temps tout comme la mise en forme des résultats les plus impactant. Si cet axe de présentation et de communication est retenu, il faut s’y préparer dès maintenant !
En plus de disposer de la ressource nécessaire, il convient de rappeler un préalable à cet exercice de reporting : disposer d’une base de données Formation de qualité et d’un système d’information RH opérant, permettant fonctionnellement ces restitutions. Pour la formation, le système d’information n’a jamais aussi bien son nom…

 

 

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[1] A titre d’exemple, je vous invite à consulter le rapport proposé par l’Observatoire sur les Métiers et les Formations des salariés de l’Assurance p26 à p.42.

 

2 commentaires

  1. Votre point de vue sur la problématique des réunions CE consacrées à la formation est partagé. Le changement à opérer est dual à mon humble avis, l’expèrience que j’ai pu avoir lors des différentes réunions CE animées montre aussi que les IRP ne sont pas le plus souvent préparés, ni formés à intégrer les questions et problématiques stratégique que la formation devrait avoir. Les questions posées se résument souvent à savoir si tel salarié a été formé, si tel salarié à eu son DIF…Du coup les problématiques relatives au rôle que la formation peut avoir en proposant des programmes dont la finalité et de renforcer l’employabilité des salariés et donc de permettre à l’entreprise d’atteindre ses objectifs ne sont pas toujours abordées. Il faut donc je pense que les Directions des ressources humaines revoient leurs stratégies de communication autour de la formation, et impulsent une culture différente lors de ces présentations CE.

    Certaines entreprises essaient d’y arriver en ayant toujours à chaque présentation CE quelque soit la réunion, de faire des rappels sur les orientations stratégiques de la formation et de pointer les actions mises en oeuvre pour répondre à ces objectifs. Ce qui permet d’apporter en addition aux statistiques légales, une base de discussions centrée sur la stratégie et la manière dont la Direction des Ressources Humaines accompagne l’entreprise dans l’atteinte de ses objectifs.

    • Merci de votre commentaire.
      Effectivement tous les partenaires sociaux n’ont pas la même connaissance des enjeux de la formation et du développement des compétences.
      Raison de plus d’ailleurs pour que le Responsable formation fasse preuve de pédagogie, y compris dans l’étape de présentation des orientations de la formation (cf. le billet sur ce point).
      Cette consultation du CE traduit-elle sur la forme et dans le fond une réelle volonté de donner à la fonction formation la position qu’elle mérite ? Si la réponse est positive, nous devons sortir des minima légaux en matière d’indicateurs.
      Et vous avez raison, certaines entreprises sont déjà dans cette démarche. Heureusement !

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