Qu’est-ce qu’une action de formation ? (1/2)

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Cet article a fait l’objet d’une nouvelle version mise à jour en mars 2019

La question de la définition de l’action de formation peut paraître simple et superflue, mais elle reste au cœur du système de financement de la formation professionnelle en France. La réponse apportée par la loi a évolué au fil du temps, avec des incidences très concrètes sur la politique formation des entreprises. Où en est-on aujourd’hui ? Comment la réglementation intègre-t-elle l’émergence des nouvelles modalités pédagogiques ? Dans quel sens influe-t-elle sur les achats de formation ? Essais de réponses à cette question existentielle, dans un billet en deux parties.

Dans cette première partie, nous revenons aux bases de la définition juridique de l’action de formation professionnelle continue, dans son acception la plus large. Dans le billet suivant, nous examinons les différentes dimensions qui peuvent impacter l’achat de formation, selon les dispositifs utilisés et les objectifs recherchés.

 

Pourquoi définir la formation ?

Les entreprises sont soumises depuis 1971 à un ensemble complexe et changeant de règles juridiques dans la mise en œuvre de leur politique de formation.

Avant la réforme de 2014, la définition de ce qui relevait de la formation ou non constituait un enjeu crucial : celui de l’imputation. En effet, les entreprises (de plus de 10 salariés) étaient soumises jusqu’en 2014 à une obligation : celle de dépenser l’équivalent de 0,9% de leur masse salariale en prestations de formation pour leurs collaborateurs. Si elles n’atteignaient pas ce pourcentage, elles devaient reverser le solde à leur Opca. Il y avait donc une forte incitation à la consommation de formation. La définition de l’action de formation revêtait une grande importance : plus l’entreprise pouvait « imputer » de dépenses sur ce poste, moins elle devait reverser à l’Opca.

Depuis la réforme, cette logique a disparu. Les entreprises paient quoiqu’il arrive une contribution (0,55% pour les moins de 11 salariés, 1% pour celles de 11 salariés et plus). Elles peuvent demander des financements à l’Opca pour les formations de leurs salariés par certains canaux : le compte personnel de formation, les contrats et périodes de professionnalisation, voire le seul plan de formation (c’est-à-dire en pratique toutes les formations qu’elles ont planifiées pour l’année et qui ne rentrent dans aucun dispositif particulier) pour les entreprises de moins de 300 salariés (dans des proportions différentes suivant la taille de l’entreprise). Mais on ne leur demandera pas de verser une somme supplémentaire si elles n’ont pas dépensé suffisamment.

Le système, cependant, n’est simplifié qu’en apparence. Trois raisons rendent plus que jamais nécessaire la définition de l’action de formation :

– L’accès aux financements mutualisés, notamment à ceux des Opca, reste soumis à une telle définition.

– La réforme de 2014 soumet l’employeur à des obligations bien précises : dans le cadre de l’entretien professionnel obligatoire, il doit pouvoir prouver tous les 6 ans, pour chaque salarié, que celui-ci a bénéficié d’une formation, d’une certification et/ou d’une progression salariale ou professionnelle. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, deux de ces trois items doivent être validés pour éviter les sanctions.

– Surtout, depuis 2004, l’employeur est dans tous les cas lié par une obligation plus générale de formation – dont l’entretien professionnel et ses contraintes ne sont qu’une modalité d’application. C’est l’article L6321-1, selon lequel il « assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail », et « veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi ». La jurisprudence est constante dans la condamnation des entreprises qui ne peuvent pas prouver qu’elles ont formé leurs collaborateurs.

La définition de ce qui relève ou non de la formation a donc toujours des conséquences très concrètes pour l’entreprise, même si aucun financement n’est sollicité.

 

Qu’est-ce qu’une formation ?

Le code du Travail (article L6311-1) donne une définition large de la « formation professionnelle continue » par le biais des objectifs auxquels elle peut concourir :

  • insertion ou réinsertion ;
  • maintien dans l’emploi ;
  • développement des compétences et de la qualification professionnelle ;
  • développement économique et culturel ;
  • sécurisation des parcours professionnels et promotion sociale.

La loi de 1971, qui a instauré le système de formation continue, mettait essentiellement l’accent sur l’adaptation à l’évolution technologique et sur la promotion sociale. On voit que les années ont progressivement enrichi la définition. Pour autant, celle-ci reste peu spécifique en l’état, voire très vague sur certains points (quand considère-t-on qu’une formation concourt au « développement économique et culturel ? »).

 

Les différents types d’action de formation

L’article 6313-1 entre davantage dans les détails, en dressant une liste (exclusive) de la quinzaine de types d’actions « qui entrent dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue ». On y trouve trois types d’entrées, curieusement mélangées par l’empilement législatif au fil des ans :

– des expressions générales comme la préparation à la vie professionnelle, l’adaptation et le développement des compétences, la promotion professionnelle, l’acquisition, l’entretien ou le perfectionnement de connaissances, la conversion ;

– des actions de formation spécifiques, comme « l’économie et la gestion de l’entreprise » (sans doute à destination des créateurs), l’égalité professionnelle, les dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite, l’apprentissage et la maîtrise du français, le développement durable, la radioprotection ;

– des dispositifs spécifiques, comme le bilan de compétences, l’accompagnement à la création d’entreprise, la validation des acquis de l’expérience (VAE), et même la participation à un jury de VAE.

Le caractère hétéroclite de cet inventaire à la Prévert montre paradoxalement son importance : la définition de l’action de formation reste un enjeu de taille des négociations entre partenaires sociaux, généralement présentes en amont des modifications légales du code du Travail. L’article originel, voté en 1978, comptait 6 entrées génériques clairement définies. Après une dizaine de changements (essentiellement depuis 2001), on est arrivés aux 15 ou 16 entrées actuelles, et les définitions précises ont été renvoyées aux articles suivants.

 

Des conditions de forme

Cette définition par les objectifs n’est cependant pas la seule. Le code du Travail énonce également des conditions de forme qui sont à respecter pour qu’une prestation donnée soit bien considérée comme « action de formation » (article L6353-1). Elle doit comporter et justifier les éléments suivants :

  • un programme préétabli ;
  • des objectifs déterminés ;
  • le niveau de connaissance requis pour suivre la formation ;
  • les moyens pédagogiques mis en œuvre ;
  • un processus de suivi et d’appréciation des résultats.

La loi Travail a spécifié que les formations à distance étaient incluses dans la définition de l’action de formation. Ce n’est pas vraiment une nouveauté : une circulaire de la DGEFP le permettait déjà depuis 2001. En revanche, la loi a ajouté des conditions particulières d’organisation pour ces formations : le programme doit notamment préciser les travaux demandés au stagiaire et le temps qu’ils requièrent.

Surtout, la loi Travail a étendu la définition de l’action de formation, en incluant « le positionnement pédagogique, l’évaluation et l’accompagnement de la personne » : c’est l’ensemble du parcours de formation qui est donc désormais considéré.

 

Définir précisément ce qui relève de la formation reste donc un passage obligé pour les départements RH et développement des entreprises. Si le système valorise aujourd’hui la formation comme un investissement, on est encore loin d’un marché dérégulé dans lequel l’achat de prestations peut se faire sans autre préoccupation que la performance et l’efficacité. Les évolutions récentes ont élargi le champ des dépenses qui entrent dans la définition de la formation, mais sans réduire significativement le formalisme. La gestion de la formation reste donc un métier d’expert, qui comporte une forte composante réglementaire !

Dans un prochain billet, nous entrerons un peu plus avant dans la typologie réglementaire des actions de formation, en fonction des dispositifs (CPF, CIF, plan…), de l’origine de l’initiative (salarié ou entreprise), de l’origine du financement (critères qualité)…

Tableau récapitulatif :
la définition juridique de l’action de formation professionnelle continue

Définition générale : l’objet de la formation professionnelle continue
(art. L6311-1 du code du Travail)

* favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle des travailleurs ;
* permettre leur maintien dans l’emploi ;
* favoriser le développement de leurs compétences et l’accès aux différents niveaux de la qualification professionnelle ;
* contribuer au développement économique et culturel, à la sécurisation des parcours professionnels et à leur promotion sociale ;
* permettre le retour à l’emploi des personnes qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants ou de leur conjoint ou ascendants en situation de dépendance.

Les différents types d’actions de formation
(art. L6313-1 du code du Travail)

* préformation et préparation à la vie professionnelle ;
* adaptation et développement des compétences des salariés ;
* promotion de la mixité dans les entreprises, sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
* promotion professionnelle ;
* prévention ;
* conversion ;
* acquisition, entretien ou perfectionnement des connaissances ;
* radioprotection des personnes prévues à l’article L. 1333-11 du code de la santé publique ;
* économie et gestion de l’entreprise ;
* intéressement, participation et dispositifs d’épargne salariale et d’actionnariat salarié ;
* bilan de compétences ;
* validation des acquis de l’expérience ;
* accompagnement, information et conseil pour les créateurs ou repreneurs d’entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité ;
* lutte contre l’illettrisme, apprentissage et amélioration de la maîtrise de la langue française ;
* développement durable et transition énergétique ;
* participation d’un salarié, d’un travailleur non salarié ou d’un retraité à un jury d’examen ou de validation des acquis de l’expérience.

Les conditions d’organisation de la formation
(art. 6353-1)

* formations  réalisées conformément à un programme préétabli ;
* en fonction d’objectifs déterminés, le programme précise
– le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation,
– les moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement mis en oeuvre
– les moyens permettant de suivre son exécution et d’en apprécier les résultats.
* peuvent être organisées sous la forme d’un parcours comprenant,
– les séquences de formation,
– le positionnement pédagogique,
– l’évaluation et l’accompagnement de la personne qui suit la formation, permettant d’adapter le programme et les modalités de déroulement de la formation.
* Si la formation est en tout ou partie à distance, le programme précise :
– la nature des travaux demandés au stagiaire et le temps estimé pour les réaliser ;
– les modalités de suivi et d’évaluation spécifiques aux séquences de formation ouverte ou à distance ;
– les moyens d’organisation, d’accompagnement ou d’assistance, pédagogique et technique, mis à disposition du stagiaire.
* délivrance au stagiaire, à l’issue de la formation, d’une attestation mentionnant les objectifs, la nature et la durée de l’action et les résultats de l’évaluation des acquis de la formation.

 

Crédit illustration : ©Fotolia/Coloures-pic

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