Les formateurs indépendants dans l’enfer du Datadock ? (1/2)

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[Mis à jour le 4 septembre 2017]

Le 30 juin 2017, en principe, les organismes de formation qui souhaitent être financés par les Opca ne le pourront plus s’ils ne sont pas répertoriés dans le Datadock. Simple formalité pour les grands organismes de formation, la démarche peut s’avérer nettement plus complexe pour les formateurs indépendants et les petits prestataires. C’est l’occasion de jeter un coup de projecteur sur ce monde mal connu des professionnels de la formation en solo.

 

La réforme de 2014 l’annonçait ; le décret de 2015 le précisait ; et le 30 juin 2017, les Opca l’entameront : le contrôle qualité des organismes de formation prend forme concrète. Nul ne sait précisément combien le marché compte de formateurs indépendants, ni même de petits organismes de formation, aux statuts divers ; mais la vocation du système est désormais de faire en sorte de ne financer sur les fonds de la formation professionnelle que des prestataires dûment conformes aux critères de qualité. L’idée étant, rappelons-le, de remplacer l’ancienne logique d’obligation de dépense par une logique de marché et d’investissement.

Comment cela se passe-t-il sur le terrain ? Que nous apprend cette « épreuve » du Datadock sur le marché de la formation ? Nous en saurons sûrement davantage dans quelques mois, mais nous avons commencé l’enquête.

 

Les formateurs indépendants : combien sont-ils ?

Difficile de connaître le nombre exact de formateurs individuels. Pour François Galinou, président de l’ICPF&PSI, organisme certificateur de formateurs indépendants, « on estime qu’il y a environ 40 000 formateurs individuels. Mais seuls 16 000 ont un numéro de déclaration d’activité ». De quoi s’agit-il, pour mémoire ? La déclaration d’activité est une « simple procédure », explique Jérôme Renaud, créateur de la plateforme meilleursformateurs.com, « par laquelle le déposant obtient un papier attestant que la Direccte l’a reconnu comme organisme de formation. Cela implique surtout une formalité : fournir le bilan pédagogique et financier annuel ».

Dans le Jaune Budgétaire 2017 sur la formation professionnelle, on retrouve bien le même ordre de grandeur avec ce chiffre de la Dares : 66 362 organismes prestataires de formation ayant un numéro de déclaration au total en 2013, dont 24% de formateurs individuels, ce qui donne bien un chiffre aux alentours de 15 920 professionnels.

Mais alors, qui sont les quelque 24 000 autres, non compris dans les 66 362 de la Dares, permettant  d’arriver au chiffre de 40 000 formateurs indépendants ? Beaucoup de formateurs travaillent surtout en sous-traitance pour de grands organismes de formation ; « ils ont l’obligation d’avoir un numéro de déclaration d’activité, mais cette obligation n’est pas toujours respectée », poursuit François Galinou. Certains sont en portage, et apparaissent donc comme des salariés, l’obligation de déclaration portant « sur l’organisme qui émet la facture, donc l’entreprise de portage », explique Jérôme Renaud.

 

Comment vivent-ils ?

Au total, les formateurs freelance regroupent une variété de statuts et de modèles économiques :

  • Les statuts : portage, entrepreneur indépendant en profession libérale, auto-entrepreneur, EURL, SAS, voire SARL… Voire vacation ou contrat court de salarié.
  • Les modèles économiques : certains dépendent entièrement d’un petit nombre de grands organismes de formation, au nom desquels ils délivrent des prestations en contrat de sous-traitance ; d’autres travaillent directement pour le client ; et beaucoup panachent ces deux façons de faire en fonction des opportunités.

Difficile de savoir précisément qui et combien sont les formateurs individuels, et a fortiori la ventilation entre ces catégories multiples. D’autant qu’une distinction s’ajoute : celle qui sépare les formateurs occasionnels des formateurs à titre principal

Quant à leur chiffre d’affaires, on ne peut guère l’estimer que pour les 16 000 qui disposent d’un numéro de déclaration d’activité. Représentant 24% des organismes, comme on l’a dit, ils réalisent 3% du chiffre d’affaires de la profession, soit une moyenne d’environ 26 000€ par formateur. Sachant, bien sûr, que beaucoup ont d’autres activités que la formation.

Quel est leur degré de professionnalisation ? Difficile à dire, là aussi, tant les profils sont hétérogènes et les données rares. Les acteurs que nous avons interrogés ont été unanimes sur un point : les formateurs indépendants sont experts dans leur domaine, mais pas forcément « instruits » en matière de législation et de réglementation entourant leur activité.

L’étude réalisée en 2016 par l’Observatoire prospectif de la Branche des organismes de formation donne cependant une image assez moderne du marché : 90% des organismes de formation de moins de 10 salariés disposent de leur site internet, ce qui suppose un minimum de formalisme. 9% envisagent d’en créer un. Un petit 1% des petits organismes n’y songent pas du tout. 54% dématérialisent d’une manière ou d’une autre la gestion de leurs ressources (plannings formateur, gestion des salles, du matériel…), et 30% envisagent de le faire. Ces chiffres traitent imparfaitement de notre cible, mais ils décrivent un marché qui bouge, qui se saisit des nouveaux outils, et qui ne semble pas majoritairement dans l’incapacité technique d’affronter le Datadock.

 

Le Datadock : qui est concerné ?

Dans quelle mesure le Datadock concerne-t-il les formateurs individuels ? Rappelons rapidement le principe en quelques points.

  • L’enjeu est non pas le droit d’exercer le métier de la formation, mais celui de bénéficier d’une prise en charge des prestations par les Opca et Opacif signataires de l’accord Datadock.
  • Le Datadock n’est utile, pour le moment, qu’auprès des Opca (19 sur 20) et Opacif parties prenantes au répertoire commun. Il ne fonctionne pas auprès des autres financeurs : le Fafsea (Opca de l’agriculture), les Opacif non couverts, mais aussi Pôle Emploi, l’Agefiph, l’Etat, les Régions.
  • Le Datadock n’est qu’un moyen d’attester la qualité d’un organisme de formation pour permettre le financement par l’Opca. Il est également possible d’obtenir un label reconnu par le Cnefop, garantissant que l’organisme valide les 6 critères de qualité du décret. Il en existe trois dédiés aux formateurs indépendants : celui d’ICPF&PSI, celui du RP-CFI, celui d’EFCoCert. Les titulaires de ces labels doivent aussi s’inscrire au Datadock, mais sans avoir à fournir de pièces et avec l’assurance d’être référencés. En outre, le label est valable auprès de tous les financeurs.

En clair, un formateur qui réalise toute ses prestations en sous-traitance  pour un organisme de formation plus important n’aura jamais besoin de Datadock. Mais comme le rappelle Jérôme Renaud, dont la plateforme d’intermédiation compte 5000 formateurs, dont 78% d’indépendants, « les formateurs visent toujours à travailler pour le client direct ; ils vont toucher par exemple 400€/jour en travaillant via un organisme ; ils préfèrent facturer directement 700 ! » Isabelle Thurel, formatrice juridique spécialisée dans… la formation professionnelle, le confirme de son côté : « pour un formateur individuel, il faut toujours avoir la possibilité de se retourner et de travailler seul si un gros organisme vous lâche. De plus, les gros organismes sont devenus très chers, les entreprises clientes sont souvent elles-mêmes demandeuses de passer en direct avec le formateur. »

De même, un professionnel qui travaille essentiellement pour de grandes entreprises qui ne font peu appel aux fonds des Opca et financent directement leurs dépenses de formation n’aura pas à se préoccuper du Datadock. C’est le cas, justement d’Isabelle Thurel : « Mais j’ai fait la démarche de m’enregistrer quand même, au cas où j’en aie besoin à l’avenir », précise-t-elle. Combien, parmi les formateurs moins avertis des arcanes de la formation professionnelle, en auront l’idée ?

Suite de notre enquête sur les formateurs indépendants et le Datadock la semaine prochaine.

 

Crédit Photo : ShutterstockAntonio Guillem

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9 commentaires

  1. Bonjour,

    30% des organismes de formation semblent bien inscrits à ce jour dans le datadock et une prolongation a l’air de se dessiner..

    Etre inscrit est un basique, quand est-il d’être reconnu par le maximum de financiers ?

    Cela arrive en ce moment à un de nos clients.. nous serions enchantés d’aider tout regroupement de « petits acteurs indépendants » !

    Bonnes chances à toutes et à tous,

    Mathieu pour AMVi

  2. Bonjour,
    savez-vous si quelqu’un a écrit, ou plutôt traduit les critères et indicateurs du Datadock, du langage tecnhnocratique en langage courant.
    Quelques points me semblent frôler l’abscondité…

    • Merci pour votre commentaire. Effectivement, le langage des financeurs de la formation professionnelle peut dérouter quand on ne connaît pas, même si les concepteurs du Datadock on fait, déjà, un effort de pédagogie pour traduire concrètement les critères du décret. Nous n’avons pas connaissance d’une « traduction », mais n’hésitez pas à la partager si vous en découvrez une sur Internet !

  3. Bonjour,
    Nous en sommes au 3ème rejet. A la lecture des commentaire nous constatons que les documents de preuve fournis n’ont pas dû être ouvert et lus car les réponses sont dedans.
    Est-ce le signe d’un travail mal fait (une ironie dans cette procédure qui se dit œuvrer pour une amélioration de la qualité) , un manque de temps ou tout simplement, d’une volonté de décourager ceux dont la partie formation représente une part marginale de leur activité.
    Bref, nous avons une collaboratrice qui a déjà passé plusieurs heures sur le dossier et quand je vois certains qui font les fanfarons en annonçant que le dossier est prêt en 3H, y’a de quoi se poser des questions.
    Faut-il être sincère et mettre les documents est explications qui correspondent à ce qu’on fait ou alors, mettre les documents « qu’il faut » pour être dans la ligne de ce qui est attendu (peut-être ont-ils mis un analyseur qui reconnait les « bons documents » sans même les ouvrir et tant pis pour les autres.
    Bref, c’est notre dernier essai ensuite basta ! nous avons autre chose à faire que de remplir des formulaires.

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