Réformes

La Pro-A sur les starting-blocks

« Reconversion ou promotion par l’alternance » : c’est le nom de baptême de Pro-A, successeur en 2018 de la période de professionnalisation. Près de deux ans et demi après sa création, le nouveau dispositif est enfin prêt à entrer pleinement en vigueur. La crise sanitaire lui a donné une nouvelle importance et une place attitrée dans le « plan de relance » : la reconversion des salariés est à l’ordre du jour. Mais sa mise en œuvre reste plus complexe que celle de la défunte période de professionnalisation, et elle ne bénéficiera pas, loin de là, à autant de salariés que cette dernière.

 

>> En savoir plus sur les outils de financement des reconversions

Qu’est-ce que la Pro-A ?

La Pro-A, ou « reconversion ou promotion par l’alternance », reprend les principales caractéristiques de la période de professionnalisation en ajoutant deux restrictions importantes :

  • Une restriction de public : la Pro-A est réservée aux salariés dont le diplôme le plus élevé est inférieure au niveau licence (bac+3) ;
  • Une restriction de formations éligibles : les formations ou les VAE financées dans le cadre d’une Pro-A doivent conduire soit :
    • à un CléA (certificat de maîtrise des compétences « socle ») ;
    • à une certification figurant sur la liste élaborée par la branche professionnelle dans le cadre d’un accord collectif, qui doit être étendu par le ministère.

La finalité évolue également : là où la période de professionnalisation visait prioritairement au maintien dans l’emploi, la Pro-A veut promouvoir l’évolution professionnelle ou la reconversion à un autre métier.

 

La Pro-A : carte d’identité

Public : Salariés en poste, en CDI, y compris en activité partielle. Autres cas possibles : CDD sportif, contrat unique d’insertion à durée indéterminée. Les bénéficiaires doivent être titulaires au maximum d’un diplôme bac+2.

Modalité de formation : alternance, avec un minimum de 150 heures et 15% du temps consacré à la formation (évaluation, positionnement et accompagnement compris), et un maximum de 25% (sauf publics spécifiés par accord collectif et pouvant aller au-delà de cette limite). Une partie de la formation peut avoir lieu hors temps de travail avec l’accord du salarié, dans la limite de 30 heures par an.

Durée de la formation : 6 à 12 mois (pas de minimum pour les VAE et CléA). Jusqu’à 24 mois pour certaines catégories spécifiées par accord collectif, 36 mois pour les jeunes non qualifiés.

Formations éligibles : CléA et certifications spécifiées par accord collectif (formation ou VAE).

Prise en charge par l’Opco :

  • Frais pédagogiques, transport et hébergement sur la base d’un tarif forfaitaire de 9,15€ par heure de formation, sauf si l’accord de branche ou l’Opco fixent un montant supérieur.
  • Rémunération du salarié (salaire et charges), dans la limite du coût d’un Smic par heure, uniquement si l’accord de branche ou l’Opco le prévoient.

Tutorat : obligatoire. Le tuteur doit être un salarié de l’entreprise ou l’employeur, et avoir au moins deux ans d’expérience dans le domaine qui fait l’objet de la formation. L’Opco prend en charge la formation du tuteur dans la limite de 4 heures à 15 € maximum par heure, et le temps de tutorat dans la limite de 230 € par mois sur 6 mois.

Modalité juridique : un avenant au contrat de travail doit être signé et déposé à l’Opco dans les 5 jours suivant le début de la Pro-A.

 

Que représente le public de Pro-A ?

Pro-A concerne potentiellement environ 4 Français en activité sur 5 : c’est la proportion de la population de 25 à 64 ans dont le diplôme le plus élevé est inférieur à la licence, selon l’Insee. Dans les jeunes générations (25-34 ans), on tombe à 71%, les seniors (55-64 ans) étant plus près de 90%.

En pratique, la très grande majorité des salariés est donc éligible à une formation en alternance dans le cadre d’une Pro-A. Dans ces conditions, pourquoi avoir prévu cette restriction ? Parce que la période de professionnalisation, qui a précédé Pro-A, est réputée s’être éloignée de son objectif premier, à savoir le maintien dans l’emploi des moins qualifiés. Dans certaines branches, elle serait devenue, selon l’étude d’impact de la loi Avenir Professionnel, « un simple outil d’abondement du plan de formation », même si d’autres branches étaient plus vertueuses. On manque cependant de chiffres pour mesurer l’ampleur de cette dérive.

Quoi qu’il en soit, la Pro-A ne pourra en aucun cas subir le même détournement. Le critère de qualification est très clair, et il a le grand mérite d’être très simple à appliquer.

 

Quelles sont les certifications éligibles ?

La difficulté porte davantage sur l’éligibilité des formations. La loi requiert que les branches négocient un accord collectif pour définir les certifications accessibles. L’accord est ensuite étendu arrêté ministériel, à condition que la liste respecte « des critères de forte mutation de l’activité et de risque d’obsolescence des compétences. »

Plus de 80 branches ont déjà bénéficié d’une extension d’accord collectif relatif à la mise en œuvre de la Pro-A. Les branches ont commencé à négocier dès 2019, et les premiers arrêtés d’extension ont été publiés à partir de juin 2020, avec une accélération à partir de novembre 2020.

Le processus est long : début 2020, plusieurs accords de branche portant sur Pro-A se sont vu refuser l’extension au motif que les certifications n’étaient pas explicitement listées. D’autres ont été étendus, mais en excluant certaines certifications qui ne remplissaient pas les critères légaux. Il faut alors un nouvel avenant à la convention collective, puis un nouvel arrêté d’extension. Dans certains cas, ce va-et-vient se reproduit : dans le cas de la branche du commerce de gros, par exemple, il y a déjà eu deux avenants à l’accord du 21 janvier 2020, et donc trois arrêtés d’extension ! Il faudra en passer par là à chaque fois que la branche voudra ajouter une certification.

La situation est donc encore loin d’être stabilisée !

 

Comment savoir si une certification est finançable dans le cadre de la Pro-A ?

Pour le moment, il n’y a pas de méthode simple pour vérifier qu’une certification est éligible à la Pro-A.

Le moyen le plus rapide reste de vous adresser à votre Opco, qui en principe doit disposer de cette information. Dans l’ensemble, cependant, les sites internet des Opco sont assez peu diserts sur la question. Il y a 4 exceptions, à la date de la rédaction de cet article :

Opco Mobilités et Constructys donnent plus simplement la liste des certifications éligibles à ce stade pour chaque branche, lorsqu’un accord étendu est intervenu.

Dans les autres cas, il est toujours possible de faire une recherche sur Légifrance pour voir si un arrêté d’extension a validé l’accord collectif (éventuel) conclu par votre branche.

Important : quelle que soit votre branche, les formations conduisant au CléA sont toujours éligibles. Et les limites de temps (minimum 6 mois) ne s’appliquent pas dans ce cas. La Pro-A apparaît donc comme une solution à privilégier dans le cadre d’une formation aux savoirs de base ou d’une mise à niveau.

 

L’importance de l’accord de branche

Les accords de branche portant sur la Pro-A ne se contentent pas de donner la liste des certifications éligibles. Ils précisent également :

  • Le montant forfaitaire de prise en charge des actions de formation, qui est de 9,15€HT par heure en l’absence d’accord.
  • La liste des catégories pouvant donner droit à une extension de la durée maximale des formations au-delà de 12 mois.
  • La liste des catégories pouvant bénéficier d’actions de formation sur plus de 25% du temps de la Pro-A.

 

Le gouvernement affiche un certain volontarisme en faveur du développement de la Pro-A : 270 M€ lui sont alloués dans le cadre du plan de relance, dont 108 M€ en 2021, 108 M€ en 2022 et 54 M€ en 2023. Ces fonds s’ajoutent, on peut le supposer, à ceux des Opco, sans qu’on sache précisément dans quelle mesure ils s’y substituent. Rappelons que la période de professionnalisation, en 2018, avait mobilisé 623 M€ de fonds mutualisés.

La Pro-A ne représentera pas le même volume de formation que la période de professionnalisation, c’est une certitude. Le dispositif sera probablement mobilisé le plus souvent pour financer des formations CléA, pour lesquelles il est facile à mettre en œuvre. Pour les autres formations, la capacité des Opco à en traduire les complexités sera décisive pour les entreprises.

Crédit photo : Shutterstock / wan wei

Si vous souhaitez vous inscrire à la newsletter mensuelle du blog MANAGEMENT DE LA FORMATION : rendez-vous ici.

Découvrez le site RHEXIS, l’externalisation au service de la gestion de votre formation.

 Retrouvez les articles qui peuvent vous intéresser sur des thèmes proches :

Management de la Formation

Recent Posts

Infographie : 12% des entreprises françaises pratiquent l’externalisation de la formation

Une étude et une infographie Apave apportent un éclairage bienvenu sur l'état de l'externalisation de…

21 février 2024

France VAE : comment accompagner les collaborateurs dans la validation de leurs acquis ?

La création de France VAE rationnalise l'accès à la validation des acquis de l'expérience. Pour…

7 février 2024

Le social learning, ferment de performance pour la formation en entreprise

Le social learning désigne l'ensemble des méthodes et processus par lesquels nous apprenons en interaction…

24 janvier 2024

La formation professionnelle en 10 vidéos (juillet 2023 – janvier 2024)

Intelligence artificielle générative, digital, reste à charge du CPF, France VAE... Tour d'horizon de l'actualité…

9 janvier 2024

L’entretien annuel d’évaluation : quelle place dans la gestion des RH et des compétences ?

L'entretien annuel d'évaluation est un acte de management qui rythme la vie des collaborateurs et…

13 décembre 2023

Pacte de la vie au travail : une réforme partielle du système de formation ?

La négociation entamée par les partenaires sociaux autour de Pacte de la vie au travail…

5 décembre 2023