Hugues de Balathier (DGEFP) : « Le CPF a démarré plus vite que le DIF »

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Chef de service à la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, adjoint à la Déléguée générale, Hugues de Balathier a assuré l’intérim de la Délégation fin 2015, avant l’arrivée de l’actuelle Déléguée, Carine Chevrier. Diplômé de l’IEP de Paris, ancien élève de l’ENA, il a été conseiller en charge des questions d’emploi et de formation professionnelle au cabinet de plusieurs ministres, puis conseiller en charge du volet « emploi-industrie » du Plan de relance de l’économie. De 2010 à 2014, il a été successivement chef du département « travail, emploi, formation » au Centre d’Analyse Stratégique (aujourd’hui France Stratégie), puis Secrétaire général du Conseil d’orientation pour l’emploi. Il répond aux questions de Management de la formation au sujet de la réforme de la formation et de sa montée en charge.

 

Management de la Formation : bientôt deux ans après son vote, où en est la réforme de la formation professionnelle ?

D’abord, je voudrais rappeler que le CPF ne constitue qu’un volet de la réforme de la formation professionnelle lancée en mars 2014 ! Il y a bien d’autres dispositions, et notamment trois autres piliers qui me paraissent tout aussi importants que le CPF : la fin de l’obligation fiscale de dépenses, l’entretien professionnel et le conseil en évolution professionnelle (CEP).

La réforme a été pensée autour de plusieurs axes : elle met l’accent sur la responsabilisation des acteurs et sur l’efficacité du système, mais aussi sur sa simplification. La plupart des mesures sont entrées en vigueur au 1er janvier 2015, mais la mise en œuvre est progressive. 2016 sera une année phare de son application, mais elle ne sera pas la dernière : le décret relatif à la qualité de la formation n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2017.

 

 

Quel bilan peut-on tirer pour le CPF en 2015 ?

2015 aura été une année de transition, d’appropriation de la réforme par les acteurs. Le CPF a connu une montée en charge assez lente au 1er semestre, puis une forte accélération au second, tant du côté des demandeurs d’emploi que des salariés. Et nous n’avons pas encore atteint le régime de croisière.

Même si, répétons-le, le CPF n’est pas le « remplaçant » du DIF mais un dispositif de nature très différente, la comparaison entre les rythmes de démarrage de l’un et de l’autre est encourageante. Lors de sa première année complète de sa mise en œuvre, en 2005, le DIF avait donné lieu à 29 000 formations de 23,5 heures en moyenne, soit un peu moins de 700 000 heures au total.

En 2015, plus de 44 000 salariés (sur les 210 000 dossiers au total) ont utilisé leur CPF, pour des formations d’une durée moyenne de 151,5 heures – soit près de 7 millions d’heures. Par rapport au DIF, on a donc, la première année, moitié plus d’utilisateurs salariés, et 10 fois plus d’heures de formation. Ce qui est cohérent avec la vocation qualifiante du CPF.

Enfin, il y a aussi, bien sûr, le chiffre des CPF activés sur le site www.moncompteformation.gouv.fr (2,5 millions), et celui des heures de DIF saisies – 230 millions !

 

Et quelles sont les perspectives du CPF pour 2016 ?

Il y a de bonnes raisons de penser que la montée en charge va encore s’accélérer en 2016, en particulier du côté des salariés. D’abord du fait de la vague d’entretiens professionnels qui devraient avoir lieu d’ici le 7 mars, et dont on peut supposer qu’ils seront l’occasion pour les employeurs d’informer leurs salariés sur les moyens de formation à leur disposition, notamment le CPF.

Ensuite, les comptes des salariés vont commencer à être alimentés en mars et avril 2016 au titre de l’année 2015. Jusqu’à présent, les dossiers CPF qui ont été traités puisaient dans les anciennes heures de DIF inscrites sur le compte. On devrait donc assister à un rééquilibrage en faveur des salariés dans les demandes de CPF.

Un autre aspect de la réforme peut avoir un impact sur le volume de CPF : c’est le conseil en évolution professionnelle. Les opérateurs nationaux (Pôle Emploi, l’Apec, les missions locales, les Cap Emploi, les Opacif), se sont bien appropriés la mission. Nous n’avons pas encore de remontées chiffrées consolidées, mais les premiers indicateurs sont encourageants et cette activité devrait avoir également une influence sur le recours au CPF.

 

Quelles tendances voit-on se dessiner du côté des formations elles-mêmes ?

Côté CPF, les listes se sont constituées tout au long de 2015 : les listes nationales et régionales sont complètes, celles des branches le sont à 95%. Elles vont continuer à être actualisées. On en est aujourd’hui à plus de 12 000 certifications éligibles.

Parmi les 10 formations les plus demandées, on trouve en majorité des modules qui répondent aux problématiques des moins qualifiés – notamment le socle de compétences (Cléa). Et au total, l’ensemble des niveaux de qualification est représenté. Mais il faut attendre que le dispositif atteigne son régime de croisière pour se prononcer plus précisément.

Quant aux durées de formation, déjà évoquées, elles reflètent bien l’objectif de qualification qui a été assigné au CPF.

 

Qu’en est-il du portail www.moncompteformation.gouv.fr ? Va-t-il connaître de nouvelles adaptations ?

Le système d’information se construit avec des améliorations progressives, comme celle du moteur de recherche en septembre 2015 par exemple. Au départ, il a été nécessaire de prendre beaucoup en compte les approches « métiers », la formation professionnelle étant un système complexe. Mais avec le temps, la préoccupation « usager » prend largement le pas, et nous réorientons l’ergonomie et les fonctionnalités du site vers le salarié et le demandeur d’emploi.

On trouve ainsi sur le site des outils d’accompagnement du projet. L’usager est guidé dans le processus, et trouve toutes les informations et tous les contacts des interlocuteurs pertinents. La recherche des certifications éligibles se fait par région, par secteur et par statut (salarié ou demandeur d’emploi) : la liste nationale et les listes régionales sont ainsi compilées et accessibles ensemble par le moteur de recherche. De façon transparente, le salarié peut ainsi connaître instantanément les formations auxquelles il peut prétendre avec ses heures de CPF, dans sa région et dans son secteur. Il lui reste alors, comme avant, à rechercher les organismes qui sont susceptibles de lui délivrer la formation correspondante.

 

La disparition de la 2483 vous prive d’une source importante de données. Comment allez-vous assurer désormais le suivi statistique de la formation professionnelle ?

Nous n’avons pas souhaité recréer une complexité administrative en réinstaurant une déclaration purement statistique en lieu et place de la 2483. La simplification fait partie des objectifs de la loi !

Le ministère va bien sûr continuer à suivre les évolutions de la formation professionnelle, mais, s’agissant des données que comportaient l’ancienne déclaration 2483, en ayant recours à des enquêtes. Nous partirons de celles que réalise déjà la Dares. Inutile de créer un nouveau support.

 

Comment envisagez-vous la suite de la réforme, et ses conséquences ?

2016 sera l’année où les acteurs vont s’approprier la démarche « qualité » de labellisation des organismes de formation, qui va entrer en vigueur au 1er janvier 2017.

L’un des aspects fondamentaux de la réforme est aussi la fin de l’obligation administrative de dépense. On passe à une logique d’investissement, dans laquelle les DRH, les responsables formation vont devoir davantage justifier leurs dépenses devant leurs directeurs financiers.

Il est difficile d’anticiper l’impact sur le montant total des dépenses de formation. Mais même si l’on constatait une légère baisse, ça ne se ferait probablement pas au détriment de l’efficacité d’ensemble de notre système de formation : en responsabilisant les acteurs, on crée au contraire les conditions pour des dépenses de formation pertinentes, concertées, utiles – au projet de l’entreprise comme à celui du salarié. C’est en tout cas le pari qui est fait, celui de la responsabilisation !

 

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2 commentaires

  1. Plus vite ? Que veut dire « plus » ? En quantité absolue, il a moins de DIF que de CPF et de beaucoup moins ! Les démarches pour faire un DIF ou un CPF n’ont rien à voir. Que peut-on comparer en terme de démarrage ? L’article est clair : DIF et CPF sont non comparables donc ne comparons pas ! Donc que dire du titre de l’article qui utile un comparatif. Décidément, on fait dire ce que l’on veut aux chiffres surtout quand on ne le donne pas !

    • Bonjour,
      Merci pour votre contribution. Effectivement, DIF et CPF sont bien deux outils distincts. D’où les précautions prises par M. de Balathier pour la comparaison : on s’en tient bien au champ « salariés », commun aux deux dispositifs – le CPF s’adressant également aux demandeurs d’emploi. La comparaison était attendue par beaucoup d’observateurs, d’autant que les heures de DIF sont bien convertibles en heures de CPF… Et qu’il s’agit bien, dans les deux cas, d’outils nouveaux au service de la formation professionnelle individualisée. La comparaison ne nous paraît donc pas illégitime, mais vous avez raison de le rappeler, il faut en relativiser la portée !

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