Repères

Régions : quel rôle en matière de formation professionnelle ?

Les régions ont acquis, dès leur création en 1983, de vastes compétences en matière de formation professionnelle. Comment ce rôle a-t-il évolué ? Et comment se traduit-il concrètement, pour les entreprises et les salariés ? Alors que les électeurs renouvellent leurs conseils régionaux, nous nous penchons sur le rôle que joue cette collectivité locale dans la planification et le financement de la formation professionnelle.

 

Après avoir évoqué le mois dernier les interlocuteurs étatiques de l’entreprise en matière de formation professionnelle, nous profitons des élections régionales pour aborder la région sous le même angle.

 

Un financement en recul

Les données des Jaunes budgétaires nous permettent d’avoir une idée de ce que représentent les régions dans le financement de la formation, d’un point de vue strictement quantitatif. Les chiffres s’arrêtent à 2018, et ne permettent donc pas de mesurer l’impact de la réforme intervenue cette année-là.

Les Régions, 2e financeurs de la formation professionnelle

Premier constat : les Régions sont, depuis 2012, le 2e financeur de la formation professionnelle, certes loin derrière les entreprises, mais quelques points devant l’Etat.

Chiffres : Jaunes budgétaires 2011-2021

Une dépense en baisse

Deuxième enseignement : après un pic en 2015, la part des régions dans le financement de la formation professionnelle semble orientée à la baisse. Il reste à voir si la réforme de 2018 va réduire encore cette participation.

Sur une période de temps plus longue, on note qu’en pourcentage du PIB, la dépense des régions en formation professionnelle et apprentissage a connu une rapide augmentation entre 2003 et 2006, avant de connaître une lente érosion après 2009.

Chiffres : Jaunes budgétaires 2002-2021

Quelles formations les Régions financent-elles ?

De quoi se compose cette dépense ? L’apprentissage en représentait encore une large part en 2018 (près de 37%). Cette proportion était cependant plutôt orientée à la baisse : en 2005, l’apprentissage mobilisait la moitié des financements « formation » des Régions.

La dépense visant spécifiquement les salariés ne s’élève qu’à 8,6% de la participation totale des régions ; et il s’agit, pour l’essentiel, de formations sanitaires et sociales (autres que celles destinées aux demandeurs d’emploi). Cette proportion est stable depuis une quinzaine d’années.

Le solde se compose pour une large part de dépenses liées à l’insertion professionnelle des jeunes (15,6%) et des demandeurs d’emploi de 26 ans et plus (27,6%).

Chiffres : Jaune budgétaire 2021

 

La Région, financeur invisible pour les entreprises

En dehors du secteur sanitaire et social, l’impact des financements régionaux sur les politiques de formation des entreprises se fait donc essentiellement sentir sur le recrutement, qu’il s’agisse d’embaucher des apprentis ou de prendre en stage des demandeurs d’emploi en insertion.

La réforme de 2018 aura donc vraisemblablement pour effet d’éloigner les régions des entreprises en matière de formation : en effet, elles y ont perdu à la fois la gestion de l’apprentissage sur leur territoire, l’autorisation et le financement des CFA, ainsi que le bénéfice de 51% de la taxe d’apprentissage. Il leur reste cependant une enveloppe limitée, attribuée par France Compétences, qui peut leur permettre d’abonder des dépenses d’investissement dans les CFA.

L’impact des politiques régionales en matière de formation professionnelle sur les entreprises est donc, désormais, essentiellement indirect. En pratique, la Région intervient surtout comme financeur sur des actions de formation mises en place par d’autres organismes : Pôle emploi, les missions locales, les Opco…

Les sites des conseils régionaux proposent des aides aux entreprises en matière de financement, de trésorerie et de conseil (exemple de l’Ile-de-France), mais pas directement en matière de formation. Sur ce dernier sujet, ce sont essentiellement les demandeurs d’emploi et les jeunes qui sont ciblés.

En tant que telle, la Région n’est donc pas souvent un guichet auquel s’adressent les entreprises pour un financement de formation. Certaines font cependant des pas dans cette direction, à l’instar de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en proposant aux entreprises de les aider à trouver des salariés dont la formation est financée par la région.

 

Le rôle institutionnel de la Région en matière de formation

La formation et l’apprentissage, compétence des Régions

Ce dernier constat est d’autant plus étonnant que la formation professionnelle fait partie spécifiquement des attributions des Régions, et ce depuis leur création. La loi du 7 janvier 1983, qui fixe les compétences des différents niveaux de collectivités locales, énonce que « la région assure la mise en œuvre des actions d’apprentissage et de formation professionnelle continue ».

Cette formulation a évolué au fil des années et a été transférée en 2000 dans le code de l’Education. Les compétences de la région se sont précisées et spécialisées. La réforme de la formation de 2014 a ainsi créé un « service public régional de l’orientation tout au long de la vie professionnelle ». La Région est également « chargée de la politique régionale de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle ».

Les moyens de la région sont donc, concrètement, fléchés vers ces objectifs : favoriser l’orientation et former les différents publics de demandeurs d’emploi. Jusqu’à la réforme de 2018, il s’y ajoutait un rôle prépondérant dans l’apprentissage, qu’elles ont perdu. Ce qui explique la relative absence, aujourd’hui, de cette collectivité dans la vie quotidienne de l’entreprise, pour ce qui est de la formation.

Une vision stratégique et territorialisée

Dans le même temps, les Régions se sont vues confier des missions stratégiques matérialisées dans des textes qui ont changé de nom au fil des réformes, et dont le dernier avatar est le « contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles ». Ce texte est négocié au sein du Crefop, qui incarne la gouvernance dite « quadripartite » de la formation professionnelle en région : Etat, région, représentants des salariés, représentants des employeurs. Il s’agit de textes longs, ambitieux, mais qui semblent dépasser assez largement le champ de ce que la région peut concrètement faire. Surtout, le paysage institutionnel changeant souvent, il n’est pas rare que ces contrats fassent référence à des organismes et des dispositifs qui n’existent déjà plus au moment de leur vote, ou très peu de temps après.

Les régions jouent cependant un rôle important dans le déploiement de certaines politiques nationales. C’était le cas du plan « 500 000 formations supplémentaires » lancé fin 2016, et plus récemment du « plan d’investissement dans les compétences » (PIC). Ce dernier a donné lieu à des « pactes régionaux d’investissement dans les compétences » signés entre l’Etat et les régions. On les retrouve à nouveau associées à la mise en œuvre du dispositif « transitions collectives ».

 

Malgré un budget important et des compétences extensives sur le papier, les régions semblent intervenir davantage en relais des politiques nationales de formation que dans une logique véritablement autonome. Il n’est guère surprenant que les programmes des candidats aux élections régionales mobilisent assez peu sur cette thématique, avec des propositions qui s’apparentent souvent au maintien ou à la valorisation des dispositifs existants.

La perte du financement de l’apprentissage a incontestablement rompu un lien avec l’entreprise. Mais le Crefop reste un lieu où l’ensemble des acteurs de la formation se rencontrent et échangent, ce qui est toujours bénéfique. Et l’influence des conseils régionaux sur la carte des formations et leur petite capacité d’investissement peut en faire un allié précieux dans les territoires les plus démunis d’offre de formation en alternance : un point à ne pas négliger au moment de glisser son bulletin dans l’urne !

 

Crédit photo : Shutterstock / Irina Solatges

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