Pro-A : retour aux sources de la période de professionnalisation ?

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Peut-on former ses salariés en alternance à un prix abordable ? Depuis 2004, on le pouvait grâce à la période de professionnalisation. La réforme de 2018 remet en cause ce dispositif, très populaire auprès des entreprises. Il le remplace par la « Pro-A » – le petit nom de « reconversion ou promotion par alternance », qui exclut les salariés les plus qualifiés. Même si le décret d’application n’est pas attendu avant fin novembre, qu’en sera-t-il pour les entreprises après le 1er janvier 2019 ?

 

Pro-A : l’alternance pour les salariés les moins qualifiés

Traditionnellement, l’alternance est plutôt destinée aux jeunes et aux demandeurs d’emploi, dans un contexte de recrutement et d’insertion – en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage. Mais la période de professionnalisation, créée en 2004, permet aux entreprises de faire financer par l’Opca des formations en alternance pour leurs salariés, visant en principe à leur maintien dans l’emploi.

La réforme de 2018 remplace la période de professionnalisation par un nouveau dispositif, surnommé « Pro-A » par la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Dans les textes (article L. 6324-1 du code du Travail, version au 1er janvier 2019), le dispositif est désigné par la périphrase « la reconversion ou la promotion par l’alternance ». La Pro-A « a pour objet de permettre au salarié de changer de métier ou de profession, ou de bénéficier d’une promotion sociale ou professionnelle par des actions de formation. » Du maintien dans l’emploi, on passe donc au développement professionnel ou à la conversion.

Mais la Pro-A se distingue avant tout du dispositif qu’elle remplace par une définition précise du public visé : les bénéficiaires doivent impérativement avoir un niveau de qualification inférieur à un certain niveau. Celui-ci doit être fixé par décret, mais selon les auteurs de l’article de loi, la Pro-A devrait être réservée aux salariés titulaires d’un diplôme de niveau III au maximum, soit Bac + 2 (BTS, DUT, ancien DEUG). (Même si la première rédaction de l’article pouvait laisser penser que ce niveau maximum était celui de la qualification visée.)

Si le niveau BTS est bien retenu, la grande majorité de la population active pourra en bénéficier ; la mesure visant surtout à éviter que les fonds de la formation en alternance servent à financer des formations pour les publics les plus favorisés.

On est donc bien dans l’esprit de la loi : réorienter explicitement les fonds mutualisés vers les publics qui ont le plus besoin de financement de la formation – jeunes, demandeurs d’emploi, salariés les moins qualifiés.

 

Comment ça marche ?

Même si tous les détails ne sont pas connus, les principaux points le sont :

  • La Pro-A sera disponible à partir du 1er janvier 2019, date à laquelle la période de professionnalisation disparaît.
  • Comme la période de professionnalisation, la Pro-A est destinée aux salariés en CDI, ainsi qu’aux bénéficiaires de certains types de contrat (contrat unique d’insertion et certains contrats de sportifs).
  • La Pro-A est financé par l’Opco, dans les mêmes conditions que les autres formations en alternance (professionnalisation et apprentissage).
  • La période est organisée dans les mêmes conditions que la période de professionnalisation, c’est-à-dire en alternant périodes de formation théorique (en organisme de formation ou dans le service formation de l’entreprise s’il y en a un) et « exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles ».
  • Elle doit déboucher sur une certification, ou rendre possible une conversion professionnelle (ce qui a priori passe également par une certification).
  • Elle peut être réalisée en tout ou partie hors temps de travail, dans la limite de 30 heures, avec l’accord du salarié. La partie réalisée sur le temps de travail donne lieu au maintien de la rémunération.
  • La Pro-A est formalisée par le biais d’un avenant au contrat de travail, qui en précise la durée et l’objet.

Pour le moment, aucune durée minimale de temps passé en formation n’a été fixée. Pour la période de professionnalisation, elle était de 70 heures depuis 2014.

 

Pro-A : du neuf avec du vieux

Si l’on regarde un peu en arrière, force est de constater que la Pro-A est à la fois une création de la réforme et une sorte de retour aux sources de la « période de professionnalisation ». Avant la réforme de 2004, l’alternance n’était pas proposée en tant que telle aux salariés de plus de 26 ans. Les contrats de qualification, d’adaptation, d’orientation, d’apprentissage étaient réservés aux jeunes. Depuis 1998, le contrat de qualification était ouvert aux demandeurs d’emploi.

En 2004, l’alternance a été à la fois simplifiée et élargie : le contrat de professionnalisation a remplacé tous les anciens contrats (sauf l’apprentissage), en s’adressant aux jeunes et aux demandeurs d’emploi. A côté, était créée la période de professionnalisation, destinée aux salariés en poste. Mais pas n’importe lesquels : la loi visait plus particulièrement les « salariés dont la qualification est insuffisante au regard de l’évolution des technologies et de l’organisation du travail », suivant des critères définis par l’Opca ou par accord de branche. Elle s’adressait également aux salariés les plus anciens (20 ans d’activité ou âgés de 45 ans ou plus), aux créateurs/repreneurs d’entreprise, aux salariés revenant de congé maternité ou parental, aux travailleurs handicapés.

Les entreprises se sont vite approprié les périodes de professionnalisation. Dès 2006, on atteignait près de 400 000 stagiaires. Après un pic à 420 000 en 2009, le dispositif a reflué avec la crise. En 2014, la précédente réforme a supprimé la référence aux différents publics. La reprise économique, couplée à cette simplification, a relancé le dispositif, qui a bénéficié à 678 000 salariés en 2016. Dès 2010 cependant, la Cour des comptes déplorait que la période de professionnalisation bénéficiait de façon disproportionnée aux salariés des grandes entreprises, et ne concernait pas de façon évidente le public cible, à savoir les moins qualifiés.

Utilisée pour des formations plutôt courtes (entre 80 et 90 heures en moyenne suivant les années), la période de professionnalisation semble avoir vite perdu sa vocation « maintien dans l’emploi », pas assez bien spécifiée dans la loi. Le dispositif serait souvent utilisé « comme un simple outil d’abondement du plan de formation », selon l’étude d’impact de la loi « Avenir professionnel » – qui à vrai dire ne s’embarrasse guère de données sur la question.

Pour cette raison, le projet de loi initial supprimait purement et simplement la période de professionnalisation. Il s’agissait également de faire le grand ménage dans les dispositifs, en supprimant ceux qui apparaissaient comme redondant ou inutiles, au profit du seul Compte personnel de formation.

Ce n’est qu’au cours du processus d’adoption de la loi que la Pro-A a été rajoutée, comme outil de promotion ou de reconversion professionnelle au bénéfice des salariés, à l’exclusion des plus qualifiés.

La Pro-A représentera, pour les entreprises, un moyen de « récupérer » des fonds mutualisés au service de projets de formation des salariés en CDI, avec un public et des objectifs clairement définis – ce qui n’était plus le cas de la période de professionnalisation.

Crédit photo : fotoliaauremar

 

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2 commentaires

  1. sorel pierrette le

    Bonjour,
    Pourriez-vous me dire s’il sera possible de prévoir un dispositif  » Pro-A », avec des formations inscrites à l’ex inventaire appelé aujourd’hui « répertoire » ?
    Vous remerciant par avance
    Bien cordialement Pierrette

    • Bonjour Pierrette,

      Merci pour votre commentaire, et s’il n’est pas trop tard : oui, Pro-A, comme la période de professionnalisation, peut avoir pour but l’acquisition d’une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles. Elle peut aussi viser un certificat de qualification professionnelle (CQP), même non enregistré au RNCP, ou une qualification reconnue par accord de branche.

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