Budgets 2026 : la formation professionnelle au régime sec

Les financements publics et mutualisés de la formation professionnelle, qui stagnent depuis 3 ans et ont même reculé en 2024, devraient connaître un net recul en 2026. On sait déjà que les dépenses de France Compétences, qui représentent environ 40% de l’ensemble, vont baisser de 10%. Si le budget de la Sécurité sociale a finalement épargné les apprentis, on ne sait pas encore ce que nous réservera la loi des finances, quand elle sera votée – si elle l’est. Une chose est sûre : les fonds seront en baisse, et les entreprises devront mettre davantage la main à la poche pour financer leurs politiques de compétences.

France Compétences dégagerait un excédent en 2026…

Le budget prévisionnel de France Compétences couvre l’ensemble des dépenses mutualisées des entreprises. Il définit la répartition prévue en 2026 des fonds issus des contributions formation et apprentissage (pour l’essentiel). Nous avons comparé le budget prévisionnel pour 2026 au budget prévisionnel rectificatif pour 2025, publié en même temps, et qui contient des différences majeures avec le budget prévisionnel voté initialement pour 2025 à la fin de l’année précédente.

Ce budget de rigueur a été voté par l’Etat et les personnalités qualifiées (choisies par le ministère chargé de la formation), contre l’avis des partenaires sociaux (salariés et employeurs).

France Compétences table sur un excédent de 640M€ en 2026, après un déficit de 885M€ en 2025.

résultats france compétences

Chiffres : France Compétences

La différence ne s’explique pas par une compensation plus importante versée par l’Etat, bien au contraire : en 2025, la contribution de ce dernier s’était élevée à près d’1 milliard d’euros (report des crédits du PIC compris), contre 587M€ prévus en 2026 (report Transco inclus). Un point important : en 2025, les dotations de l’Etat à France Compétences auront été finalement moitié moins élevées que prévu dans le budget prévisionnel initial : on est passé à peu près de 2 Mds€ à 1Md€.

Malgré ce recul considérable de la contribution exceptionnelle de l’Etat, les ressources augmentent de 125M€, essentiellement grâce à la hausse attendue des contributions obligatoires et conventionnelles, qui passeraient de 11,5Mds€ en 2025 à 12Mds€ en 2026.

ressources et emplois france compétences

Chiffres : France Compétences

…Mais ses dépenses baisseraient de 10%

Si les ressources augmentent légèrement donc (+1%), les emplois sont en baisse de 1,4 Mds€, soit -10,4% en 2026 par rapport à 2025 – ou même -14,2% si l’on prend pour référence le budget prévisionnel initial pour 2025. C’est un véritable tour de vis.

Cette baisse se répartit presque équitablement entre deux principaux postes :

  • L’alternance : – 687M€. France Compétences envisage de consacrer 8,3 Mds€ à l’apprentissage et à la professionnalisation en 2026, contre 9 Milliards en 2025. A noter que le budget prévisionnel initial pour 2025, tel que publié fin 2024, prévoyait 9,6Mds€. En prenant ce point de référence, le recul est donc de 1,3Mds€ entre les deux années !
    En 2025, pour la première fois depuis 2014, le nombre d’entrées en apprentissage va vraisemblablement baisser, après avoir atteint un maximum de 865 000 en 2024 (dans le privé). Le nombre de contrats budgétés pour 2026, 835 000, est à peu près en ligne avec ce qui devrait se produire en 2025.
  • Le CPF : – 650 M€. La dépense du CPF baisse quasi-continûment depuis qu’elle a frôlé les 3 Mds€ en 2021. En 2025, on repasse sous la barre des 2 Mds€. Pour 2026, l’agence prévoit 650 M€ de moins, soit 1,32 Mds€. Le montant aura été divisé par plus de 2 en 4 ans, si la prévision est juste.

Parmi les autres postes :

  • Le financement de formations destinées aux demandeurs d’emploi passe de 800M€ à 627M€ ;
  • La part dédiée au financement du plan de formation des entreprises de moins de 50 salariés recule légèrement, de 550M€ à 521M€ ;
  • Le financement du projet de transition professionnelle (PTP, 435 M€) et du conseil en évolution professionnelle (CEP, 110 M€) reste stable.
dépenses alternance et cpf france compétences

Chiffres : France Compétences

En réalité, cependant, France Compétences n’a pas véritablement la main sur le volume d’apprentis et de formations CPF qui seront financés en 2026. Les demandes de contrat en apprentissages et de financement CPF devront être traitées et honorées quoiqu’il arrive. Ces chiffres reposent donc sur des prédictions – qui se sont avérées assez proches de la réalité en 2025 – fondées elles-mêmes sur une évaluation de l’effet des mesures de restriction. Avec un inconvénient cependant : les mesures fiscales, sociales et réglementaires susceptibles d’affecter le recours à ces dispositifs n’étaient pas encore connues au moment du vote du budget. En conséquence, il est possible que ces chiffres évoluent rapidement.

Une double incertitude liée aux lois budgétaires

La situation politique, qui rend difficile le vote des grandes lois budgétaires, ajoute à l’imprévisibilité de la dépense de formation en 2026.

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 a finalement été votée ; mais comme elle épargne l’apprentissage, contrairement à ce que l’on craignait, il est possible que France Compétences soit amené à revoir à la hausse sa prévision de dépenses. En effet, il a été question, au cours des débats, de supprimer totalement l’exonération de cotisations sociales sur la rémunération des apprentis, ce qui aurait renchéri le coût de l’apprentissage pour les entreprises et dissuadé les embauches. Cette mesure ne figure pas dans le texte final. Ajoutons qu’un décret modifiant le montant de l’aide exceptionnelle pourrait aussi affecter le recours à l’apprentissage par les entreprises.

La loi des finances pour 2026, en revanche, n’a pas encore été votée, et il n’est pas certain qu’elle le soit avant la fin de l’année. Or, certaines mesures sont susceptibles d’affecter le recours au CPF, comme la fin du remboursement du bilan de compétences, un moment envisagée. Pour l’instant, le texte ne la prévoit pas, mais contient le principe d’un plafonnement du financement par le CPF des actions inscrites au répertoire spécifique (RS). En fonction des mesures qui seront votées définitivement, les incitations à recourir au CPF pourront varier considérablement.

La volonté de rigueur de France Compétences sera probablement difficile à tenir. Les effets du reste à charge et de la lutte contre la fraude sur la consommation de CPF sont sans doute essentiellement derrière nous, et le recours a l’apprentissage a montré une certaine résilience par rapport à la baisse sensible des aides en 2025. Il est donc vraisemblable que la baisse globale des aides à la formation s’avère un peu moins importante que prévue. Dans le contexte budgétaire actuel, il est cependant probable que l’Etat réduise ou contienne les différents dispositifs d’aide à la formation (et de financement de la formation de ses propres agents). Les entreprises seront donc amenées à autofinancer de plus en plus leur effort de formation – ce qu’elles font de plus en plus depuis 10 ans.

Crédit photo : Shutterstock

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