France VAE : comment accompagner les collaborateurs dans la validation de leurs acquis ?

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La validation des acquis de l’expérience (VAE), créée en 2002, est en pleine réforme, avec le déploiement progressif du portail France VAE. L’objectif : mettre en place un « service public de la validation des acquis de l’expérience ». La réforme entend simplifier la VAE pour en tripler le volume. Concrètement, ces simplifications vont-elles aider les entreprises et leurs responsables formation à utiliser la VAE dans le cadre de leur gestion des talents et des compétences ?

Sommaire
La réforme de la VAE en bref
Comment accompagner ses collaborateurs dans leur démarche de VAE ?
Un congé de VAE assoupli pour les salariés
4 raisons de promouvoir la VAE dans l’entreprise
La réforme simplifie-t-elle réellement la VAE ?

 

La réforme de la VAE en bref

La réforme de la validation des acquis de l’expérience a été initiée par la loi du 21 décembre 2022, suite à la remise du rapport Rivoire au début de cette même année. Le rapport émettait des propositions qui visaient à lever les freins pesant sur le processus de VAE. Créée en 2002, celle-ci avait en effet connu son pic en 2008-2009 avant de décliner lentement. Si l’on excepte l’anomalie de 2020, l’année 2022 a vu le plus bas nombre de validations des acquis de l’expérience abouties depuis 2005.

Evolution VAE actualisée avec chiffres 2022

(source : jaunes budgétaires)

Pour enrayer ce déclin, le rapport identifiait les points de frictions et préconisait de créer un service public numérique de la VAE, ainsi qu’un système d’information réunissant tous les acteurs du dispositif. Il recommandait également de soigner et de financer l’accompagnement à chaque étape de la VAE. Ces prescriptions, pour l’essentiel, ont été mises en œuvre dans la réforme.

Parmi les autres propositions du rapport figurait l’automatisation de la phase d’examen du dossier de faisabilité, la première étape de la procédure. Cette proposition n’a pas été retenue telle quelle, mais l’obstacle a été pris en compte : cette phase fera l’objet d’un accompagnement renforcé des candidats.

En l’état, la réforme comporte :

  • une centralisation du système d’information ;
  • la création d’une interface unique pour l’accès aux démarches conduisant à la VAE (portail France VAE) ;
  • la création d’une fonction d’ « architecte accompagnateur de parcours » (AAP), un professionnel certifié Qualiopi qui accompagne les candidats dans la procédure ;
  • La phase de recevabilité n’est ni supprimée ni automatisée, mais les candidats peuvent désormais bénéficier (grâce aux AAP) d’un accompagnement financé pour remplir leur dossier de recevabilité. Auparavant, ils ne pouvaient le faire qu’une fois leur candidature reconnue comme recevable.

Cet accompagnement peut aller très loin, dans la mesure où le candidat peut déléguer à l’AAP le soin de présenter le dossier de faisabilité. C’est en ce sens qu’Olivier Gérard, le préfigurateur de France VAE, a pu dire en interview que « l’ancien dossier de recevabilité – un document Cerfa accompagné d’une notice de 16 pages ! – est supprimé et remplacé par un entretien du candidat avec un architecte-accompagnateur de parcours (AAP) ». La référence à une durée minimale d’un an d’expérience professionnelle a par ailleurs été supprimée de la loi. Les conditions de recevabilité du dossier seront précisées par arrêté.

Pour résumer, la réforme ne simplifie pas vraiment la structure de la procédure VAE en elle-même. Elle mise surtout sur la rationalisation du système d’information, la qualité de la communication et la qualité de l’accompagnement pour rendre la complexité du système plus accessible et moins intimidante.

Un décret du 27 décembre 2023 est venu préciser la nouvelle procédure.

La transition se fait de façon progressive :

  • Depuis le 1er janvier 2024, la validation de 200 certifications dans 6 branches (métallurgie, santé, sanitaire et social, grande distribution, sport) est accessible depuis le portail France VAE.
  • Pour faire valider les autres certifications, il faut toujours passer par l’ancienne procédure.
  • En principe, toutes les certifications devraient être intégrées progressivement au portail France VAE entre avril 2024 et le 1er janvier 2025.

 

Comment accompagner ses collaborateurs dans leur démarche de VAE ?

Y a-t-il des obligations de l’employeur en matière de VAE ?

La validation des acquis de l’expérience fait partie des leviers à disposition des DRH et des responsables formation pour développer les parcours des collaborateurs, en leur permettant d’obtenir des certifications inscrites au RNCP. À ce titre, le plan de formation, ou plan de développement des compétences, peut contenir un chapitre « VAE », même si ce n’est en rien obligatoire.

Mais il existe bien une petite obligation de l’entreprise en relation avec la VAE : les entretiens professionnels bisannuels doivent contenir une information sur la validation des acquis de l’expérience. Le sujet doit donc être abordé avec les collaborateurs, et il est préférable que le compte rendu de l’entretien en conserve la trace.

Quelle est la procédure de VAE ?

Au-delà de cette obligation, le DRH ou le responsable formation peut être amené à soit à proposer une VAE à un collaborateur (qui n’a bien sûr aucune obligation de l’accepter), soit à répondre à une attente ou une demande explicite de sa part en la matière.

Le parcours est alors le suivant :

Si la certification fait partie de celles qui sont déjà intégrées dans le portail France VAE :

Le parcours proposé comprend :

  • L’identification et le choix de la certification (possiblement avec l’aide d’un Conseil en évolution professionnelle) ;
  • Le choix d’un « architecte accompagnateur de parcours » certifié Qualiopi dans la liste proposée par France VAE ;
  • Le candidat remplit avec l’AAP, ou confie à celui-ci le soin de remplir le dossier de faisabilité ;
  • Si la candidature est recevable, l’accompagnement de l’AAP se poursuit pour le remplissage du dossier de validation qui sera soumis au jury ;
  • Si le parcours élaboré avec l’AAP le prévoit, le candidat suit une ou plusieurs formations nécessaires à la validation de la compétence recherchée ;
  • Le dossier est soumis au jury, qui reçoit le candidat en entretien. La certification peut être acceptée, refusée, ou acceptée partiellement.

Pour les autres certifications :

La procédure suit les mêmes étapes (dossier de faisabilité, dossier de validation,  jury). Mais il y a deux différences :

  • Il n’est pas proposé d’accompagnement avant que le dossier ait été déclaré recevable.
  • Il faut contacter directement le certificateur (ministère, chambre consulaire ou branche, suivant les cas).

Le candidat ne bénéficie donc pas de l’interface centralisée de France VAE. Mais la plupart des ressources nécessaires sont déjà réunies sur ce site, ce qui facilite les démarches.

Que peut faire l’entreprise pour le salarié candidat ?

Le DRH ou le responsable formation peut accompagner ses salariés de plusieurs manières :

  • En l’aidant à préciser son projet, en faisant le point sur ses compétences, en l’accompagnant éventuellement dans l’identification de la certification recherchée, en précisant ses perspectives au sein de l’entreprise.
  • En l’orientant vers les ressources et les acteurs pertinents à chaque étape, à commencer éventuellement par le conseil en évolution professionnelle aux premiers stades de la démarche ;
  • Si la certification visée n’est pas encore intégrée à France VAE, en suppléant à l’absence d’accompagnement au stade de la rédaction du dossier de faisabilité ;
  • En contribuant, d’une manière ou d’une autre, au financement de la démarche et de l’accompagnement.

Un point encore flou : le financement

Le rapport Rivoire insistait sur la nécessité d’un accompagnement accessible et gratuit. Le portail France VAE donne facilement accès à une liste d’architectes-accompagnateurs de parcours « agréés ». France VAE peut financer l’accompagnement, mais il n’est pas certain que cette aide soit automatique, et les règles d’allocation des fonds doivent encore être précisées. Le financement peut aussi provenir du compte personnel de formation (CPF), si la démarche a été initiée par le collaborateur ; mais aussi de l’employeur, dans le cadre du plan de développement des compétences.

 

Un congé de VAE assoupli pour les salariés

Les salariés peuvent demander le bénéfice d’un congé de VAE de 48h maximum (contre 24h avant la loi du 21 décembre 2022) pour participer à l’évaluation de leur candidature par le jury et à la préparation à cette évaluation. Le décret du 28 décembre 2023 en a encore assoupli les conditions pour le collaborateur :

  • Le salarié doit déposer sa demande de congé au plus tard 30 jours avant la date de l’évaluation (contre 60 auparavant) ;
  • L’employeur a 15 jours pour répondre (contre 30 auparavant) ;
  • L’employeur peut refuser le congé pour raisons de services, qu’il doit motiver, et demander le report du congé. Mais ce report ne peut pas excéder 30 jours, contre 6 mois auparavant.

Pour avoir droit au congé de VAE, le salarié doit cependant être en mesure de justifier de la recevabilité de son dossier, et l’employeur peut demander des preuves de sa participation à l’évaluation a posteriori.

Le congé de VAE est rémunéré comme du temps de travail. Si l’évaluation a lieu en dehors du temps de travail, il est couvert par l’assurance maladie et accidents professionnels.

Lorsque la VAE a lieu sur proposition de l’entreprise, le congé de VAE n’a pas forcément d’intérêt. Si l’initiative vient du collaborateur, cependant, l’employeur ne peut s’y soustraire.

 

4 raisons de promouvoir la VAE dans l’entreprise

La validation des acquis de l’expérience (VAE) est souvent présentée comme la « 3e voie de certification » – après la formation initiale et la formation continue. Elle permet à un adulte de faire valoir l’expertise et les compétences acquises dans l’exercice de sa profession pour obtenir le diplôme correspondant.

Pour le DRH et le responsable formation, il peut être intéressant d’accompagner certains collaborateurs dans leur démarche de VAE dans différentes circonstances :

  • En soutien d’une démarche de recrutement interne : un exemple typique est celui d’une entreprise qui recherche des ingénieurs et souhaite promouvoir des techniciens expérimentés pour pourvoir certains postes. C’est un moyen de favoriser des parcours ascendants tout en confiant les emplois à des personnes connues et familières de la culture de l’entreprise.
  • Comme élément de valorisation d’un parcours : par exemple, à l’occasion d’un entretien annuel ou d’un entretien professionnel, le manager, le DRH ou le responsable formation peut prendre l’initiative de proposer au collaborateur une VAE parallèlement à une revalorisation du poste et/ou de la rémunération. C’est un moyen de développer l’engagement et la motivation.
  • Dans le cadre d’un parcours de reconversion interne ou externe, pour accompagner un salarié qui change de métier au sein du groupe ou en accompagnement de son départ.
  • Dans le cadre d’un programme d’insertion : l’entreprise peut également recruter des personnes motivées et expérimentées mais non diplômée, puis les accompagner vers une VAE.

Il peut s’agir, dans ce dernier cas, d’une « VAE inversée » : la VAE vient sanctionner l’expérience acquise dans l’entreprise même. Le dispositif de VAE inversée est actuellement en phase d’expérimentation, sur les métiers en tensions. Seuls 5 000 salariés sur 3 ans pourront en bénéficier, dans le cadre de projets qui peuvent être montés par des branches, des Opco, un organisme de formation, mais aussi par une entreprise. Ce curieux nom de « VAE inversée » désigne en réalité, tout simplement, des contrats de professionnalisation dans lesquels la partie « théorie » est assurée non pas par un organisme de formation mais par l’entreprise elle-même. Au lieu d’être validée par un examen classique, la certification visée par la formation est validée formellement par un jury de VAE.

Il faudra attendre cependant une éventuelle généralisation du dispositif à l’issue de l’expérimentation pour que la VAE inversée rejoigne la palette des outils VAE à la disposition des entreprises et des salariés.

 

La réforme simplifie-t-elle réellement la VAE ?

Le rapport Rivoire identifiait 3 points de rupture dans la procédure de VAE : l’information, le dossier de faisabilité, le dossier de validation. La réforme répond-elle à ces trois points ?

  • Au stade de l’information : le portail France VAE a vocation à centraliser l’information. Même si vae.centre-inffo.fr le faisait déjà, le fait d’amener l’ensemble des acteurs (accompagnateurs, certificateurs, filières, régions) à intégrer le même système informatique ne peut que conduire à une amélioration de l’information.
  • Au stade de la faisabilité : le rapport proposait d’automatiser cette étape. Le montage de ce premier dossier représente en effet un obstacle significatif à la poursuite de la démarche, et beaucoup de candidats abandonnent. Le fait de devoir justifier d’un an d’expérience renforçait cette barrière : il fallait rassembler des documents justificatifs parfois difficiles à obtenir pour remplir la condition. La loi ne fait plus référence à ce délai d’un an : les conditions doivent être précisées par arrêté, et l’examen de la faisabilité devrait reposer davantage sur des critères qualitatifs.

Le décret du 27 décembre 2023 détaille ainsi le processus :  « L’examen de la recevabilité consiste à vérifier le caractère suffisamment adéquat des activités précédemment exercées par le candidat, des formations qu’il a suivies et des blocs de compétences dont il a obtenu la validation, ou dont il est susceptible de l’obtenir à l’issue d’une formation en cours, avec le référentiel de la certification visée, ainsi que le respect des conditions particulières fixées par ce référentiel. »

Le rôle de l’AAP devrait donc être déterminant, même si les spécificités des différents certificateurs continueront certainement à jouer. Il reste le délai de 2 mois laissé au certificateur pour trancher la recevabilité, qui semble vraiment excessif. Un espoir : ce délai est passé, avec la réforme, de la loi vers le règlement, ce qui signifie qu’il pourra être réduit par décret.

  • Au stade du jury de validation: il n’y a pas de simplification notable à ce point de vue, si ce n’est que le délai pendant lequel le jury doit se réunir et traiter le dossier est uniformisé à 3 mois pour tous les certificateurs. Dans certains cas, les délais pouvaient aller jusqu’à un an auparavant, selon Olivier Gérard.

 

Globalement, la réforme simplifie indéniablement l’accès à la VAE, même si de nombreuses questions (financement, critères de recevabilité, capacité de traitement du système…) restent en suspens. Après une année 2024 qui pourrait être marquée par un certain attentisme en raison de la transition, il sera intéressant d’observer l’évolution des demandes de VAE. L’objectif de triplement des candidatures en jury sera-t-il atteint, ou connaîtra-t-il le même sort que le même vœu formulé en 2006 dans un précédent « plan de relance de la VAE » ?

Crédit photo : Shutterstock / Ground Picture

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