Co-fondateur et directeur associé de C-CAMPUS, Marc Dennery totalise plus de 25 ans d’expérience dans la formation professionnelle et le développement RH. Conférencier et auteur de nombreux ouvrages et articles sur la formation professionnelle, il anime le blog de la formation en entreprise. Il répond à nos questions sur l’accompagnement nécessaire des responsables formation vers la multimodalité.
Comme son nom l’indique, la multimodalité est le fait d’utiliser plusieurs formats pédagogiques différents pour un même parcours de formation. Jusqu’à un passé récent, les deux modalités majeures étaient le stage et l’auto formation en e-learning. Ces dernières années, ces cadres pédagogiques ont éclaté. Une multitude de modalités pédagogiques a vu le jour.
Pour résumer, disons qu’il existe aujourd’hui trois grandes modalités pédagogiques : le présentiel (stage, convention, séminaire… où formateurs et stagiaires sont réunis ensemble), le distanciel (MOOC, SPOC, M-Learning, serious games…) et l’expérienciel (mentorat, tutorat, groupe de progrès…). Ce qui correspond à trois cadres juridiques différents : le régime « normal » pour le premier, le régime dérogatoire de la FOAD (formation ouverte et à distance) pour le deuxième. Et le régime « en devenir » de la FEST ou formation en situation de travail pour le troisième. Pour ce dernier, une expérimentation est en cours sous l’égide de la DGEFP.
Il est à noter que les frontières entre ces trois grandes modalités sont très poreuses. Où classe-t-on par exemple la classe virtuelle ? Ces grandes modalités ne collent pas non plus aux technologies. On peut faire de la formation à distance sans digital (les cours du CNED par exemple) et inversement, on peut faire du digital en présentiel (utilisation de serious games ou d’outils d’animation types Klaxoon.
Les responsables de formation sont convaincus que la multimodalité est une avancée pédagogique importante. On passe d’une formation « en stock », un stage de 4 jours tous les 2 ou 3 ans selon les chiffres des déclarations 24-83, à une formation « en flux » (on se forme tous les jours tout en travaillant ou en marge de son travail).
Toutes les études le montrent (baromètre Cegos, baromètre AFINEF, etc.), la multimodalité, et notamment le E-Learning, gagne du terrain chaque année.
Grâce aux MOOCs, les représentations ont changé ces deux dernières années. Le Digital learning est devenu un « must-have ». Le mix présentiel / digital learning est aujourd’hui incontournable pour les entreprises de taille importante et les organismes de formation.
Le cadre juridique est un élément déclencheur dans la diffusion des pratiques de multimodalité. Car il a des effets importants sur les cofinancements et donc l’économie de la formation. Le décret sur la formation à distance a assoupli sensiblement les conditions de prise en charge des formations en e-learning. Et cela contribue à leur développement. Si au terme des expérimentations de la DGEFP, la formation en situation de travail ou FEST a également son propre cadre juridique, on ira vers une véritable multimodalité : présentiel, distanciel, expérienciel. Sinon on se cantonnera au mix présentiel/distanciel.
L’autre facteur déterminant est la technologie. Aujourd’hui, le digital est partout. Son accès s’est grandement démocratisé. Les coûts de production et de diffusion ont considérablement baissé. On arrive à maturité dans ce domaine.
Le passage à la multimodalité pose différentes problématiques.
Tout d’abord, il faut passer d’un mode artisanal de production du contenu pédagogique à un mode industrialisé. Les entreprises ont intérêt à créer leur propre learning lab ou à le sous-traiter. Au-delà, elles doivent repenser leurs processus de pilotage de projet de formation. Dans une approche présentielle, on travaillait projet par projet. A chaque besoin, sa réponse sur-mesure. Dans une approche multimodale, il faut dissocier la production des contenus pédagogiques de base avec l’assemblage des ces contenus en vue de bâtir des parcours individualisés.
Pour faire simple, dans un premier temps vous concevez à partir de vos référentiels de compétences, les « learning nuggets » ou grains de savoir permettant d’acquérir chacune des compétences. Et dans un deuxième temps, en fonction des besoins individuels, vous bâtissez des parcours sur mesure qui ne sont que la combinaison de ces « learning nuggets ». C’est un peu la logique des plateformes dans l’industrie automobile. Toutes les voitures sont différentes, sur la base de composants qui sont le plus souvent identiques.
Ensuite, il faut repenser le présentiel. Le groupe de 12 avec un formateur récitant son cours, c’est fini ! Le présentiel doit être un véritable « événement pédagogique » où les personnes viennent avec « leurs problèmes » et trouvent des solutions, partagent des idées, échangent. La taille des groupes peut varier énormément de 3 à 300 personnes.
Enfin, les besoins en accompagnement deviennent déterminants. Pour une formation présentielle, l’accompagnement est réalisé directement par le formateur. Dans le cadre d’une formation multimodale, l’apprenant se retrouve bien souvent seul face à son apprentissage. Or, rares sont les personnes ayant développé des capacités d’auto-direction de leur apprentissage. C’est pourquoi il faut renforcer le niveau de « guidance pédagogique ». Le formateur devient accompagnateur ou médiateur pédagogique tout au long du parcours. C’est pour lui, le plus souvent, un nouveau métier à développer.
Tout l’écosystème formation doit évoluer pour faire de la multimodalité pédagogique un succès. Il faut accompagner chaque acteur.
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