1,4 milliards d’euros pour la formation professionnelle

0

Le Premier ministre présentait lundi 27 septembre le « plan de réduction des tensions de recrutement », doté de 1,4 milliards d’euros pour 2021 et 2022. Les PME de 50 à 300 salariés, exclues des financements mutualisés depuis la réforme, bénéficieraient de 600 M€ d’aides à la formation professionnelle. Le plan tente également de faire décoller le dispositif Transco, au point mort aujourd’hui, et étend aux adultes l’aide au contrat de professionnalisation. À quoi, concrètement, seront employées ces sommes ? A quelles conditions les entreprises pourront-elles en bénéficier ? Nous faisons le point sur un plan dont les modalités d’application doivent encore être précisés.

 

Le plan en un coup d’oeil

En quelques mois, le discours public est passé de « soutenir l’emploi » à « réduire les tensions de recrutement ». Celles-ci sont en effet au cœur du débat économique de la rentrée, du gouvernement aux partenaires sociaux. « La France a battu tous les records d’embauches au deuxième trimestre 2021 : 2,2 millions d’embauches, dont près de la moitié en CDI. Un niveau jamais atteint depuis 20 ans », nous apprend ainsi le dossier de presse du gouvernement. L’emploi est revenu à un niveau supérieur à celui de 2019, sans pour autant que le problème du chômage de longue durée soit résolu. Et selon l’enquête Besoins de main-d’œuvre de Pôle emploi pour 2021, les trois quarts des difficultés de recrutement s’expliquent par un manque de compétences adaptées à la demande de travail.

Le plan gouvernemental vise donc à financer la montée en compétences des demandeurs d’emploi et à favoriser les reconversions. Trois enveloppes sont mobilisées :

  • 600 M€ pour la formation professionnelle des salariés, en particulier dans les entreprises de 50 à 300 salariés.
  • 560 M€ pour les demandeurs d’emploi, notamment les chômeurs de longue durée.
  • 240 M€ pour financer des contrats de professionnalisation adultes.

Sur cette enveloppe totale de 1,4 milliards d’euros, 900 M€ seront dépensés d’ici la fin de 2021, 500 M€ sont donc budgétés pour 2022. Une partie des sommes annoncées correspond donc à des engagements déjà effectués pour 2021, même si le document ministériel n’en donne pas le détail.

Les aides à la formation professionnelle du plan tensions de recrutement - répartition

Comment seront dépensées ces 3 enveloppes, concrètement ?

 

Former les salariés des PME

Les 600 M€ réservés à la formation professionnelle des salariés seront attribués par l’intermédiaire du FNE-Formation. Le Premier ministre a parlé d’un fléchage de ces aides sur les entreprises de 50 à 300 salariés, mais les modalités n’en apparaissent pas vraiment dans le document.

Rappelons que pour le moment, au moins jusqu’à la fin de l’année, les entreprises de moins de 300 salariés en difficulté, en reprise d’activité ou employant des salariés en activité partielle bénéficient d’un remboursement à 100% des frais de formation professionnelle des collaborateurs ; mais les entreprises de plus de 300 salariés peuvent également bénéficier du dispositif, avec des remboursements moins importants (de 40 à 80% suivant la situation). Seront-elles exclues à partir du 1er janvier 2022 ? Cela reste à voir.

Les entreprises de moins de 50 salariés ne sont pas la cible des aides FNE : elles ont droit en effet aux financements de leurs plans de développement des compétences par leurs Opco.

L’aide aux entreprises de 50 à 300 salariés faisait notamment partie des revendications des Acteurs de la compétence (ex FFP). Avant la réforme de 2018, ces entreprises pouvaient encore mobiliser des fonds mutualisés pour financer leur plan de formation. Ce n’est plus le cas depuis. Trop grandes pour avoir droit aux fonds mutualisés, trop petites, souvent, pour pouvoir financer des programmes de formation ambitieux, ces entreprises représentent un angle mort des politiques de développement des compétences. Or, elles jouent un rôle crucial dans la plupart des secteurs, et l’accès de leurs salariés à la formation professionnelle apparaît à juste titre comme un enjeu stratégique.

Le document du gouvernement rappelle que près de 440 000 salariés ont bénéficié de formations financées par le FNE en 2020, pour un montant de 300 M€. En 2021, 85 000 salariés y ont eu recours à ce stade.

Le dossier de presse détaille ensuite l’utilisation de ces fonds FNE dédiés aux PME. On distingue au moins trois canaux d’accès à ces fonds :

  • Directement via les Opco ;
  • Par l’intermédiaire d’accords conclus entre l’Etat et certaines branches (via les Opco également) ;
  • Via le dispositif Transco.

 

Une dépense de plus en plus encadrée

Le gouvernement propose d’abord de financer via le FNE 350 000 formations de plus (à moins que les 85 000 de 2021 soient compris dans ce chiffre, ce qui n’est pas précisé). Ces formations se répartiront en :

  • 50 000 formations longues de 400 heures ou plus, visant une qualification.
  • 300 000 formations courtes de 40 heures en moyenne, ciblées « particulièrement » sur les TPE-PME.

La relative précision de cet emploi du FNE peut surprendre un peu : on s’éloigne toujours davantage de la logique de guichet qui prévalait en 2020, pour se rapprocher d’une dépense planifiée. De fait, on croit comprendre dans le dossier de presse que ces financements seront en partie préemptés par l’industrie, notamment automobile, dans le cadre de l’accord conclu en juillet avec la nouvelle Académie européenne de la batterie. Avec l’Opco 2i et l’Opco Mobilités, 30 modules de formation professionnelle de tous niveaux ont été mis au point pour cette filière, qui concentrera des financements FNE et FSE dans les mois et années à venir. En clair, les PME sous-traitantes de l’automobile devraient avoir un accès facilité au financement des formations métiers liées au marché de l’électrique.

Il est question d’étendre la démarche à d’autres industries, ce qui confirme cette tendance vers une planification de la dépense négociée avec les branches.

 

Il faut sauver le soldat Transco

La dépense FNE devrait également transiter par un autre dispositif : Transco. Mis en place début 2021, le programme « Transitions collectives » est en effet financé par les subventions du FNE, au service des reconversions professionnelles dans certains secteurs et métiers identifiés. 500 M€ avaient été alloués au dispositif sur 2021-2022. En septembre 2021, le nombre de dossiers Transco de salariés s’élevait à… 71, selon Le Monde, dans 44 entreprises. L’enveloppe a donc à peine été entamée, et on peut supposer qu’une part significative des 600 M€ du plan actuel provient d’un report de cette ligne budgétaire.

Comment faire en sorte que les entreprises aient davantage recours à ce dispositif ? Le dossier de presse gouvernemental parle d’en simplifier l’accès, mais les pistes évoquées ne sont pas très convaincantes. Il est question notamment d’exempter les PME d’accord préalable de GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels, anciennement GPEC), au profit d’une simple information du Comité social et économique (CSE). Cette annonce est surprenante : les entreprises de moins de 300 salariés sont déjà dispensées de cette formalité, au profit d’une simple liste des métiers concernés, qu’il fallait déjà soumettre au CSE pour consultation. On peut supposer que la liste ne sera plus nécessaire, ou moins formalisée, mais il s’agirait là d’une simplification légère.

Il est question également d’ouvrir le dispositif aux salariés concernés par une rupture conventionnelle collective, ce qui était impossible jusqu’à présent. Le document donne peu de détail, mais il pourrait s’agir d’une réelle incitation pour les entreprises.

Les autres mesures relèvent de l’organisation institutionnelle : déploiement de délégués territoriaux dédiés à l’accompagnement des transitions, et allocation de 30 M€ aux plateformes régionales chargées du dispositif.

En matière de transition professionnelle, une annonce pourrait avoir davantage d’impact : des expérimentations seront lancées dans les métiers de l’aide aux personnes âgées pour simplifier le processus de validation des acquis de l’expérience (VAE). Les procédures seraient plus légères, feraient moins de place à l’écrit, et davantage à la démonstration des compétences.

 

Une aide à l’embauche des adultes en alternance

Le plan gouvernemental réserve plus de la moitié des aides prévues (soit 800 M€) aux demandeurs d’emploi.

Le dispositif le plus intéressant pour l’entreprise concerne l’alternance (240 M€) : l’embauche d’un chômeur de longue durée âgé de plus de 30 ans en contrat de professionnalisation donnera droit à une aide de 8 000 € la première année. Un adulte en contrat de professionnalisation étant rémunéré au Smic, ce montant représente environ 41% du coût salarial total annuel du salarié. Le gouvernement avait déjà annoncé le prolongement de l’aide à l’embauche d’apprentis et de jeunes en contrat de professionnalisation jusqu’au 30 juin 2022, même si le décret n’est pas encore paru. Tous les publics seront donc couverts par ce dispositif d’aide à l’alternance.

On remarque que l’âge minimal retenu est 30 ans, l’âge maximum pour le contrat d’apprentissage, et non 26 ans, l’âge maximal pour le contrat de professionnalisation. Apprentissage et professionnalisation sont de plus en plus considérés par les autorités comme un seul et même dispositif : l’alternance.

 

Des aides au recrutement/formation de demandeurs d’emploi

Le reste des financements dédiés aux demandeurs d’emploi (560 M€) s’inscrira dans la continuité du PIC, le plan d’investissement dans les compétences, lancé en 2018. Les ressources annoncées étaient donc vraisemblablement déjà budgétées précédemment. Il s’agira de financer :

  • 15 000 actions de formation en situation de travail avec promesse d’embauche (dispositifs POE, AFPR).
  • 50 000 actions de formation sur mesure répondant à des besoins de recrutement dans les métiers en tension dans les régions.
  • 5 000 actions de formation ciblées sur certains métiers de la construction et de l’industrie.

Pour se renseigner sur ces opportunités, Pôle emploi sera sans doute le guichet pertinent. Peu d’entreprises seront cependant concernées, étant donné le faible volume de formations envisagé.

Tableau des aides à la formation professionnelle du plan "tensions de recrutement"

En résumé, les PME devraient pouvoir bénéficier en 2022 d’aides significatives à la formation professionnelle, à condition de s’y retrouver dans la complexité des dispositifs. Les grands donneurs d’ordre des secteurs concernés, dotés de services RH développés et de systèmes de gestion des compétences performants, pourraient peut-être prendre l’initiative de guider leurs partenaires et sous-traitants dans les méandres des institutions, au bénéfice de l’ensemble de leur filière de production. Les aides à la formation de demandeurs d’emploi peuvent également aider certains secteurs à recruter. Si les montants en jeu ne transformeront pas radicalement le paysage des compétences en France, il y a certainement des opportunités à saisir.

Crédit photo : Shutterstock / Plastic Man

Si vous souhaitez vous inscrire à la newsletter mensuelle du blog MANAGEMENT DE LA FORMATION : rendez-vous ici.

Découvrez le site RHEXIS, l’externalisation au service de la gestion de votre formation.

 Retrouvez les articles qui peuvent vous intéresser sur des thèmes proches :

 

Laissez un commentaire