Jaune budgétaire 2024 : la formation professionnelle en France en 7 chiffres

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Comme chaque année, le gouvernement publie le Jaune budgétaire de la formation professionnelle, en prévision du débat de la loi des Finances pour 2024. Les chiffres montrent que le marché de la formation a battu de nouveaux records en 2022. Ces bons résultats sont en grande partie liés au subventionnement massif de l’apprentissage, mais pas uniquement. Le taux d’accès des salariés à la formation s’améliore, les dépenses des entreprises sont à la hausse – mais les dispositifs de reconversion ne décollent pas. Nous commentons 7 chiffres issus du rapport – autres que les chiffres sur l’apprentissage et le CPF qui sont souvent commentés.

 

Sommaire
20,4 Mds€ d’achats de formation hors apprentissage : un nouveau record
31,3 millions d’entrées en formation hors apprentissage : un record
43,4% des salariés ont eu accès à la formation professionnelle
31,8 Mds€ de dépenses de formation globales (hors dépense directe des entreprises)
+11% de versements des entreprises pour la formation professionnelle
-9% : le nombre de projets de transition professionnelle (PTP) est en baisse
37% : le taux de recours à la formation à distance en léger recul

 

20,4 Mds€ d’achats de formation hors apprentissage : un nouveau record

Le chiffre d’affaires des organismes de formation a continué à progresser en 2022 : il gagne 10,6% pour atteindre 27,6 Mds€. Une grande partie de cette augmentation provient de l’aide exceptionnelle à l’apprentissage, qui explique 60% de la hausse. Si l’on s’en tient aux achats hors apprentissage, le chiffre s’élève à 20,4 Mds€, soit 5,5% d’augmentation. C’est à peine plus que l’inflation, qui s’est élevée à 5,2% en 2022.

Jaune budgétaire 2024 - chiffre d'affaires des organismes de formation

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

Mais ce maintien des achats hors apprentissage et hors inflation représente une information significative en elle-même. Certains observateurs annonçaient un effondrement des dépenses de formation une fois la crise sanitaire dépassée, laissant entendre que cette évolution serait masquée par l’ampleur des subventions publiques. Ce cataclysme ne s’est pas produit, à tout le moins en 2022.

 

31,3 millions d’entrées en formation hors apprentissage : un record

Le nombre de personnes entrées en formation professionnelle (hors apprentissage) s’est accru de 11% en 2022, pour atteindre 31,3 millions de personnes. Malheureusement, le Jaune 2024 ne nous donne pas le détail des entrées par situation professionnelle, et nous ignorons la part des salariés dans cette augmentation. Jusqu’à présent, les deux courbes se sont suivies, avec une baisse importante en 2020 et un redressement en 2021. Mais la courbe des salariés ne s’était pas redressée aussi vite que celle des stagiaires tout statut confondu.

Jaune budgétaire 2024 - entrées en formation

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

En conséquence, si en 2022 le nombre d’entrées en formation dépasse de plus de 2 millions le niveau atteint en 2018, nous ignorons si celui des salariés a retrouvé, voire dépassé son niveau d’avant-crise.

 

43,4% des salariés ont eu accès à la formation professionnelle

D’autres données peuvent nous renseigner sur ce qui se passe en matière d’accès à la formation des salariés. Ces chiffres, cependant, sont issus de l’enquête européenne EFE-e, pour laquelle nous n’avons que les données 2021.

Toutes entreprises confondues, selon cette source, 43,4% des salariés ont eu accès à au moins une formation organisée par leur employeur au cours de l’année 2021. Ce pourcentage est extrêmement variable suivant la taille des entreprises. Plus des trois quarts des salariés des entreprises de 1000 salariés ou plus ont bénéficié d’une formation. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le pourcentage tombe à moins d’un quart. Les salariés des petites entreprises, cependant, ont suivi des formations comparativement plus longues (32,3 heures en moyenne contre 26,1 heures dans les entreprises de 1 000 salariés et plus).

Le taux d’accès à la formation varie également considérablement suivant les secteurs. Il passe de 13% dans l’agriculture à 54% dans l’industrie, de 28% dans la construction à 80% dans la finance et 66% dans le transport. Les inégalités d’accès à la formation suivant la nature de l’entreprise sont donc très loin d’avoir disparu.

Jaune budgétaire 2024 - accès à la formation par taille d'entreprises

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

Globalement, en savons-nous davantage sur l’évolution dans le temps de la part des salariés qui bénéficie d’une formation chaque année ? Suivant une autre série de données citée dans le Jaune, et pour laquelle nous disposons de chiffres pour les années précédentes, 52,2% des salariés des entreprises 10 salariés et plus ont reçu une formation en 2021. Ils étaient 45,4% en 2010. Sur la durée, il semble donc que l’accès à la formation s’améliore dans les entreprises françaises.

 

31,8 Mds€ de dépenses de formation globales (hors dépense directe des entreprises)

La dépense globale de formation, calculée depuis 2015 hors dépense directe des entreprises, a fini par rejoindre les 32 milliards d’euros de 2014. Ce dernier chiffre correspondait alors à l’ensemble des dépenses de formation en France, dépense directe des entreprises incluse, et était souvent cité de façon un peu approximative comme le symbole du gaspillage de l’argent public dans la formation, loin de tout contrôle.

En 2022, la dépense cumulée des différents financeurs (Opco, Etat, régions, collectivités, Pôle emploi, ménages…) atteint donc 31,8 Mds€, soit 11,7% de plus que l’année dernière, et même moitié plus qu’en 2018. Cette augmentation très nette par rapport au niveau d’avant-Covid s’explique en grande partie, encore une fois, par les politiques de subvention étatiques, notamment en direction des jeunes et de l’apprentissage.

Si l’on s’intéresse aux publics destinataires de la dépense, les jeunes apparaissent en effet comme les principaux bénéficiaires de la hausse : ils reçoivent en 2022 presque deux fois plus de fonds qu’en 2020 (14 Mds€ contre 7,3 Mds€). Viennent ensuite les demandeurs d’emploi (+30% en 2 ans, de 7,5 à 9,75 Mds€).

La part de la dépense destinée aux actifs occupés du privé (essentiellement les salariés) a quant à elle augmenté de 37% en 2 ans, pour atteindre 6,75 Mds€ en 2022. Il faut bien noter que la dépense destinée aux jeunes et aux demandeurs d’emploi bénéficie également pour une grande part aux entreprises et aux salariés, sous la forme de contrats d’alternance et de périodes de formation préparatoires.

Jaune budgétaire 2024 - dépenses de formation par publics

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

 

La dépense intermédiée des entreprises, c’est-à-dire la part des fonds qui transite par les Opco, a continué à croître. Elle frôle désormais les 11 Mds€, bien au-dessus du précédent record d’avant-crise, atteint en 2018 avec 8,4 Mds€. On dépasse même, en pourcentage de PIB, le niveau de la meilleure année connue, 2009 (0,41% contre 0,39%).

Jaune budgétaire 2024 - dépense désintermédiée des entreprises

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

Cela s’explique par un double effet : les subventions de l’alternance (encore elles) d’une part, et l’amélioration de la collecte des fonds de la formation professionnelle grâce au transfert à l’Urssaf d’autre part (voir le chiffre suivant).

Qu’en est-il de la dépense directe et de la dépense totale des entreprises ? Comme l’année dernière, nous disposons des chiffres de l’enquête européenne EFE-e. Mais ceux-ci restent décalés d’un an par rapport aux autres données : nous n’avons accès à ce stade qu’aux chiffres pour 2021. Nous apprenons ainsi que les dépenses directes des entreprises ont augmenté de 20% en 2021, pour atteindre 14,3 Mds€. C’est plus du double du chiffre répertorié pour 2014 dans le Jaune budgétaire 2017, même si le périmètre n’était pas exactement le même.

Au total, les entreprises ont contribué au financement de la formation à hauteur de 21,5 Mds€, dépenses directes et intermédiées confondues, et en déduisant les fonds reçus des Opco (au titre du plan et de l’alternance essentiellement).

 

+11% de versements des entreprises pour la formation professionnelle

Les versements des entreprises au titre du financement de la formation professionnelle (hors taxe d’apprentissage) ont fini, en 2022, par retrouver le niveau de 2018.

Jaune budgétaire 2024 - versements des entreprises pour la formation professionnelle

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

C’est la combinaison de 3 effets :

  • Un tassement des versements fixés par accords conventionnels ;
  • Une augmentation des versements volontaires aux Opco ;
  • Une augmentation significative de la contribution obligatoire à la formation professionnelle, consécutive au transfert à l’Urssaf de la collecte. Il s’agit de la partie « formation professionnelle » de la Cufpa.

Les versements conventionnels ont connu une brève embellie post-réforme, avant de revenir autour de 500 M€. Les versements volontaires ont suivi l’évolution inverse, pour le moment : ils ont été divisés par 2 en 2 ans (entre 2018 et 2020), et ont recommencé à progresser depuis (+13% en 2022, 917 M€).

 

-9% : le nombre de projets de transition professionnelle (PTP) est en baisse

La période immédiatement postérieure à la crise sanitaire a été propice aux discours volontaristes sur l’effort de reconversion à fournir. L’évolution des différents outils mis en place pour financer des actions dans ce sens n’emporte pas pour le moment la conviction.

Le Projet de transition professionnelle (PTP), successeur du CIF, n’a pas décollé en 2022. Il a concerné moins de bénéficiaires que l’année passée (18 113 contre 19 921 en 2021), pour une enveloppe légèrement supérieure (550 M€ contre 488 M€ en 2021). Le PTP s’installe donc durablement, semble-t-il, sur un plancher environ 2,5 fois inférieur au CIF tant en nombre de dossiers qu’en montants mobilisés.

Jaune budgétaire 2024 - Projet de transition professionnelle (PTP)

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

Le dispositif Transco, pour « Transitions collectives », créé début 2021, n’a quant à lui mobilisé que 255 projets en 2022, pour une enveloppe totale de 7 M€. Il était question à l’origine de 500 M€.

La Pro-A, créée en 2019 en remplacement de la période de professionnalisation, commence tout juste à sortir de l’insignifiance. Près de 14 000 dossiers ont été validés en 2022, contre 4 653 en 2021. Sur ce nombre, cependant, près de 10 000 intervenaient dans le cadre du Plan de relance, et donc d’un financement exceptionnel.

Au total, la Pro-A a bénéficié en 2022 de 146 M€, soit plus de deux fois plus qu’en 2021. Rappelons que la Pro-A ne peut être déployée que dans le cadre d’accords de branche. Fin 2023, la barre des 200 accords étendus devrait être franchie.

Jaune budgétaire 2024 - Pro-A

Chiffres : Jaune Budgétaire 2024

En réalité, il est possible que le principal outil de financement des reconversions ait été le FNE-Formation, qui a permis de déploiement de 525 000 actions de formation en 2022, pour 434 512 salariés de 37 850 entreprises. Une partie – non précisée – des formations financées avaient un objectif de reconversion, les fonds étant ciblés davantage sur les entreprises et les secteurs en difficulté.

 

37% : le taux de recours à la formation à distance en léger recul

Enfin, le Jaune nous donne des informations sur le recours à la formation à distance. Malheureusement, les données les plus récentes sont celles de 2021. Mais cela suffit pour mesurer l’effet du début de « retour à la normale » que les entreprises ont connu l’année suivant celle du début de la pandémie.

Deux faits sont à retenir :

  • Avec la fin des grands confinements, le taux de recours des entreprises à la formation à distance recule de 3 points en 2021, de 40% à 37%. Ce chiffre reste important, même si le Jaune ne nous donne pas le chiffre équivalent avant-crise.
  • Les pratiques varient considérablement suivant la taille de l’entreprise. Le taux est ainsi de 35% dans les entreprises de moins de 50 salariés, et monte à 89% dans les structures de 1000 personnes et plus.

 

Dernier chiffre bonus tiré du Jaune budgétaire : les versements correctifs pour non-respect des obligations en matière d’entretien professionnel se sont élevés en 2022 à 164 M€, ce qui est loin d’être négligeable. Ces versements ont concerné 54 410 salariés dans 1 748 établissements.

 

La formation a donc plutôt bien résisté au « retour à la normale » de 2022. Les chiffres spectaculaires de l’apprentissage et du CPF, alimentés par la subvention publique, dissimulent une légère hausse de l’activité « habituelle » de la formation. Sur la forme et la présentation du rapport, de nets progrès ont été accomplis par rapport à l’année dernière, avec un pdf cliquable et nettoyé de la plupart de ses incohérences. Il reste un dernier sujet de plainte : les données de la dépense directe des entreprises restent celles de l’année n-2, et ne permettent donc pas de visualiser simultanément l’évolution récente de la dépense globale et celle de l’activité formation des entreprises. Le chiffre de 2022 aurait été le bienvenu pour confirmer le sentiment d’une année résiliente en matière de développement des compétences des salariés.

Crédit photo : Shutterstock / Jerome.Romme

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2 commentaires

  1. Merci pour ce dossier complet et bien documenté!
    Juste un commentaire : lorsque vous parlez du CA des cabinets de formations il serait peut être intéressant de voir que, comme dans beaucoup de domaines, ce sont les gros qui à eux seuls constituent certainement plus gros de ce CA. Beaucoup de petits cabinets qui représentent quand même la majorité des professionnels de la formation mettent la clé sous la porte. Cette situation est liée aux normes drastiques que France Compétences a mis en place qui ne tiennent absolument pas compte de la qualité des formations dispensés. Seuls les critères qualitatifs comptent !!!! alors qu’on est dans un domaine où l’humain est essentiel et non la robotisation à outrance.
    Ces gros cabinets avalent d’une manière gargantuesque tous les petits qui ne peuvent passer leur temps à remplir des tableaux Excel pour faire fonctionner leurs activités!
    De plus les grosses entreprises copient intégralement les catalogues que leur envoient ces gros cabinets pour en faire leurs catalogues de formation.
    Même en ayant des certifications telles que Qualiopi, les petits cabinets qui ont certainement le plus d’expériences et de taux de satisfaction élevés ne peuvent lutter.
    Les syndicats professionnels tels que la CSFC ne sont jamais monté au créneau par rapport à cette problèmatique.
    La peur de ne plus être dans les bons papiers de France Compétences génère des comportements fatalisme, de victimisation qui peuvent aller jusqu’à causer de graves maladies
    Merci pour votre attention
    PM

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