L’ex-Garf, devenu Askalia en février 2025, a tenu son premier congrès sous ce nouveau nom les 4 et 5 juin derniers. A cette occasion, le « réseau des acteurs et responsables du développement des compétences » a diffusé les résultats de son baromètre annuel, consacré au fonctionnement et aux pratiques des départements formation des entreprises. Il en ressort l’image d’organisations très formatrices, très évaluatrices, peu satisfaites de l’état du système de financement et partagées quant à la digitalisation de la formation.
Le développement des compétences dans les entreprises : une photographie
10 ans après le premier baromètre de la formation du Garf, son successeur Askalia publie la nouvelle édition de son enquête annuelle. Réalisée auprès de ses adhérents, elle synthétise les réponses d’environ 200 responsables formation. De l’aveu même d’Askalia, l’échantillon n’est pas à considérer comme représentatif de l’ensemble des entreprises françaises : il porte essentiellement sur les entreprises de plus de 100 salariés (95% des répondants) et surreprésente les entreprises de plus de 1000 salariés (42,5%), ainsi que l’industrie (un tiers des organisations interrogées). De plus, l’enquête s’adresse à des entreprises dotées d’un responsable formation, et donc déjà bien structurées en matière de politique de développement des compétences.
Il s’agit ainsi d’une photographie à l’instant t (novembre 2024 – janvier 2025) des pratiques des entreprises les plus engagées en matière de formation. Présenté en mars dernier lors d’un webinar attitré, le baromètre a alimenté les débats lors du congrès d’Askalia début juin. Que nous apprend-il sur ces entreprises et leur approche de la formation ?
La formation, une fonction RH et stratégique
Le développement des compétences apparaît tout d’abord comme une fonction éminemment RH : 71,3% des responsables formation sont rattachés à la DRH. Dans un peu moins d’une entreprise sur 5, il rapporte directement au directeur général et fait partie du Codir – ce qui est davantage une marque de sa dimension stratégique qu’un désaveu de son caractère RH.
La dimension stratégique se retrouve dans l’importance du budget alloué au développement des compétences : en moyenne, les entreprises interrogées investissent 3,71% de leur masse salariale en formation. Ce chiffre correspond exactement à celui du Jaune budgétaire de la formation professionnelle pour 2025 (3,7%) – un chiffre, nous le rappelions cet automne, en nette hausse depuis une dizaine d’années (2,7% en 2014, sur un périmètre un peu différent).
L’allocation de ces financements se fait, dans les deux tiers des cas (65%), en concertation entre le département formation et la hiérarchie, ce qui est cohérent avec la nature stratégique de la dépense. La dépense n’est imposée d’en haut que dans 10% ou 20% des entreprises (10% si l’on privilégie le chiffre écrit dans l’infographie, 20% si l’on suit la logique graphique).
Si l’échantillon testé par Askalia ne se distingue pas de la moyenne, par l’intensité de l’investissement formation, il s’en éloigne par l’accès à la formation des salariés : 71,5% des collaborateurs y sont formés chaque année, contre un peu plus de la moitié (52,2%) dans l’ensemble des entreprises de 10 salariés et plus (en 2021). La différence des échantillons explique cependant probablement une part de l’écart (selon l’enquête EFE-e, en 2021, les entreprises de 1000 salariés et plus ont formé 76% de leurs collaborateurs).
Enfin, la dimension stratégique de la formation se traduit par le fait que 41,4% des entreprises interrogées – et même 56% des plus de 1000 salariés – ont développé une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
La domination persistante du présentiel
Comment se traduit en pratique cet investissement dans la formation ? En premier lieu, dans 45% de ces entreprises fortement structurées autour des enjeux de compétences, le sujet formation est considéré comme suffisamment stratégique pour justifier la création d’un organisme de formation interne. Et ce dernier, dans 68% des cas, est géré par le responsable formation. A noter, cependant, que dans le baromètre 2016 du Garf, la proportion de répondants dotés d’un centre de formation interne était encore plus élevée (51%).
Le centre de formation interne, dans près de 4 cas sur 5, est un simple organisme de formation. Moins de 9% des entreprises concernées se sont dotées d’un CFA interne, et 13% ont développé une université d’entreprise. L’idée selon laquelle l’engouement pour les CFA internes n’a pas été si important qu’on a pu le croire semble donc bien fondée.
Quel type de prestations sont-elles déployées ? l’effort de formation est loin de se limiter aux formations obligatoires, qui représentent 36% des actions mises en place. 62% d’entre ces dernières visaient le développement des compétences proprement dit. La fin du financement du plan de formation ne s’est donc pas traduite par un repli sur les formations réglementaires, comme on avait pu le craindre. Le développement des organismes de formation interne a pu jouer un rôle important dans ce maintien de l’effort, jugé stratégique, de développement des compétences. D’autant plus que 63% de ces organismes de formation interne proposent en outre des prestations externes, permettant d’amortir voire de rentabiliser l’investissement.
La place des OF internes joue peut-être un rôle dans la persistance forte du présentiel : 97% des entreprises continuent à privilégier cette modalité de formation, même si 45% déploient par ailleurs des formations digitales asynchrones.
La transmission de connaissances et de compétences continue donc à se faire d’abord et avant tout dans une salle ou sur le terrain avec un formateur. Le distanciel apporte un complément appréciable quand il est pertinent, mais dans une minorité d’entreprises.
L’évaluation à froid tout juste majoritaire
Les entreprises interrogées par Askalia évaluent massivement leurs formations, et le responsable formation est presque toujours (9 fois sur 10) à la barre. Mais on ne mobilise l’ensemble des parties prenantes (manager, OF, apprenant…) que dans 42% des cas.
Il s’agit, le plus souvent (95%), d’une évaluation à chaud. L’évaluation à froid n’intervient que dans 52% des formations – ce qui reste un score important. D’autant plus que lorsque l’on demande aux responsables formations ce qu’ils évaluent, ils répondent à 66% « les effets sur le poste de travail », ce qui correspond bien à une partie de ce qu’on appelle traditionnellement « évaluation à froid ».
La plupart du temps, toutes les formations sont évaluées (dans 7 entreprises sur 10). Mais un quart des entreprises privilégient les formations les plus stratégiques, voire (7%) les plus coûteuses, dans une logique de retour sur investissement.
Une réforme encore mal-aimée
Enfin, le baromètre interroge les responsables formation sur leur perception de la dernière réforme… près de 7 ans après son vote ! Avec le recul, les responsables jugent sévèrement la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Ils ne lui donnent la moyenne ni sur la question de savoir si elle a répondu à leurs attentes (4,7/10), ni sur celle de l’effectivité de sa mise en œuvre (4,2/10). Leurs principaux reproches portent sur le manque de financements et sur la complexité administrative persistante du système.
Pourtant, ils sont 84% à mobiliser des financements de leur Opco, et même 40% à utiliser le CPF – en co-construction avec leurs salariés (ce qui ne signifie pas forcément en co-financement !). L’Etat (43%), la région (26%) et France Travail (14%) sont également sollicités.
7 ans après la loi, les responsables formation ne se sont donc toujours par réellement approprié le système de formation issu de la réforme de 2018. Cela ne les a pas empêchés de maintenir, voire d’accroître leur niveau d’investissement dans la formation. En matière d’évaluation à froid, de développement de nouvelles modalités pédagogiques, et même de recours à un organisme de formation interne, il ne semble pourtant pas que nous ayons assisté à un bouleversement des pratiques.
Crédit photo : Shutterstock / Pixel-Shot
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