Neurosciences et IA au secours de la formation

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Comment optimiser l’efficacité de la formation ? Quelles méthodes adopter pour améliorer l’apprentissage et la mémorisation ? Les neurosciences apportent depuis quelques années des réponses opérationnelles et assez nouvelles à ces très anciennes questions. Woonoz, organisme de formation spécialisé dans l’apprentissage adaptatif, et le cabinet de conseil IL&DI ont consacré un livre blanc à cette question, et nous l’avons lu pour vous, en même temps que d’autres publications récentes évoquant différents aspects du digital learning.

 

Souvenons-nous d’apprendre à mémoriser : un livre blanc sur l’adaptive learning

Le livre blanc proposé par Woonoz et IL&D a une finalité commerciale claire (décrire les grands principes sur lesquels sont fondées les solutions de Woonoz) ; il a l’avantage de présenter de façon synthétique les grands enjeux de l’application des neurosciences et de l’intelligence artificielle à la formation professionnelle.

 

Les chemins de la mémoire

Les auteurs s’intéressent d’abord au fonctionnement de la mémoire, et en décrivent les principales caractéristiques.

Premier point : plus on en sait, plus il est facile d’apprendre. La mémoire fonctionne de manière associative : « on retient mieux lorsqu’on peut relier la nouvelle information à des connaissances déjà acquises et solidement ancrées dans notre mémoire ». D’où l’intérêt de demander aux apprenants l’état de leurs connaissances avant la formation, afin d’adapter le contenu et identifier les associations les plus pertinentes.

Par ailleurs, la mémoire n’est pas une salle d’archives bien rangée dans laquelle on va puiser ses souvenirs : ceux-ci sont toujours le fruit d’une reconstruction, opérée à partir d’éléments situés dans différentes aires du cerveau. De ce fait, l’apprentissage par cœur est peu efficace : il faut se rattacher à des connexions existantes et en créer de nouvelles.

Enfin, il existe plusieurs types de mémoire. La mémoire à court terme, ou mémoire de travail, permet de retenir des éléments pendant quelques secondes à quelques minutes, afin de les utiliser et les combiner.

La mémoire à long terme, quant à elle, fait appel à 4 sous-systèmes « quasiment indépendants » qui peuvent s’articuler pour améliorer les apprentissages : mémoire perceptive (éléments perçus par les sens), mémoire sémantique (significations, concepts, connaissances), mémoire épisodique (événements) et mémoire procédurale (tâches apprises et automatisées).

Enfin, le processus de mémorisation se fait en trois phases : encodage de l’information, stockage, récupération. Pour « consolider la trace mnésique », c’est-à-dire faciliter la récupération de l’information, il faut la « réactiver » de nombreuses fois afin de la faire passer de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme (où elle est plus facilement récupérable). Pour y parvenir, il faut « densifier la trame de la mémoire en augmentant le nombre de chemins reliant les éléments entre eux ».

 

Améliorer la mémorisation en digital learning

Les différentes modalités du digital learning comportent des caractéristiques propres, qui peuvent agir positivement ou négativement sur l’efficacité de l’apprentissage. Le livre blanc propose des pistes pour en exploiter au mieux les possibilités au service de la formation.

L’enjeu premier est de capter l’attention : celle-ci est nécessaire à une mémorisation effective. En digital learning, où l’apprenant est souvent seul avec son PC ou son mobile, cela peut s’avérer difficile. Les auteurs suggèrent de miser sur la sollicitation de tous les sens, en particulier la vue, sur l’association mot/image, sur le mouvement, sur l’appel à l’imagination de l’apprenant. Construire une histoire en mêlant émotions et sensations est un bon moyen de capter l’attention. Rompre le rythme au moins toutes les 10 minutes est particulièrement nécessaire en formation à distance.

Enfin, le dosage de la difficulté est important : « pas assez de stress et c’est le décrochage par l’ennui ; trop de stress et c’est l’abandon par l’anxiété ou la panique ! »

 

L’adaptive learning

Le livre blanc aborde ensuite l’adaptive learning, qui consiste à personnaliser les formations sous 4 angles : le parcours, les contenus, les répétitions (les contenus à répéter), les compléments de formation individualisés. L’idée est d’utiliser des algorithmes, le big data et les learning analytics – l’intelligence artificielle – pour analyser les données issues de la somme cumulative des sessions de formation passées. L’IA doit permettre ainsi d’affiner les formations elles-mêmes :

  • soit en repérant les meilleurs parcours pour chaque niveau d’apprenant (adaptation macro, pour les formations massives),
  • soit en permettant d’individualiser le contenu même des modules (adaptation micro). Cette dernière approche représente une « adaptation hautement individualisée, capable de proposer à chacun des exercices personnalisés, avec des questions variables, selon la réceptivité cognitive de l’apprenant ». Elle permettrait, selon Woonoz, d’améliorer de 40% à 50% la quantité de connaissances acquises en formation.

Les auteurs détaillent la méthodologie de Woonoz, alliant personnalisation via l’IA,  techniques de mémorisation et évaluation une semaine plus tard. La technique de mémorisation de Woonoz, déposée sous le nom d’ « Ancrage Mémoriel® », est notamment utilisée par le Projet Voltaire.

Les résultats recueillis sur l’évaluation des apprenants sont compilés et utilisés pour évaluer la formation elle-même, afin de mesurer son degré d’adaptation à la population visée et affiner son adaptabilité future.

 

Points de vue sur le Digital Learning

Pourquoi les Moocs n’ont pas tenu leurs promesses

Le site Inside Higher Ed résume une étude américaine sur les Moocs (Massive open online courses, ou cours de masse en ligne). Parue dans la revue Science et réalisée par Justin Reich et José A. Ruipérez-Valiente, l’étude analyse les données des Moocs délivrés par le MIT et Harvard de 2012 à 2018, qui ont réuni 5,63 millions d’apprenants.

La part des étudiants qui vont au bout d’une formation délivrée par ce biais a culminé à 6% en 2014-2015, pour tomber à 3,13% en 2017-2018. Chez les étudiants « vérifiés », qui paient pour suivre le cours et obtenir une certification, les 50% n’ont été dépassés qu’en 2016-2017, avant de retomber à 46%.

En outre, l’objectif affiché d’amener une formation de haut niveau aux 4 coins du monde semble loin : 1,43% des inscrits viennent de pays pauvres, 14% de pays à l’indice de développement humain« moyen ». Les deux tiers sont issus de pays à l’IDH « très élevé ».

Surtout, la part des étudiants qui se réinscrivent à un Mooc l’année suivant leur première inscription ne cesse de chuter (de 38% et 27% les premières années à autour de 10% récemment). L’étude conclut que « les nouvelles technologies éducatives sont rarement disruptives ; elles sont au contraire domestiquées par les cultures et systèmes existants ». Atteindre les objectifs affichés requiert donc, selon les auteurs, des choix politiques et financiers relatifs à l’éducation elle-même, plutôt que de compter sur la seule puissance de l’outil.

 

Le digital learning : exhumation et non révolution

Dans le très riche n°4 du MagRH, entièrement consacré à la formation, le directeur « cognitive science and innovation » d’Orange Thierry Curial estime qu’en matière pédagogique, « il ne semble pas, dans les faits, qu’une révolution soit en cours. » Alors que la formation en ligne est disponible depuis au moins 15 ans, même les outils les plus récents ne nous font guère sortir « des dispositifs généralement instructionnistes centrés sur un ou quelques « sachants »s’adressant à des « apprenants » passifs ». Le marché comme les services formations seraient souvent dans la « surpromesse expériencielle ». En revanche, on assiste bien à une démultiplication et à une désintermédiation de l’offre de formation en ligne. Ce foisonnement pourrait être l’occasion non pas d’une révolution pédagogique, mais d’une diffusion à grande échelle des méthodes de pédagogie active élaborées dès le début du XXe siècle.

Comment y parvenir ? Le modèle 70/20/10 nous apprend que seuls 10% de nos connaissances acquises proviennent de formations formalisées. Or l’essentiel de nos budgets de formation d’entreprise financent ces 10%. L’idée est d’ « imaginer les modalités d’un dispositif formel qui permettrait de reproduire les conditions de l’apprentissage informel ». Pour y parvenir, « l’enjeu consiste à faire de l’apprentissage formel (10%) une opportunité de mobilisation et d’enrichissement des compétences issues de l’apprentissage informel (90%) afin de les recycler en permanence dans des scénarii diversifiés et engageants. »

L’auteur développe ensuite, dans cette perspective, les avantages de la formation collaborative en ligne asynchrone, qui permet de respecter le rythme de chacun, tout en inscrivant l’apprentissage dans une interaction, avec le soutien de supports textuels à la formulation plus exigeante que le discours oral. A condition de bénéficier d’une animation efficace par des tuteurs dédiés et formés. Un moyen pertinent d’ « exhumer », pour reprendre le terme de Thierry Curial, les pédagogies actives nées il y a un siècle.

 

EdTech : une Déclaration mondiale

Le n°959 d’Inffo Formation (1er au 14 février 2029, p.15) nous apprend qu’à l’issue de la Seconde conférence internationale EdTech, organisée par l’Unesco à Vizag, en Inde, une Déclaration a été élaborée – qui doit être présentée à la 40e conférence générale de l’Unesco qui se tiendra à Paris en novembre prochain. Le texte de cette « Déclaration de Vizag » porte notamment sur les opportunités de formation pour tous et tout au long de la vie. Il enjoint les acteurs de prendre davantage en compte l’apport des neurosciences, d’exploiter au maximum les possibilités du numérique et d’envisager un système mondial de labellisation de la qualité des formations digitales.

 

Les vertus de la gamification

De façon plus opérationnelle, le même numéro (p.16) évoque l’apport très concret de la gamification dans les formations en ligne, à travers l’exemple d’un organisme de formation, Vodeclic. L’idée est de « renforcer l’engagement des apprenants » par le jeu, et de rendre la gratification plus fréquente. Grâce au jeu « en plus de ce que peut apporter une formation dans l’exercice de son travail à moyen terme, il y a quelque chose à gagner immédiatement ». Ainsi, « grâce au jeu, la répétition ne paraît pas laborieuse ». S’y ajoute une dimension relationnelle collective : dans le jeu, on est en compétition avec les autres, mais on est également amené à aider d’autres participants. L’ensemble doit contribuer à améliorer l’apprentissage et à le rendre à la fois plus rapide et plus pérenne.

Crédit photo : ShutterstockwhiteMocca

 

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