Depuis le décret du 14 avril 2025, l’abondement CPF a gagné en viabilité pratique. L’employeur peut désormais attribuer automatiquement des sommes à certains types d’usages et en prévoir le remboursement au bout d’une certaine durée. Ces fonctionnalités seront-elles de nature à faire enfin décoller ce dispositif, au moment où la Caisse des Dépôts publie une étude sur son utilisation clairsemée depuis 2020 ?
Sommaire
L’abondement du CPF, ou CPF co-construit : qu’est-ce que c’est ?
Qu’est-ce qui est nouveau ?
Un dispositif encore peu mobilisé
Résumons les épisodes précédents :
En compensation, la loi propose de développer et de faciliter l’abondement du CPF par l’entreprise. L’objectif est de favoriser la recherche d’un intérêt commun entre employeur et salarié, le premier aidant le second à financer des formations onéreuses, dans un domaine qui intéresse l’entreprise. Un employeur (ou un groupe, ou une branche professionnelle) doit pouvoir ainsi :
Pendant un temps, l’employeur s’est retrouvé un peu dans la même situation que le collaborateur avant la réforme : le système d’abondement existait, mais il était un peu trop compliqué, ou insuffisamment sécurisé, pour être vraiment utilisable. L’étude de la Caisse des dépôts publiée le 18 juin 2025 décrit cette réalité : les entreprises ont peu utilisé cette possibilité en 2020-2023 (voir plus bas). Les récentes évolutions réglementaires visent à corriger le tir.
Le décret du 14 avril 2025 a en effet pour objectif de simplifier et sécuriser la démarche de l’abondement d’entreprise en demandant à la Caisse des dépôts de développer l’interface nécessaire. Auparavant, le code du travail (article R6323-42) ne précisait pas les modalités techniques de l’abondement. Il se contentait de dire que les financeurs du CPF (employeur, branche, Opco, Etat ou autre) communiquaient à la Caisse des dépôts l’identité du salarié et le montant qu’ils voulaient lui allouer, avant de lui verser les fonds.
Désormais, le code précise que ces échanges doivent se faire via un « service dématérialisé ». Mais en pratique, c’était déjà le cas avant, via l’Espace des employeurs et des financeurs (Edef). Chaque employeur (ou autre financeur) pouvait déjà se connecter à cette interface et venir ajouter des abondements aux CPF de ses salariés. La nouveauté du décret du 14 avril ne se situe donc pas vraiment là, mais dans l’inscription dans la réglementation de nouvelles fonctionnalités obligatoires :
Plusieurs remarques sur ces nouvelles possibilités :
–> Important : le décret prévoit la possibilité de fixer un délai de dépense de l’abondement uniquement dans le cas où le financeur a prévu des conditions d’utilisation des fonds (pour tel ou tel type de formation). Si vous souhaitez simplement abonder le CPF de vos salariés dans le cadre de votre politique de rémunération, sans préciser le type de formations à financer, vous ne pouvez pas fixer de délai d’utilisation.
Le nouveau cadre réglementaire et sa traduction prochaine dans les fonctionnalités de l’interface de la Caisse des dépôts favorisent donc les abondements d’entreprise – mais pas tant que ça. En définitive, le principal progrès est la possibilité de demander le remboursement des sommes non utilisées. Cette possibilité sécurise un peu la procédure. Pour autant, « ce n’est pas un game changer », pour reprendre les termes d’Hervé Estampes, interviewé sur ce site en mai dernier.
Qu’en est-il sur le terrain ? La Caisse des dépôts vient de publier une analyse des dotations versées par les employeurs sur les CPF de leurs salariés entre 2020 et 2023. En voici les principaux résultats :
Chiffres : Caisse des dépôts (2024 : calculs Digiformag)
L’abondement volontaire ne décolle donc pas. Il bénéficie davantage aux salariés des grandes entreprises, aux cadres, aux salariés de la banque et de l’assurance. Mais au total, il n’a concerné en 2020-2023 que 3,3 salariés pour 10 000.
En revanche, ces abondements versés par les entreprises dans le cadre d’une démarche volontaire sont largement utilisés par les bénéficiaires : ils portent en effet sur des projets précis, et au terme de la période étudiée par la CDC, 69% des sommes versées avaient déjà été engagées pour financer des formations. Dans le cas des abondements correctifs pour défaut d’entretien professionnel, ce pourcentage ne s’élève qu’à 4%.
Les formations financées dans le cadre des abondements volontaires sont aussi plus qualitatives et professionnelles : en 2023, il s’agissait de formations menant à des certifications inscrites au RNCP ou au répertoire spécifique dans 86% des cas, contre 60% des cas pour la moyenne des dossiers financés par le CPF pour les actifs en emploi. Le permis de conduire n’a fait l’objet en 2023 que de 8% des formations co-financées par l’entreprise sur une base volontaire, contre 25% en moyenne.
Sur le papier, mais aussi dans les usages concrets des quelques entreprises qui ont franchi le pas, l’abondement volontaire de l’entreprise apparaît comme une option solide de financement complémentaire de la politique de formation. Cette modalité présente à la fois l’avantage d’alléger la facture de la formation pour l’entreprise et d’engager un dialogue dynamique avec les collaborateurs sur le sujet du développement des compétences. L’usage va-t-il se diffuser dans les années à venir ? Tout dépendra sans doute de l’évolution des modalités pratiques de sa mise en œuvre.
Crédit photo : Shutterstock
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