Interviews

P-A Kerninon : formation et prévention des risques, les enjeux du Caces®

Pierre-Alain Kerninon est Directeur général, expert prévention des risques chez Axos Formations, qu’il a co-fondé en 1995, et Secrétaire général de l’Assocca (l’association des organismes certifiés Caces®), dont les organismes membres délivrent plus de 50% des Caces®. Impliqué dans le secteur de la formation depuis 1979, engagé à la CGPME, il remplit plusieurs mandats en lien avec la santé et la sécurité au travail (Cramif, CRAT/MP, CPAM, Agence régionale de santé…). Il est également membre du comité OPQF (office professionnel de la qualification des organismes de formation). Il répond à nos questions sur le Caces®, l’évolution du marché, l’influence de la réforme.

 

Qu’est-ce que le Caces® ? Comment s’articule-t-il avec la réglementation et les obligations de l’employeur en matière de prévention des risques ?

Le Caces® est le Certificat d’Aptitude à la Conduite en Sécurité. Il n’est qu’un aspect et un outil de la prévention des risques, dont le cadre légal a connu des changements importants avec la réforme de 2011-2012 de la santé au travail. Désormais, l’employeur n’est plus tenu à une obligation de moyens, mais à une obligation de résultats (article L4121-1 du code du travail). Pour l’aider à répondre à cette exigence, la loi du 20 juillet 2011 a modifié l’organisation des services de santé au travail. Ceux-ci se sont dotés d’ergonomes, de psychologues, d’intervenants de multiples disciplines qui aident l’employeur à diagnostiquer correctement les risques qui existent sur le lieu de travail. En cas d’accident lié à un risque non identifié, sa responsabilité a de grandes chances d’être engagée.

Il y a 18 familles de risques à recenser dans le « document unique d’évaluation des risques », et le Caces® ne concerne qu’une partie d’une seule de ces familles.

 

Mais alors, pourquoi parle-t-on autant du Caces® ? Quelle est sa spécificité ?

D’abord, c’est un certificat qui représente de gros volumes : il y a à peu près 660 000 Caces® délivrés par an. Sachant qu’il est valable pendant 5 ans (10 ans pour celui des engins de chantier), et doit donc être renouvelé régulièrement.

Il concerne l’utilisation de 6 familles de matériels, appelées « recommandations » :

  • les grues à tour,
  • les grues mobiles,
  • les grues auxiliaires de chargement de véhicules,
  • les chariots élévateurs,
  • les nacelles élévatrices,
  • les engins de chantier.

Au total, on parle de plus de 150 engins différents, répartis dans ces différentes familles. À elle seule, la famille des chariots élévateurs représente 55% des Caces®.

La première chose qu’il faut savoir pour comprendre le Caces®, c’est que contrairement à ce qu’on entend souvent, il n’est pas une obligation. La loi contraint l’employeur à délivrer une autorisation de conduite à chaque salarié amené à utiliser un de ces matériels. Cette autorisation doit intervenir après une visite médicale, une évaluation théorique et pratique des compétences du salarié en matière de conduite en sécurité, et une information sur les risques spécifiques au site. Tous ces éléments doivent être tracés et stockés dans le dossier du salarié, pour être mis si besoin à la disposition des services de contrôle de la Dirrecte, de la Carsat…

Le Caces® répond au besoin de la partie « évaluation théorique et pratique ». Il est un bon moyen, pour l’employeur, de justifier qu’il a bien effectué cette évaluation. Par ailleurs, pour le salarié, il constitue un atout en matière d’employabilité, puisqu’il est valable sur tout le territoire national, et pas uniquement dans l’entreprise qui l’emploie au moment où il le passe. Mais attention : il ne suffit pas que le salarié ait son Caces® pour que l’entreprise soit en règle avec la législation.

 

C’est-à-dire ?

Un employeur qui recrute un salarié qui a son Caces® dans une catégorie donnée doit encore s’assurer que le nouveau venu sait bien conduire l’engin précis qu’il aura à utiliser. Chaque catégorie regroupe en effet une variété d’appareils. Il doit également former le salarié au contexte et aux risques particuliers qui peuvent exister dans l’entreprise. Ce n’est qu’après qu’il peut délivrer l’autorisation de conduite, qui reste la véritable obligation légale.

À l’inverse, un employeur peut très bien donner son autorisation à un salarié qui n’a pas de Caces®, en assurant lui-même la formation et l’évaluation théorique et pratique, éventuellement avec l’accompagnement d’un organisme de formation. Ce n’est pas fréquent, mais c’est possible.

L’autorisation doit être renouvelée pour tout changement de conditions de production : changement de site, de matériel, d’organisation…

Le Caces® n’est pas un permis de conduire : il ne valide pas la faculté de conduire en conditions de production, mais uniquement la capacité à conduire en respectant les règles de sécurité.

En cas d’accident, on vérifiera que l’employeur avait bien délivré l’autorisation, et qu’il avait bien effectué les évaluations et informations nécessaires. Si l’accident est grave et que sa responsabilité est engagée, il a toutes les chances d’être poursuivi deux fois, au civil et au pénal. En outre, si la Sécurité sociale peut démontrer que l’employeur est responsable, elle pourra réimputer toutes les indemnités à l’entreprise.

Le Caces® peut également être passé directement, sans formation préalable. A l’origine, il était prévu que la formation et les tests soient confiés à des acteurs différents. En pratique, cela ne s’est pas réalisé : les organismes de formation réalisent aussi les tests. Cette genèse explique cependant que les tests puissent être passés sans formation préalable. Au départ, les tests pouvaient être utilisés comme diagnostics pré-formation.

Enfin, il y a un cas où le Caces® est légalement obligatoire : celui des travailleurs intérimaires.

 

Comment s’organise le marché du Caces® ?

Pour ce qui est des clients, il s’agit essentiellement du BTP, des Transports et de la Logistique, et de l’Industrie en général.

Côté offre, on peut passer son Caces® dans 750 sites répartis sur tout le territoire ; ces sites appartiennent à 366 organismes de formation, qui sont en même temps testeurs. La qualité de testeur est attribuée par 5 organismes certificateurs, eux-mêmes certifiés par le Cofrac (le Comité français d’accréditation).

De notre côté, chez Axos Formations, nous délivrons entre 7000 et 10 000 Caces® par an, avec un taux de réussite qui avoisine les 98%, comme à peu près l’ensemble des organismes.

 

La réforme de la formation professionnelle a-t-elle eu un impact sur l’activité de formation au Caces® ?

La réforme tend à ralentir le marché : tout le monde est en stand by en attendant de voir ce qui va se passer concrètement. Les OPCA se montrent plus exigeants sur la validation des dossiers. Mais notre activité est moins impactée que d’autres, du fait qu’elle porte sur des formations qui ne sont pas précisément obligatoires, mais qui restent liées à une obligation réglementaire.

Il y a aussi la question de la qualité. Le décret qualité a institué une liste de 6 critères que les organismes de formation doivent respecter pour pouvoir bénéficier des financements OPCA, Pôle emploi, État, etc. La liste des organismes aptes à certifier que ces critères sont respectés, établie par le Cnefop, était attendue en mars. Elle devrait arriver en mai 2016, finalement, soit très tard pour un organisme de formation qui voudrait obtenir une certification avant le 1er janvier 2017, date à laquelle elle sera requise.

En attendant, les organismes de formation sont nombreux à rechercher des certifications auprès des structures dont on pense qu’elles figureront sur la liste, comme l’OPQF, ISO 9001, NF Services… Il y a même des grandes entreprises qui préparent leur propre label.

Je ne suis pas sûr que cette abondance de labels va beaucoup clarifier le marché. D’autant que les entreprises qui travaillent en direct avec les organismes de formation, sans financements publics ou OPCA, ne sont soumises à aucune obligation.

 

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