Repères

Les Français prennent leur formation en main (baromètre Centre Inffo)

La crise sanitaire a, dit-on, transformé le marché du travail et la relation des individus à leur vie professionnelle. Sans aller jusqu’à la « Grande Démission » analysée outre-Atlantique, les salariés envisageraient plus souvent de changer d’employeur, de métier, de carrière – et donc, de se former pour y parvenir. Est-ce le cas ? Peut-être pas de façon aussi radicale que dans certains récits médiatiques, mais on observe des signes incontestables de changement. La 3e édition du baromètre Centre Inffo de la formation professionnelle, notamment, nous donne quelques indices.

 

Les promesses tenues de la loi « Avenir Professionnel » ?

Les salariés français sont de plus en plus nombreux à prendre leur formation en main, et connaissent davantage les dispositifs mis à leur disposition – à commencer par le CPF. C’est ce que nous apprend, en substance, la 3e édition du baromètre Centre Inffo de la formation professionnelle, parue mi-février.

La réforme de 2018 entendait donner aux salariés les moyens de maîtriser leur avenir professionnel. Le thème n’était pas nouveau, mais c’était sans doute la première fois que cet objectif était affiché comme l’ambition principale d’une réforme de la formation. De fait, il semble que les lignes aient bel et bien bougé depuis 2019, sous l’effet conjoint de la réforme et de la crise.

Le succès considérable du compte personnel de formation en est un premier signe. Le CPF a quadruplé en nombre de dossiers entre 2019 et 2020, dépassant les 2 millions de formations en une année. Certes, il est vraisemblable que la fraude au CPF en représente une part significative – davantage que les 16M€ affichés. Mais cet afflux dénote indubitablement une appétence pour la formation, un besoin de nouvelles compétences, cohérent avec les premiers indicateurs d’un rebond des achats de formation en 2021. La tendance se retrouve dans le baromètre Centre Inffo.

 

Des Français plus à l’aise avec leur parcours de formation

La part des répondants qui se considèrent comme les premiers responsables de leur parcours de formation est passée de 64 % à 80 % entre 2019 et 2021. Avant crise, plus du tiers (36%) des actifs considérait donc que l’État, les branches et les entreprises avaient la responsabilité de les aider à développer leurs compétences. Ce ressenti est en voie de marginalisation et ne concerne plus qu’un répondant sur 5.

De plus, les actifs s’estiment de plus souvent à la hauteur de cette responsabilité : 56 % se considéraient comme suffisamment acteurs de leur formation continue avant la crise, ils sont 69 % aujourd’hui. A noter qu’ils sont autant (69 %) à avoir confiance dans leur avenir professionnel aujourd’hui, un chiffre élevé, mais qui reste inférieur au niveau d’avant-crise (75 %).

Données : 3e Baromètre Centre Inffo de la formation professionnelle (2022)

 

L’an passé, le baromètre mettait l’accent sur l’appétence pour la reconversion professionnelle, qui concernait près de la moitié de l’effectif interrogé (20 % des actifs étant engagés dans une reconversion et 27 % l’envisageant). Cette proportion n’a pas bougé en 2021, mais elle reste à un niveau très significatif.

>>> En savoir plus sur les Français et la reconversion professionnelle

 

Les publics prioritaires sont les moins satisfaits

Seul bémol : les jeunes et les moins diplômés, qui constituent des cibles privilégiées des politiques de formation professionnelles, sont ceux qui attendent le moins de la formation. Environ 40 % des jeunes de moins de 25 ans la jugent « Inutile, car on peut rarement trouver des formations adaptées à son métier », contre un quart de leurs aînés. 35 à 37 % y voient même une « perte de temps », car « cela ne change souvent rien à sa vie professionnelle » contre 24 % des répondants plus âgés.

Mais l’écart le plus important se rencontre chez les moins diplômés : 43 % des non-bacheliers jugent la formation inutile du fait de l’inadaptation de l’offre, contre 17 % des bac+2, ce qui nous dit sans doute quelque chose de l’offre de formation, qualitativement et/ou quantitativement, pour ces cibles respectives. De même, 41 % des non-bacheliers estiment que la formation ne sert à rien dans la vie professionnelle, contre 17 % des bac +2. Ces résultats sont inquiétants.

Il est peut-être possible d’y voir un « trou dans la raquette » des réformes successives : elles s’attachent aux financements, à l’information, à la qualité de la formation au sens de « conformité aux processus » ; mais si l’offre de formation à destination des moins diplômés n’est pas à la hauteur en matière de performance concrète, tous financements du monde n’amélioreront pas la situation de ces publics cibles.

 

L’information sur la formation professionnelle s’améliore

1 actif sur 2 s’estime bien informé sur la formation professionnelle, contre 43 % avant la crise. L’augmentation n’est pas spectaculaire, mais elle est régulière. Curieusement, les jeunes et les moins diplômés, qui attendent le moins de la formation, sont aussi ceux qui s’estiment les mieux informés. Peut-être sont-ils davantage ciblés par des communications relatives aux dispositifs de la formation professionnelle, mais ces communications emportent moins souvent leur conviction.

Les plus jeunes s’avèrent par ailleurs mieux informés que les plus âgés sur les dispositifs les plus récents : Transitions Pro (ex-Cif), CEP, Pro-A, CléA, ce qui confirme le fait qu’ils font plus souvent ciblés par la communication institutionnelle récente. En revanche, ils sont moins au fait que leurs aînés des outils plus anciens et plus ancrés comme l’apprentissage, la VAE ou le bilan de compétences.

Données : 3e Baromètre Centre Inffo de la formation professionnelle (2022)

 

Les salariés s’approprient le CPF

La connaissance du CPF a encore progressé pendant la crise sanitaire, passant de 85 % à 92 %. Sur ce dernier chiffre, 73 % des actifs déclarent qu’ils « voient bien de quoi il s’agit » (16 points de plus qu’en 2019). Surtout, la moitié des répondants affirment connaître le montant de leur solde CPF, contre un quart avant-crise.

Cela suppose qu’ils se soient connectés et aient activé leur compte, ce qui n’était pas systématique avant 2020. Mais depuis novembre 2019, date du lancement de l’appli Mon Compte Formation, le nombre de profils ouverts a quasiment doublé, passant de 8,5 millions à 16 millions. Rappelons que la population active représente un peu moins de 30 millions de personnes (salariés du privé, fonctionnaires, indépendants, chômeurs), et qu’il existe potentiellement 38,8 millions de comptes (en incluant les personnes en âge de travailler mais qui ne cherchent pas d’emploi).

Données : Caisse des Dépôts et Consignation, Insee

 

L’enquête fournit également une mesure de l’ampleur des escroqueries au CPF. Près des trois quarts des répondants (72 %) ont été exposés à la fraude au CPF en recevant des mails, SMS ou appels téléphoniques les avertissant du fait que leurs droits CPF étaient sur le point d’être périmés. Mais l’écrasante majorité des destinataires (84 %) avaient parfaitement conscience du caractère frauduleux de ces démarches. La communication sur le CPF a donc été non seulement extensive mais globalement efficace.

 

Sans être spectaculaires, les données dessinent une tendance nette : les individus, salariés ou demandeurs d’emploi, tendent effectivement à s’approprier de plus en plus les outils de la formation professionnelle. L’évolution du rapport des Français au travail consécutive à la crise sanitaire, si elle n’est pas forcément uniforme dans l’ensemble de la population active, joue incontestablement un rôle dans cette transformation progressive. Dans ce contexte, au-delà même de son impact financier, il est fort possible que l’outil « CPF », par sa relative facilité d’accès, ait joué un rôle psychologique d’ « empouvoirement » dont nous ne mesurerons l’importance qu’a posteriori.

Crédit photo : Shutterstock / Roman Samborskyi

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