1 million de dossiers au 1er semestre 2021 : la spectaculaire ascension du CPF

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La suppression des intermédiaires à l’achat de formation via le CPF, en novembre 2019, a été suivie par une explosion du nombre de dossiers. Ralentie par le premier confinement, la croissance des achats effectués via la plateforme Mon Compte Formation s’est encore accélérée cette année : le premier semestre 2021 a vu autant de dossiers CPF que l’année 2020 tout entière. Cette augmentation va de pair avec une transformation des pratiques associées : des prestations plus courtes et un meilleur accès des moins qualifiés, des non-cadres et des femmes à la formation.

 

Trois études sur le CPF ont été publiées en septembre-octobre 2021 :

 

Le « CPF désintermédié » fait recette

Comme le rappellent les 3 études, pour mobiliser son CPF avant novembre 2019, il fallait s’adresser à son OPCA, à Pôle emploi ou à la région. Avec le lancement de l’appli et du site Moncompteformation, il est devenu possible d’effectuer tout son parcours d’achat à partir de son ordinateur ou de son téléphone portable, sans aucun intermédiaire.

L’effet a été rapide : le recours au dispositif a considérablement augmenté. En 2020, le nombre d’achats a doublé par rapport à 2019. Une performance qui pourrait se reproduire en 2021, puisque le seul premier trimestre a vu autant de dossiers que pendant toute l’année précédente. On est ainsi passé de 535 000 dossiers CPF en 2019 à 1,05 million en 2020, puis 1,04 million entre janvier et juin 2021.

Dossiers CPF par semestres 2015-2021

Chiffres: Caisse des dépôts et consignation

L’évolution par mois révèle que le décollage n’a pas été immédiat : après une augmentation en novembre-décembre 2019, les premiers mois de 2020 ont été marqués par un net recul, manifestement lié au début de la crise sanitaire. Le déconfinement de mai-juin 2020 a marqué le véritable démarrage du CPF en achat direct. La barre des 100 000 dossiers mensuels a été presque atteinte en juillet 2020, celle des 200 000 dépassée en juin 2021.

CPF par mois 2019-2021

Chiffres: Caisse des dépôts et consignation

Au total, il y a eu presque autant de dossiers CPF entre novembre 2019 et juin 2021 (2,23 millions en 20 mois) qu’entre le début du dispositif et octobre 2019 (2,28 millions en 58 mois).

 

Un rééquilibrage des publics ayant recours au CPF

La création du « parcours d’achat direct » (PAD) via l’appli ou le site a ouvert l’accès au CPF à des catégories qui y avaient précédemment moins recours. Cette évolution s’est faite en faveur des publics visés par la réforme : non-cadres, non-qualifiés, femmes,  jeunes, seniors.

  • Les demandeurs d’emploi ont représenté 38 % des dossiers en 2020, contre 32 % en 2019. Au premier semestre 2021, on était cependant redescendu à 32 % : la dynamique du CPF est particulièrement importante chez les salariés.
  • Avec Mon compte formation, le CPF progresse dans l’ensemble des catégories d’âge, mais la répartition par tranche générationnelle se modifie au profit des salariés jeunes (+3 points) et seniors (+2 points), au détriment des quadragénaires (-6 points). Les salariés de 25 à 39 ans restent les principaux utilisateurs (44 % des salariés bénéficiaires).
  • Les non-cadres, qui représentaient 72 % des dossiers CPF dans l’ancien système, montent à 81 %. Les non-bacheliers passent de 33 % à 40 %. Si l’on s’intéresse au taux de recours au CPF, c’est-à-dire à la part de chaque catégorie de salariés qui mobilise son compte formation pendant l’année, on constate que les cadres et les professions intermédiaires restent les catégories les plus consommatrices de CPF. Mais les employés tendent à les rattraper, même si les ouvriers restent en retrait. De même, les salariés les moins bien rémunérés sont ceux dont le taux de recours connaît la progression la plus importante.
  • Les femmes représentent désormais 50 % des utilisateurs du CPF, contre 45 % auparavant.

Les gagnants du nouveau CPF

Chiffres: Caisse des dépôts et consignation

Achats via le CPF : des formations plus courtes et moins coûteuses

En matière d’achats, le contraste est vif. Le coût moyen des dossiers est passé d’environ 2 120 € dans l’ancien CPF en 2019 à 1 235 € pour les formations acquises via Mon Compte Formation entre novembre 2019 et décembre 2020. Les salariés, lorsqu’on leur laisse le choix et les ressources, s’orientent donc vers des formations qui apportent une réponse opérationnelle rapide à un besoin précis.

Globalement (demandeurs d’emploi compris), la durée des formations financées par le CPF s’est effondrée depuis 2016 : on est passé de près de 300 heures en moyenne en 2016 à 67 heures en 2020. La baisse avait déjà été sensible en 2019 (moins de 100 heures) : le passage en euros du CPF, au 1er janvier 2019, avait déjà modifié les comportements.

À quoi les salariés se forment-ils ?

  • Les langues, qui représentaient la moitié des demandes en 2015, étaient tombées progressivement à 28 % en 2019. Avec le passage au nouveau CPF, elles sont descendues à 20 % en 2020 et 21 % au premier semestre 2021. En valeur absolue, les formations en langues ont progressé, mais leur hégémonie est révolue. À noter que pour les demandeurs d’emploi, formations en langues ont nettement moins de succès : elles représentent 10 % des formations financées par le CPF pour ce public.
  • La catégorie « transport, manutention, magasinage », qui inclut le Caces et le permis de conduire, a gagné du terrain, et fait désormais jeu égal avec les langues (21 % en 2020, 22 % au premier semestre de 2021), soit presque deux fois plus en proportion qu’avant 2019. De fait, la branche « Transport et entreprosage » a vu le taux de recours au CPF doubler entre 2019 et 2020 : 3,4 % des salariés de ce secteur ont mobilisé leur CPF en 2020, contre 1,7 % l’année précédente. Les demandeurs d’emploi font remonter la moyenne générale sur ce poste : 31,5 % de ceux qui ont utilisé leur CPF l’ont mobilisé pour une formation de ce type.
  • L’informatique a représenté 12 % des formations financées via le CPF en 2020 et 14 % en 2021 (1er semestre), contre 9 % en 2019.
  • L’orientation (qui inclut le bilan de compétences) avait déjà progressé à ce niveau (14 %) en 2019, et s’y maintient. si l’on inclut les demandeurs d’emploi, 50 000 personnes ont mobilisé leur CPF pour financer un bilan de compétences, contre 35 000 en 2019. Et le recours aux formations d’accompagnement à la création ou reprise d’entreprise a littéralement explosé, en passant de 7 000 à 75 000 actions.

 

La part du CPF dans le financement de la formation double en volume

Globalement, une action de formation professionnelle continue sur 10 a été financée au moins partiellement par le CPF en 2020, contre une sur 20 en 2019.

Part du CPF dans la formation professionnelle

Chiffres: Enquête emploi 2016-2020 ; Caisse des dépôts et consignation ; Dares

En échappant partiellement au contrôle des institutions et des entreprises, le CPF a donc renforcé son importance parmi les outils de financement de la formation. Le taux global de recours est passé de 1,5 % de la population active en 2019 à 2,8 % en 2020. 2,5 % des salariés, soit un collaborateur sur 40, se sont payé une action de formation avec leur CPF en 2020. On reste loin des 5 % du DIF en 2011 ; mais le DIF restait souvent, sans le dire, un outil de financement du plan de formation.

L’augmentation a été particulièrement importante dans certains secteurs : le transport et l’entreposage, comme on l’a vu (3,4 % des salariés concernés en 2020), mais aussi les activités financières et d’assurance (3 %). Les salariés de l’industrie manufacturière n’ont pas accru leur recours au CPF, en revanche. La progression la plus spectaculaire reste celle des collaborateurs de l’hébergement et restauration, qui ont manifestement profité des périodes d’activité partielle pour dépenser leur CPF : ils n’étaient que 0,7 % à l’utiliser en 2019, et 2,4 % en 2020.

Le CPF par secteur d'activité 2019-2020

Chiffres: Caisse des dépôts et consignation

Au total, la note du CPF n’a pas augmenté dans les mêmes proportions que le nombre de dossiers, du fait de la baisse du montant moyen de ceux-ci : il aura coûté un peu plus de 1,2 milliard d’euros en 2020, contre un peu moins de 1,1 milliard en 2019. Mais la dépense pourrait s’envoler en 2021 : si le coût moyen reste le même, et si le nombre de formation financées suit la tendance du 1er semestre, on pourrait dépasser les 2 milliards d’euros sur l’année. La question du financement se posera alors sérieusement.

 

Avec l’interface Mon Compte Formation, nous sommes donc passés d’un système de montage de dossiers institutionnels à un marché de consommateurs. C’était le but avoué de la réforme : responsabiliser l’individu par rapport à son parcours de compétences, tout en laissant le soin au marché et à Qualiopi pour faire le « ménage » dans l’offre de formation. Les partenaires sociaux n’y trouvent pas leur compte : ils souhaiteraient réorienter la ressource vers les besoins de l’entreprise. Mais est-ce vraiment la meilleure solution pour celle-ci ? Ne vaut-il pas mieux, pour l’entreprise et son responsable formation, avoir affaire à des salariés ayant une vraie appétence pour la formation et une idée claire de ce qu’ils veulent en matière de développement des compétences ? Le nouveau CPF crée ainsi les conditions d’une véritable co-construction, dont le responsable formation est à la fois l’ingénieur et le médiateur.

Crédit photo : Shutterstock / Champ008

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