Depuis le 1er janvier 2024, la directive CSRD entre progressivement en vigueur, étendant progressivement à un nombre croissant d’entreprises ses obligations en matière de reporting extra-financier. Pour les responsables formation, l’urgence est à relativiser : la principale obligation relative à la formation ne s’applique pas dans le premier reporting. De plus, la nouvelle directive « Omnibus » proposée en février 2025 par la Commission européenne pourrait alléger considérablement le cadre. En attendant, nous avons jeté un œil à la place qu’occupe la formation dans les indicateurs requis par la CSRD, en l’état. Complexe et contraignante, celle-ci peut-elle néanmoins fournir aux responsables formation et RH un moyen de valoriser leur action ?
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), en français Directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, a été publiée le 22 décembre 2022. Elle remplace la Non-Financial Reporting Directive (NFRD), de 2014, qui avait fixé un premier standard de reporting extra-financier.La CSRD fait passer le nombre d’entreprises soumises à l’obligation de reporting d’environ 12 000 à environ 50 000 en Europe (7 000 en France), selon le portail RSE du gouvernement.
La CSRD met l’accent sur la notion de « double matérialité » : le reporting doit porter à la fois sur l’impact des transformations sociales et environnementales sur l’entreprise, et sur l’impact de l’entreprise sur la société et l’environnement. L’analyse doit se faire dans les deux sens : impact de l’entreprise et impact sur l’entreprise.
Le cadre du reporting CSRD se fait autour de standards précis, les European Sustainability Reporting Standards (ESRS). Ceux-ci portent sur :
Les entreprises soumises à la NFRD sont censées publier cette année le reporting CSRD, pour l’exercice 2024. Les entreprises de 250 salariés et plus ayant réalisé soit un CA de plus de 50M€, soit un bilan de plus de 25M€, devraient en principe commencer à publier ce reporting en 2026 (exercice 2025). Les PME cotées, avec des adaptations, seraient soumises à la CSRD à partir de 2027 (exercice 2026).
Attention cependant : une nouvelle directive dite « Omnibus » a été proposée par la Commission européenne en février 2025. Si elle est adoptée, le nombre d’entreprises concernées pourrait bien redescendre en-dessous même du nombre d’organisation initialement soumises à la NFRD. Les obligations elles-mêmes seraient allégées, et le calendrier serait assoupli. En pratique, les entreprises de moins de 1000 salariés, avec un CA de moins de 50M€ ou un bilan de moins de 25M€ passeraient sous un régime facultatif, le VSME (Voluntary reporting standard for SMEs).
En l’état actuel de la CSRD, les obligations de reporting sont donc régies par le standard ESRS. Que nous dit ce document en matière de formation et de compétences ?
La formation intervient de 2 façons principales dans les standards ESRS :
La sous-thématique S1-13 prévoit explicitement que « L’entreprise indique dans quelle mesure la formation et le développement des compétences sont fournis à ses salariés. » Il s’agit de mesurer les actions mises en œuvre par l’entreprise en vue du développement des compétences et du maintien dans l’emploi ; mais aussi les actions d’évaluation des performances et du développement professionnel.
A noter que la formation est définie comme « les initiatives mises en place par l’entreprise en vue du maintien et/ou de l’amélioration des compétences et des connaissances de ses effectifs propres. La formation peut revêtir différentes formes, telles que la formation sur site ou la formation en ligne ». Une définition conforme à celle qui prévaut déjà en droit français.
Les indicateurs sur l’accès à la formation se répartissent donc en deux catégories :
–> L’entretien professionnel bisannuel ne suffit donc pas dans cette perspective, mais l’entretien annuel d’évaluation entre probablement dans la définition attendue. La directive, de toute façon, ne fait pas la différence. En fonction des systèmes d’information, les données de l’un et/ou de l’autre type d’entretien (si l’entreprise les sépare vraiment) seront donc à mobiliser.
–> Ici, le responsable formation est dans son domaine de reporting. Dans une grande structure, ce type d’indicateur est en principe facile à produire à partir du système de gestion de la formation.
L’autre obligation en matière de formation que l’on trouve dans le référentiel ESRS porte sur la lutte contre la corruption. Dans le cadre de la thématique « gouvernance », le texte prévoit ainsi que « l’entreprise fournit des informations sur le système qu’elle applique pour empêcher et détecter la corruption et les pots-de-vin, pour mener des enquêtes et pour réagir aux allégations ou aux cas de corruption/versements de pots-de- vin, en ce compris la formation qu’elle propose dans ce domaine. »
L’obligation vise les personnels identifiés comme étant exposés au risque de corruption. Au sujet des formations évoquées, les informations à fournir incluent « la nature, le contenu et le degré d’approfondissement des programmes de formation proposés ou imposés par l’entreprise pour lutter contre la corruption et le versement de pots-de-vin », mais aussi « le pourcentage de fonctions à risques couvertes par les programmes de formation », et la fourniture de ces formations aux « membres des organes d’administration, de direction et de surveillance ».
Il est possible aussi de présenter les différences régionales en matière de politique de formation contre le risque de corruption, et de valoriser le fait qu’elles bénéficient à d’autres que les salariés les plus exposés.
Les normes ESRS mentionnent enfin la formation parmi les types d’actions qui peuvent être mises en avant dans le cadre des politiques visant l’impact environnemental et social de l’entreprise.
Quelques exemples :
Le document invite expressément à mesurer non seulement le nombre d’actions de formation mais aussi leur impact réel.
Sur tous ces sujets, le responsable formation peut faire preuve de proactivité et valoriser l’activité de son département au profit du reporting extra-financier.
En matière de « reporting de durabilité » obligatoire, rien n’est encore gravé dans le marbre. La directive « Omnibus » pourrait bien vider en grande partie de sa substance la directive CSRD, et réduire considérablement le champ des obligations – au grand soulagement de nombreuses entreprises. Pour le moment, cependant, il reste prudent de rester en alerte sur le sujet. Dans tous les cas, les responsables RH et formation sont assis sur un trésor de données qu’ils ont tout intérêt à valoriser auprès de leurs direction.
Aujourd’hui, la situation semble être la suivante :
Taille d’entreprise | CSRD | Proposition de directive Omnibus |
Entreprises cotées de 500 salariés et plus | A partir de l’exercice 2024 (publication en 2025) | Entreprises de 500 à 999 salariés, ou de 1000 salariés ayant moins de 50M€ de CA et moins de 25M€ de bilan : régime facultatif VSME
Entreprises de 1000 salariés et plus : obligations simplifiées |
Autres entreprises de + de 250 salariés, et soit + de 50M€ de CA, soit + de 25M€ de bilan | A partir de l’exercice 2025 (publication en 2026) | Entreprises de 250 à 999 salariés avec soit + de 50M€ de CA, soit + de 25M€ de bilan : régime facultatif VSME
Entreprises de 1000 salariés et plus : à partir de l’exercice 2027 (obligations simplifiées) |
PME cotése (sauf micro-entreprises)
Petits établissements de crédit
Captives d’assurance | A partir de l’exercice 2026 (publication en 2027) | A partir de l’exercice 2028 (Régime facultatif VSME) |
Crédit photo : Shutterstock / 3rdtimeluckystudio
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