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Pierre Courbebaisse : « il faut un crédit d’impôt formation pour les PME »

Président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP) depuis 2018, Pierre Courbebaisse est à la tête de deux importants groupes de formation (Aformac et Afec). En cette rentrée de septembre 2021, il répond aux questions de Management de la formation, au moment où la FFP se rebaptise « Les Acteurs de la Compétence ».

 

Management de la formation : La Fédération de la formation professionnelle (FFP) devient « Les Acteurs de la Compétence ». Quels sont les enjeux derrière cette nouvelle identité ?

 

Pierre Courbebaisse : La transformation de la FFP ne fait que refléter celle du monde de la formation. Nous sommes sortis de la formation conçue comme un simple prolongement de la formation initiale, comme un supplément d’école à l’âge adulte. Ce qui est en jeu désormais, c’est bien la compétence, en tant qu’elle est directement mise en œuvre dans le contexte de l’entreprise et dans la situation de travail. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui présents sur l’ensemble de la chaîne des compétences, de l’apprentissage pour les jeunes à l’accompagnement et au coaching en passant par toutes les solutions pédagogiques, le numérique, la production et l’édition de contenu, les plates-formes LMS, les plates-formes d’évaluation des parcours, les académies d’entreprise, ou encore les certificateurs de compétences – une fonction qui va prendre de l’ampleur avec le développement continu des habilitations et des formations obligatoires.

La FFP, devenue Les Acteurs de la compétence, reste une fédération d’opérateurs privés, élargie à tous ces nouveaux intervenants, dans une logique de filière. La formation n’est plus une simple activité annexe de service aux entreprises, mais une véritable filière économique transversale à de nombreuses branches. Et c’est un enjeu majeur pour le pays.

 

Où en est la représentativité de la fédération ?

Au cours des trois dernières années, le nombre d’adhérents est passé d’environ 700 à 1 200. Depuis 2017, le nombre d’entreprises qui appliquent notre convention collective a ainsi augmenté de 43,5 %.Selon la dernière mesure d’audience, 7 entreprises sur 10 du secteur, parmi celles qui adhèrent à une organisation professionnelle, on rejoint notre  fédération. Dans ce même ensemble, elles représentent près des trois quarts des salariés. Un succès qui s’explique par un service de qualité, notre proximité aux adhérents, la présence d’un réseau régional développé, et le choix stratégique de s’ouvrir à l’ensemble des acteurs de la filière.

 

Quelles ont été les conséquences économiques de la crise sanitaire sur le secteur de la formation professionnelle, jusqu’à présent ?

Il faut bien distinguer 2020 et 2021. En 2020, nous avons diminué en moyenne notre activité de 30 %. Ce recul n’est pas également réparti suivant les segments d’activité : la formation des jeunes a au contraire progressé. Celle des demandeurs d’emploi a reculé, et celle des salariés plus encore. Aujourd’hui, en 2021, nous sommes globalement revenus à notre niveau d’activité antérieur. Il est encore trop tôt pour savoir si l’activité de la profession progressera en 2021.

L’année dernière, la rapidité et la violence de la crise ont totalement arrêté le secteur. Les solutions proposées par les pouvoirs publics ont eu une efficacité contrastée. Pour les jeunes, la politique a été couronnée de succès, avec l’aide à l’apprentissage. Mais la mobilisation du FNE pour la formation des salariés (notamment en activité partielle), si elle partait d’une bonne idée, s’est traduite par un bilan en demi-teinte. La mesure était bonne, mais sa mise en œuvre s’est avérée trop compliquée pour les entreprises.

Les secteurs de la formation des salariés qui ont le plus souffert entrent dans deux catégories : les secteurs sinistrés par la crise, comme l’événementiel ou l’hôtellerie-restauration, et les secteurs en surcharge, comme le médico-social. Dans les deux cas, il était impossible de continuer à former comme en temps normal.

En définitive, cependant, nous aurions pu nous attendre à beaucoup plus d’arrêts d’activités. Il  y en a eu relativement peu. Le secteur de la formation a beaucoup souffert, mais il repart.

 

Quel regard portez-vous sur les différents aspects de la réforme de 2018, 3 ans après ?

L’aspect le plus positif, à nos yeux, est l’impact de la formation sur l’apprentissage. Nous avons connu cette année 5 à 10 % de croissance sur ce segment. C’est un vrai succès. Les entreprises de formation ont été nombreuses à se développer vers l’apprentissage.

Le deuxième axe de réussite est le compte personnel de formation (CPF). La simplification de l’accès favorise l’appropriation par l’individu, lui permet de choisir sa formation. Dans ce domaine, l’objectif de la réforme a été atteint.

Un troisième point positif est la démarche qualité promue par la réforme. Développer le professionnalisme et la qualité des prestations est l’ADN de notre fédération, sa raison d’être. Le fait de généraliser le label de qualité Qualiopi est une bonne chose. A condition que ce label fasse véritablement référence, et qu’on ne multiplie pas les certifications différentes. Pour le moment, l’obligation est prévue pour entrer en vigueur le 1er janvier 2022, et nous ne souhaitons pas que cette échéance soit reportée. Nous ne pourrons tirer un bilan que l’année prochaine. En attendant, 98 % de nos adhérents sont d’ores et déjà Qualiopi.

L’aspect le moins satisfaisant de la réforme est la question de la formation des collaborateurs dans les entreprises de 50 à 300 salariés. Ces entreprises, qui sont des PME, se retrouvent dépourvues de tout financement public ou mutualisé.

En savoir plus sur le financement de la formation professionnelle pour les entreprises de 50 salariés et plus

 

Quels seront pour vous les enjeux « formation professionnelle » de la campagne présidentielle ?

Nous avons trois priorités en matière de formation pour la campagne du printemps 2022.

La première porte précisément sur les entreprises de 50 à 300 salariés, qui sont en quelque sorte les oubliées du système. Nous considérons qu’il devrait y avoir un crédit d’impôt pour ces organisations. Nous croyons que cette mesure exercerait un véritable effet levier sur l’investissement compétence dans les PME-PMI.

Deuxième priorité : il est essentiel de maintenir l’élan de l’apprentissage. En particulier, il faudrait que la prime versée aux entreprises qui embauchent des jeunes en alternance soit reconduite l’année prochaine. Il y a un véritable engouement pour l’apprentissage de la part des entreprises, des jeunes et des familles. Il faut capitaliser sur cette envie nouvelle.

La simplification du système par la suppression du contrat de professionnalisation, en revanche, ne s’impose pas. La professionnalisation s’adresse également à des publics de plus de 30 ans, aux seniors, aux travailleurs handicapés, aux 2e parties de carrière… Il faut faire attention à ne pas casser le système en voulant le rationaliser.

Notre troisième attente est la simplification des procédures pour les demandeurs d’emploi. Il s’agit de faire en sorte qu’ils puissent entrer rapidement en formation, sans nécessairement passer par la case Pôle emploi et chômage. Dans l’idéal, il faudrait que l’on puisse commencer sa formation presque pendant la période de préavis. Il ne faut pas que les salariés qui quittent une entreprise soient contraints d’attendre des mois pour entrer en formation. En France, nous ne sommes pas très bons sur ce point.

Au-delà de ces trois mesures, il est évident que la compétence occupe une place capitale dans le cadre de la relance. Les grandes évolutions du moment, que ce soit la transformation numérique ou la transition écologique, passent toutes par le développement et la diffusion de nouvelles compétences. Nous donnons-nous aujourd’hui suffisamment les moyens de promouvoir la formation et les compétences à la hauteur des enjeux ?

 

Quel monde de la formation se dessine à 1, 5, 10 ans ?

Nous assistons à la montée en puissance du digital learning. Cette tendance touche tous les publics, toutes les entreprises, tous les domaines de formation. Parallèlement, nous identifions également un mouvement en sens contraire, vers un retour au présentiel, au contact humain, à la formation en situation de travail. Ces deux évolutions, vers le virtuel et vers les très concret, ne s’excluent pas l’une l’autre : elles vont de pair.

Les Acteurs de la Compétence constituent une filière économique à part entière. Pour relever les défis de l’avenir, nous allons devoir investir à des niveaux élevés, notamment sur le digital. Les modèles économiques des organismes doivent permettre de dégager des ressources pour faire face à ces investissements. Pour parler clairement, « digital » ne doit pas être compris comme « formation moins chère ». Nous devons faire très attention à ne pas nous retrouver dans une dérive low cost. Si nous voulons de la formation de qualité pour accompagner à la fois la relance et les transformations à 5 ou 10 ans, il  faudra que nous puissions investir dans les outils, les contenus, les compétences des formateurs.

 

Les organismes de formation sont-ils prêts pour ces transformations ?

Nous les aidons activement à se préparer. Nos adhérents bénéficient d’un accord de branche ambitieux en matière de formation des collaborateurs. Nous décryptons également pour nos adhérents les différentes actions lancées par les pouvoirs publics, comme l’appel à projet Deffinum (dans le cadre du plan de transformation et de digitalisation de la formation) et les accompagnons dans le projet du PIA pour la transformation digitale porté par la fédération (le programme d’investissements d’avenir).

 

Que souhaitez-vous dire aux responsables formation des entreprises aujourd’hui ?

Il est essentiel que la place de la formation et du développement des compétences soit encore revalorisée dans les politiques RH et plus largement dans les stratégies économiques et RSE des entreprises. Il ne faut pas que la crise et les difficultés économiques amènent à négliger la formation. Celle-ci, je le rappelle, est un aspect indispensable de la réponse aux différentes transitions en cours. Il ne faut pas hésiter, par ailleurs, à innover dans les achats, en adoptant de nouvelles modalités de formation. En investissant intelligemment dans les compétences, les  entreprises préparent leur avenir.

 

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