Repères

Crise sanitaire : une facture élevée pour la formation professionnelle en 2020

Le PIB a reculé de 7,9 % en 2020 : l’impact économique de la crise sanitaire est indéniable. Au-delà de ce zoom arrière macro-économique, la récession n’a pas affecté tous les secteurs de la même façon. Dans le cas du secteur de la formation professionnelle, on sait que l’activité a globalement diminué en 2020. Mais il est difficile d’en dire beaucoup plus à ce stade. Deux études – une française (Céreq) et une européenne (Cedefop) – permettent cependant d’aller un peu plus loin dans l’analyse.

 

Un recul qui reste à chiffrer

Les retours du terrain ne laissent guère place au doute : l’activité de la formation a significativement reculé en 2020, avant de reprendre en 2021. « En 2020, nous avons diminué en moyenne notre activité de 30 % », nous disait la semaine dernière Pierre Courbebaisse, président des Acteurs de la Compétence. Les premiers retours d’expérience recueillis après le premier confinement laissaient entrevoir un impact très variable suivant les prestataires. Il faudra encore attendre un peu pour disposer d’un bilan chiffré véritablement précis, mais deux études parues récemment nous apportent déjà une première approche de la question. Il s’agit de :

 

Un fort impact économique et RH

La crise sanitaire a eu un impact immédiat à la fois sur l’activité des entreprises et leur gestion des ressources humaines. Selon l’Insee, une entreprise sur trois a fermé au cours du premier confinement, et 4 entreprises sur 5 ont connu un ralentissement de leur activité. Certains secteurs ont travaillé davantage qu’avant la crise, mais le phénomène ne concerne que 6% des entreprises. On retrouve cette typologie dans l’étude du Céreq, qui distingue un groupe d’entreprises à l’arrêt, un autre de sociétés dont l’activité est ralentie, et un troisième qui voit ses commandes augmenter. Les chiffres de l’Insee nous montrent que ces trois groupes ne sont pas de taille égale : une toute petite minorité d’entreprises a bénéficié de la crise.

A l’échelle européenne, près de la moitié des entreprises (45%) ont suspendu tout ou partie de leur activité à un moment ou à un autre de la crise sanitaire, selon le Cedefop. 87% d’entre elles ont dû apporter des changements matériels à leurs installations pour s’adapter à la situation.

Ces changements sont allés de pair avec un bouleversement des modes de travail dans nombre de sociétés. Fin mars 2020, selon l’Insee, seuls 29% des salariés ont continué à travailler sur site, et 44 % ont bénéficié du chômage partiel pendant le confinement. A l’échelle européenne, le télétravail a pris un essor considérable. Un tiers seulement des entreprises avaient au moins une petite partie de leurs salariés en télétravail en 2019. Cette proportion était montée à près de 70 % en avril 2020, et restait en-dessous de 40 % à la fin de 2020. La part des entreprises dont au moins 20 % des salariés travaillent à distance est passée de 13 % en 2019 à 32 % en avril 2020.

L’essor du télétravail et la crise sanitaire en général ont incité les entreprises à miser davantage sur l’autonomisation des collaborateurs. Ainsi, 61% des mouvements de personnel encadrant ont été entrepris dans l’optique d’accroître l’autonomie des salariés.

 

Un recul global de l’activité formation

Pour autant, les entreprises européennes ont globalement moins financé de formations à leurs salariés en 2020 qu’en 2019. La plupart d’entre elles (les deux tiers) avaient formé au moins 20 % de leurs collaborateurs en 2019 ; en 2020, plus de la moitié des entreprises ont formé moins de 20 % des effectifs.

Si l’on se tourne vers le petit échantillon analysé par le Céreq, les trois quarts des entreprises ont gelé leur plan de formation en 2020. Les raisons invoquées sont diverses :

  • Pour l’une des entreprises, l’abandon du plan de formation est lié au surcroît d’activité (« je n’ai vraiment pas eu le temps de me pencher sur la question, j’ai encore le dossier sur mon bureau de la formation de mes salariés, le plan de formation a complètement capité »).
  • Pour une autre, à l’inverse, la crise est vécue a posteriori comme une occasion manquée (« je dirais honnêtement que durant la crise, toute cette partie était en stand-by […] Il y a eu 1 % de formation à titre individuel alors que le temps nécessaire aurait vraisemblablement été là pour faire plus »), mais les moyens ont manqué, notamment en matière d’équipement informatique.
  • Dans les entreprises où les salariés sont passés en télétravail, le temps a manqué pour lancer des actions de formation : les tâches liées aux changements d’organisation ont monopolisé l’attention.

Le FNE-Formation, mis à contribution pour permettre aux entreprises de former leurs salariés en activité partielle, n’aura donc pas atteint son objectif. Selon le gouvernement, le FNE-Formation n’aura permis de financer la formation que de 437 000 salariés, soit autour de 2 % des effectifs du privé.

L’étude du Céreq cite un contre-exemple notable : celui d’une entreprise de l’agro-alimentaire qui a choisi de poursuivre la mise en œuvre du plan de développement des compétences en mobilisant le CPF et le FNE pour le financement, et en misant, le présentiel n’étant pas possible, sur la formation à distance et la formation en situation de travail. Probablement dotée d’une DRH proactive et « familière des dispositifs publics d’emploi et de formation », cette entreprise a utilisé tous les dispositifs existants pour continuer à former les salariés.

 

Développement des compétences : des nuances sectorielles importantes

Au-delà de la gestion de l’urgence, la crise a également généré ou révélé de nouveaux besoins de compétences. Mais le mouvement n’est pas uniforme suivant les secteurs, comme l’étude Cedefop permet d’en juger à l’échelle européenne. Premier constat : seule une entreprise européenne sur 4 n’a rencontré aucun nouveau besoin de compétences suite à la crise. Un tiers des entreprises sont affectées « modérément », une sur 20 « largement ».

Ces besoins de nouvelles compétences découlent en grande partie de l’impact de la crise sur les cœurs de métier. 28% des entreprises déclarent qu’au moins une partie de leurs collaborateurs occupés aux tâches principales de l’entreprise ont vu leur métier changer. Dans 5% des cas, la majorité des salariés sont concernés. Tous les secteurs ne sont pas affectés dans les mêmes proportions : le commerce et l’hôtellerie-restauration apparaissent comme les plus touchés, l’industrie, les transports et la construction étant moins concernés.

Ces données se répercutent sur les stratégies de formation : la crise a eu comparativement moins d’impact sur celles de l’industrie et de la construction. Mais d’une façon générale, ce sont les grandes entreprises qui transforment le plus leur politique de formation : elles en ont davantage les moyens.

 

Ces données très parcellaires donnent un premier aperçu de l’impact de la période sur la formation professionnelle : un coup d’arrêt important au printemps 2020, une baisse significative de l’activité tout au long de l’année, des impacts sectoriels contrastés et des attitudes très variées vis-à-vis des changements à opérer suite à la crise. Avec un avantage indéniable pour les entreprises qui bénéficient d’une vraie stratégie RH, appuyée sur une expertise confirmée en matière de gestion des compétences.

Crédit photo : Shutterstock / Bill Lane

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