Réformes

Apprentissage, réforme et Covid-19

Axe majeur de la loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018, la réforme de l’apprentissage a été complétée par décret pendant la période de confinement. Avec notamment, et fort opportunément, des précisions sur la formation à distance des apprentis. C’est l’occasion également de rappeler les mesures prises pour soutenir l’apprentissage pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, au moment où les CFA, comme les autres organismes de formation, peuvent rouvrir leurs portes.
 

Les mesures d’urgence concernant l’apprentissage

Les mesures de financement
La continuité des formations
L’organisation des diplômes de l’apprentissage

La finalisation de la réforme de l’apprentissage

Apprentissage et formation à distance
La limite d’âge portée à 35 ans dans certains cas
Des précisions sur la rémunération des apprentis
Les 4 types de CFA d’entreprise
Assouplissements divers

Les mesures d’urgence concernant l’apprentissage

Comme l’ensemble du système de formation, l’apprentissage a fait l’objet de mesures particulières pour limiter l’impact de l’épidémie sur le cursus des apprentis. Ces mesures ont un impact au moment du déconfinement.

Les mesures de financement

La première mesure de financement des apprentis reste le chômage partiel, pour les entreprises qui y sont éligibles. Le salaire des apprentis peut ainsi être pris en charge par l’Etat, comme celui des autres salariés dans la même situation, à hauteur de 100% de leur net s’ils percevaient moins que le Smic, ou 70% du brut s’ils étaient au Smic ou au-dessus.

L’apprentissage n’est pas couvert par les financements exceptionnels du FNE-Formation. En revanche, France Compétences vient de préciser les modalités de recours à une subvention instituée au profit des CFA par la réforme de 2018. Cette subvention peut bénéficier à tous les CFA, y compris les CFA d’entreprise. Elle peut être demandée pour couvrir, par exemple, l’acquisition d’équipement pédagogique en cas de nouvelle offre ou de développement des capacités d’accueil, mais aussi l’aménagement des locaux. Pour les entreprises ou groupes qui disposent d’un CFA interne, ce peut être l’occasion d’amortir un peu la facture au moment du déconfinement.

Les dossiers doivent être déposés avant le 30 juin 2020.

La continuité des formations

Pendant le confinement, certains apprentis ont pu continuer à suivre leur formation à distance (chez eux ou parfois dans l’entreprise). Cependant, lorsque la formation à distance n’était pas possible, le temps de formation a été remplacé par du temps en entreprise (en présentiel, télétravail ou activité partielle).

En conséquence, le déconfinement pourra être l’occasion pour ces apprentis de rattraper le temps de formation au détriment du temps en entreprise. La durée du contrat pourra aussi être prolongée par avenant au-delà du terme prévu initialement, pour lui permettre de finir le cursus. L’une ou l’autre solution, suivant les cas, pourra être préférée en fonction de la situation de l’entreprise, en accord avec le CFA et l’apprenti.

L’organisation des diplômes de l’apprentissage

La période de confinement et la persistance des mesures de distanciation sociale bouleversent les calendriers pédagogiques.

Les diplômes qui devaient être délivrés en juillet seront attribués essentiellement sur la base du contrôle continu. Pour chaque diplôme d’apprentissage, un jury se réunira à partir du 4 juillet pour évaluer l’apprenti, sur la base des notes antérieures, de l’assiduité dans les cours en ligne suivis depuis le confinement, et de l’appréciation de l’employeur ou du maître d’apprentissage. L’entreprise peut donc peser significativement sur l’obtention du diplôme de son apprenti. Les critères de durée minimale de formation seront appliqués « avec souplesse ».

Lorsque des épreuves en présentiel seront nécessaires, elles seront organisées suivant des modalités à préciser. Quand une épreuve de conduite est requise, par exemple, celle-ci devra avoir lieu avant le 30 septembre.

La finalisation de la réforme de l’apprentissage

Apprentissage et formation à distance

La partie « formation » de l’apprentissage pouvait déjà légalement se faire à distance : c’est la loi « Travail » du 8 août 2016 qui en a inscrit le principe dans le code du Travail. Aucune mesure réglementaire n’était cependant venue encadrer cette possibilité. La réforme du 5 septembre 2018 a entrepris ensuite de simplifier l’accès à la formation à distance, en général. Un décret du 30 mars 2020 en tire finalement les conséquences pour l’apprentissage en particulier, en créant un chapitre dédié « enseignement à distance » dans le code du Travail.

Rien de bien révolutionnaire : le décret élargit à l’apprentissage les conditions déjà requises pour organiser une formation professionnelle à distance, fixées par un décret du 28 décembre 2018. La précision n’est cependant pas superflue, et peut intéresser tout particulièrement les responsables formation des entreprises ou groupes d’entreprises qui mettent en place un CFA. Pour organiser une formation à distance, il faut :

  • Inclure une « assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours » : on ne peut pas présupposer que l’apprenti sait déjà se servir des outils de formation à distance. Il est indispensable d’inclure dans le cursus même une véritable formation à ces outils et méthodes.
  • Informer l’apprenti des activités de formation qui seront accomplies à distance, et lui dire combien de temps ces activités devraient lui prendre, en moyenne. Cela peut paraître évident, mais il est important d’éviter le flou artistique autour des actions pédagogiques à distance : on ne peut pas laisser l’apprenti seul avec un contenu en comptant sur lui pour se débrouiller.
  • Evaluer les acquis, au moins à la fin, si possible ou nécessaire tout au long de la formation.

Enfin, pour attester de la tenue de la formation à distance, on pourra utiliser « tout élément probant ».

La règlementation édicte donc des règles de bon sens, sans fixer de formalisme précis. Il est clair que si les CFA jouent le jeu et respectent l’esprit de la loi, la partie « formation » de l’apprentissage pourra se dérouler en tout ou partie à distance sans difficulté.

En cette période de mobilité réduite, c’est plus qu’un détail. Dans certains cas, la période de confinement aura ainsi pu être mise à profit pour avancer sur la partie théorique.

Au-delà même de la période actuelle, on peut imaginer que la formation à distance puisse permettre à un apprenti de suivre un cursus dispensé par un CFA éloigné géographiquement de son domicile et de l’entreprise, en particulier lorsque ce cursus est rare.

La limite d’âge portée à 35 ans dans certains cas

La réforme de septembre 2018 a porté la limite d’âge pour l’entrée en apprentissage de 25 à 30 ans (moins un jour : la loi dit « 29 ans révolus »). Avant la réforme, il était déjà possible de commencer un contrat d’apprentissage entre 25 et 30 ans dans certains cas. Le décret maintient ces dérogations en repoussant la limite à l’âge de 35 ans.

Les situations concernées sont :

  • Quand l’apprenti termine un contrat, il peut être ré-embauché (dans la même entreprise ou dans une autre) jusqu’à ses 35 ans pour un nouveau contrat d’apprentissage, à condition que celui-ci le prépare à un diplôme d’un niveau supérieur à celui préparé dans le précédent contrat.
  • Quand le contrat d’apprentissage est rompu indépendamment de la volonté de l’apprenti (y compris s’il est provisoirement inapte physiquement).

L’apprenti qui échoue à obtenir son diplôme peut également conclure un nouveau contrat d’un an même s’il a dépassé 30 ans ou plus, sans aucune limite d’âge.

Exemple : un apprenti qui conclut son premier contrat à 29 ans et le valide à 32 ans peut ainsi signer un nouveau contrat pour un diplôme supérieur. Si, à 35 ans, il échoue à son diplôme, il peut à nouveau signer un contrat d’un an. En théorie, on peut donc imaginer un apprenti de 36 ans !

Des précisions sur la rémunération des apprentis

Plusieurs mesures viennent préciser la rémunération minimale prévue pour les apprentis. L’objectif est de tirer les conséquences des assouplissements en matière de durée des contrats. Par exemple, il est possible désormais de raccourcir un cursus si l’apprenti a déjà une partie des acquis. Mais comment faut-il le payer ? C’est le calcul le plus favorable à l’apprenti qui doit prévaloir. Par exemple, si un cursus de 3 ans est réduit à 2 ans et demi, l’apprenti sera payé 6 mois au barème « 1re année », puis passera au barème « 2e année ».

Par ailleurs, un apprenti en licence pro sera payé au barème de 2e année.

Si un contrat est prolongé au-delà de la durée initiale, on maintient la rémunération de la dernière année.

Il s’agit, en règle générale, de tenir compte des acquis antérieurs de l’apprenti pour éviter qu’ils soient rémunérés en-dessous de leur niveau de compétence.

Les 4 types de CFA d’entreprise

La loi permet, depuis la réforme de 2018, de créer facilement un Centre de formation d’apprentis (CFA) au sein de l’entreprise. CE procédé permet à la fois de développer sa propre offre de formation et de déduire de la fraction de 87% de la taxe d’apprentissage les dépenses de formation afférentes. Les frais de développement de chaque nouvelle formation du CFA peuvent également être déduits.

Le décret ajoute que la conversion d’une formation existante au format « apprentissage » compte comme le développement d’une nouvelle formation.

Un décret du 27 décembre 2019 avait par ailleurs précisé les 4 types de CFA d’entreprise possibles. Il peut s’agir :

  • d’une structure interne à l’entreprise ;
  • d’un CFA de groupe ;
  • d’une structure indépendante dont l’entreprise possède plus de la moitié du capital ou des voix dans l’organe de gouvernance ;
  • ou encore d’un CFA créé par plusieurs entreprises « partageant des perspectives communes d’évolution des métiers ou qui interviennent dans des secteurs d’activité complémentaires » – une description qui laisse une assez grande marge d’interprétation.

Le décret du 30 mars rappelle que tous les CFA doivent envoyer une déclaration d’activité à la Direccte, comme tout organisme de formation. Pour un CFA interne, c’est l’entreprise qui l’envoie, dans les trois autres cas, c’est le CFA. La déclaration doit préciser de quel type de CFA d’entreprise il s’agit.

Assouplissements divers

L’autre décret du 30 mars relatif à l’apprentissage contient diverses mesures d’assouplissement, notamment :

  • La rupture d’un contrat d’apprentissage n’a plus à être notifiée à la Direccte (uniquement au CFA et à l’Opco).
  • Un contrat d’apprentissage n’aura plus besoin d’être signé qu’en 2 exemplaires au lieu de 3.
  • La plupart des adaptations de durée des contrats d’apprentissage peuvent se faire sans passer par une convention tripartite entre l’entreprise, le CFA et l’apprenti : prolongation en cas d’échec au diplôme, formation commencée avant de trouver un contrat, suite d’un autre contrat inachevé, adaptation pour handicap… Les seuls cas qui requièrent une convention sont la prolongation suite à la rupture du contrat ou de la formation indépendamment de la volonté de l’apprenti, et l’adaptation pour tenir compte du niveau de compétence préalable de l’apprenti.
  • La formation de l’apprenti pourra se faire en partie dans une autre entreprise, par exemple lorsque le matériel nécessaire n’est pas disponible dans l’entreprise qui l’emploie. Il suffit de conclure une convention avec l’autre entreprise, le CFA et l’apprenti.

 

Que l’on emploie déjà des apprentis ou que l’on envisage d’en recruter, la période que nous vivons n’est pas simple pour l’apprentissage en entreprise. Le message des autorités est en tout cas clair : d’un point de vue réglementaire, tout sera fait pour permettre la continuité dans les meilleures conditions, en assouplissant les règles et en capitalisant sur une réforme qui, elle-même, allait déjà dans le sens de la simplification. Encore faut-il pouvoir suivre le changement rapide du cadre légal !

Crédit photo : Shutterstock / Monkey Business Images

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