Repères

2021, une année faste pour la formation professionnelle

En 2021, la formation professionnelle a connu à la fois un rebond quantitatif et une transformation qualitative. Certes, nous manquons encore de données précises pour chiffrer ces évolutions, mais les signes sont clairs. L’augmentation des achats, des aides publiques abondantes, la croissance de l’alternance, l’achèvement de la réforme, la transformation des pratiques de formation : tout est en place pour signer un bilan 2021 avantageux et aborder 2022 avec confiance, comme nous l’anticipions dès l’été 2020.

 

2021, année du rebond pour les achats de formation

Après une année 2020 marquée par un recul de la consommation de formation professionnelle par les entreprises et les salariés, 2021 devrait logiquement être un bon millésime pour le marché du développement des compétences. Plusieurs facteurs ont dû orienter les achats à la hausse :

  • Pendant les confinements de l’année 2020, les entreprises ont annulé un certain nombre de formations ; mais beaucoup d’actions ont été simplement différées. C’est le cas notamment des formations obligatoires, qui devraient logiquement représenter une part significative des achats de formation en 2021.
  • L’essor du télétravail et du travail hybride suscite de nouveaux besoins de compétences, ne serait-ce que pour assurer la maîtrise par les collaborateurs des nouveaux outils nécessaires au travail à distance. Certains indices laissent entendre que les formations au management à distance ou à l’organisation personnelle du travail ont augmenté en 2021 : notamment, la part croissante des formations informatiques dans les prestations achetées via le CPF (de 9% en 2019 à 14% au 1er semestre 2021).
  • Le développement de la formation professionnelle à distance, sensible dès juillet 2020, devrait agir en faveur d’une augmentation en volume du nombre d’achats de formation, avec sans doute une hausse un peu moindre en valeur. C’est l’une des avancées majeures de la crise : les salariés et les managers ont acquis une expérience concrète du distanciel. Celui-ci a perdu simultanément les deux principaux freins à son développement : l’image d’une solution miracle, source de désillusions, et celle d’un équivalent du présentiel en moins cher et en moins qualitatif.

Toutes ces évolutions, à elles seules, ont dû porter une croissance des achats de formation, dont il reste à voir si elle aura permis un rattrapage du niveau de 2019, voire, peut-être, un dépassement.

 

Un rôle certain de l’aide publique

Les aides financières exceptionnelles, également, ont pu soutenir la demande de formation professionnelle en 2021, par différents biais :

  • Les dépenses engagées via le compte personnel de formation (CPF) ont explosé en 2021. France Compétences estime qu’elles devraient atteindre 2,6 Mds € en 2021, et prévoit la même chose en 2022, contre 1,2 Mds € en 2020.
  • L’alternance, surtout, a connu une croissance très importante (voir ci-dessous). En 2022, France Compétences prévoit 7,9 Mds € pour ce poste, soit 2 Mds de plus qu’en 2020. Le chiffre définitif pour 2021 reste à préciser.
  • En 2020, plus de 300 M€ avaient été mobilisés dans le cadre du FNE-Formation. En 2021, l’État comptait sur une dépense FNE de 390 M€. Les conditions ayant été restreintes en début d’année, la demande de subventions FNE avait tendance, cet été, à marquer le pas, ce qui a conduit les autorités à assouplir un peu le dispositif, mais sans véritablement le simplifier. Quoi qu’il en soit, le montant global est relativement faible par rapport à l’ensemble du marché de la formation (17,3 Mds € de chiffre d’affaires pour les organismes de formation et les CFA en 2020).
  • On peut en dire autant du dispositif Transco (transitions collectives) lancé début 2021, et qui devait mobiliser en principe 500 M€. L’enveloppe ayant été à peine entamée à l’été, l’utilisation de ces sommes devrait se faire sentir sur le 2e semestre 2021 et sur 2022.

À noter que le « plan de réduction des tensions de recrutement » lancé à l’automne comporte 1,4 Mds € pour la formation professionnelle, via divers canaux. La dépense concerne à la fois 2021 et 2022, et correspond à différentes sommes redondantes avec les emplois cités ci-dessus.

  • Quelle sera l’importance globale de l’aide publique en 2022, et son influence sur l’évolution du marché ? Il est trop tôt pour le dire. Nul doute, en tout cas, que le Jaune Budgétaire 2023 indiquera une hausse significative de la dépense de formation des entreprises en 2021. Il reste à savoir quelle sera son importance et sa durabilité.

 

L’explosion de l’alternance : plus de 800 000 contrats ?

2020 avait déjà été une année record pour l’alternance, sous l’effet conjoint de la réforme de 2018 et des aides gouvernementales. La dynamique s’est poursuivie et accentuée en 2021, même si nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs pour l’année.

Selon les calculs du journal Les Échos, le nombre de contrats d’apprentissage signés en 2021 pourrait atteindre 675 000 pour le seul secteur privé, contre 512 000 en 2020. Il faudrait y ajouter les contrats signés dans le public, dont le nombre approcherait des 25 000 cette année selon le ministère. Et contrairement à l’année passée, les nouveaux apprentis ne se substituent pas à des contrats de professionnalisation. En septembre, date des derniers chiffres disponibles, ceux-ci s’établissaient déjà à plus de 77 000 contrats signés, soit un tiers de plus que l’année précédente. Si la dynamique se poursuit jusqu’à la fin de l’année, la barre des 800 000 contrats de formation en alternance pourrait être largement franchie. En 2020, année record, on était aux alentours de 600 000.

Prudence, cependant : la ministre du Travail a annoncé fin novembre que le nombre de contrats d’apprentissage atteignait déjà 560 000, privé et public compris, soit loin des 675 000 calculés par Les Échos pour le seul secteur privé. Il faudra donc attendre un peu pour avoir des chiffres sûrs et définitifs.

  • La tendance se poursuivra-t-elle en 2022? Tout dépendra de la réponse à deux questions :
    • Les aides exceptionnelles vont-elles être prolongées ? Rappelons que ces aides (5 000 € pour l’embauche d’un mineur, 8 000 € sinon) permettent aux entreprises d’embaucher un jeune apprenti quasiment gratuitement la première année, et un jeune en contrat de professionnalisation à moindre coût. À l’heure actuelle, il est prévu que les aides soient disponibles jusqu’au 30 juin 2022. Certes, il est possible de signer un contrat avant cette date pour un début d’exécution le 1er septembre ; les contrats de rentrée 2022 pourront donc théoriquement bénéficier de l’aide. Mais septembre est traditionnellement un mois faste pour les novueaux contrats en alternance ; si l’aide n’est pas prolongée, il est possible que l’on observe une baisse significative des nouveaux contrats au 2e semestre 2022.
    • La deuxième question découle de la précédente : dans quelle mesure la dynamique actuelle est-elle due aux aides exceptionnelles à l’alternance ? La croissance de l’alternance avait commencé avant la crise, suite à la réforme de 2018 qui « libéralise » l’apprentissage et permet aux entreprises et aux branches de créer facilement des CFA, sans autorisation de la région. Si l’aide n’est pas reconduite, nous verrons en 2023 quelle était la part du changement structurel et de l’effet d’aubaine dans la hausse exceptionnelle de l’alternance en 2020-2021.

Certains n’hésitent pas à appeler à la pérennisation de l’aide exceptionnelle à l’alternance. Celle-ci rapporterait bien davantage que son coût pour les finances publiques : 41 milliards d’euros sur 4 ans.

  • Les décisions prises à ce sujet devraient figurer parmi les grands thèmes de la campagne de 2022 en matière de formation professionnelle et d’apprentissage.

 

L’achèvement du changement institutionnel

2021 a également vu la mise en place des dernières briques de la réforme, que nous avons chroniquée tout au long de l’année :

Le système conçu par la réforme de 2018 sera donc, pour l’essentiel, achevé à la fin de cette année.

  • Va-t-on commencer, dans ces conditions, à parler d’une nouvelle réforme de la formation professionnelle ? La périodicité de celles-ci (en moyenne une tous les 4 ou 5 ans depuis 20 ans) pourrait le laisser penser. Les partenaires sociaux doivent débattre dans les mois qui viennent pour dégager des pistes d’action en la matière. On reste, cependant, sur des propositions d’adaptations de la précédente réforme, et non sur des modifications substantielles du système. Il faudra surveiller les programmes des candidats aux élections présidentielle et législatives pour voir si d’autres idées émergent : crédit d’impôt, amortissement des dépenses de formation, augmentation des cotisations pour financer l’effort de formation…

 

Au-delà des aspects commerciaux, financiers et institutionnels, l’année 2021 aura sans doute consacré une transformation bien plus fondamentale : celle des usages et des pratiques, en faveur d’un essor maîtrisé du digital et du distanciel, dédramatisé par son utilisation forcée pendant la crise sanitaire. Un contexte propice à l’affirmation d’une fonction formation rénovée, tournée vers l’ingénierie du développement des compétences et une réponse fine aux besoins collectifs de l’entreprise et individuels des collaborateurs. En 2022, nous nous attacherons à suivre et analyser cette métamorphose de la formation continue des salariés.

Bonnes fêtes de fin d’année à tous les lecteurs du blog Management de la Formation ! En attendant le plaisir de vous retrouver en janvier 2022, avec notre traditionnelle revue de vidéos de début d’année.

Crédit photo : Shutterstock / Miha Creative

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