Créé par la réforme de la santé au travail de 2021, le passeport de prévention vient de commencer à être alimenté par les organismes de formation. A terme, il doit permettre aux entreprises d’améliorer leur gestion des formations – obligatoires ou non – en lien avec la santé et la sécurité au travail. Mais il représentera aussi une obligation déclarative supplémentaire pour le responsable formation, à compter du 1er trimestre 2026.
Le passeport de prévention : qu’est-ce que c’est ?
Le passeport de prévention est un système d’information mis en place par la Caisse des dépôts pour centraliser l’information relative aux formations, habilitations et certifications en santé et sécurité reçues par chaque actif en France. Les données, à terme, seront accessibles :
- Prioritairement, aux actifs eux-mêmes ;
- Sur autorisation des actifs, à d’autres acteurs, comme l’employeur, le futur employeur, les Opco, les organismes de formation…
Il est alimenté :
- Par les organismes de formation (à partir du 28 avril 2025)
- Par les employeurs (à partir du 1er trimestre 2026)
- Par les actifs (à partir de fin 2026).
Le passeport de prévention se présente donc, pour chaque bénéficiaire, comme un espace numérique intégré au passeport de compétences, lui-même accessible depuis la plateforme moncompteformation.gouv.fr. Les organismes de formation et les entreprises y accèdent par une interface spécifique.
Concrètement, pour l’entreprise, cela signifie :
- Une obligation de déclaration des formations à la santé et à la sécurité, obligatoires ou non, organisées pour chaque salarié, via l’interface dédiée.
- Sur autorisation de chaque salarié, la possibilité d’accéder aux formations, certifications et habilitations déjà reçues par les collaborateurs par ailleurs.
Quelles en sont les bases légales ?
Le passeport de prévention est issu de la réforme de la santé au travail du 2 août 2021. A l’automne 2022, nous consacrions un article aux promesses du passeport de prévention tel qu’il se profilait à l’époque. Le site d’information gouvernemental venait d’être lancé, et le passeport devait être opérationnel à l’horizon 2024. Nous attendions également d’en savoir un peu plus sur les détails du dispositif, notamment les formations et certifications concernées, ainsi que les informations à renseigner. Ces éléments ont été en grande partie précisés, notamment via :
- Un décret du 29 décembre 2021, qui a avalisé les conclusions du comité national de prévention et de santé au travail sur le sujet ;
- Un décret du 1er août 2023, qui organise l’intégration du passeport de prévention au système d’information du passeport de compétences, lui-même intégré au SI du CPF ;
- Un décret du 20 novembre 2023, qui autorise notamment les organismes de formation à collecter le numéro de Sécurité sociale des stagiaires pour renseigner le passeport de prévention.
A quoi ça sert ?
Le passeport de prévention étant issu d’une loi sur la santé au travail, son objectif principal est d’améliorer la prévention des risques et la santé au travail des actifs.
Il vise également :
- A aider les actifs à valoriser leurs compétences en la matière ;
- A aider les entreprises dans leur gestion des formations à la santé et à la sécurité au travail.
Le bénéfice possible pour les entreprises pourrait être triple :
- Dans le cadre de leur politique de recrutement, accéder plus facilement et de façon plus fiable aux compétences en santé-sécurité détenues par les candidats – comme critère de sélection ou comme point à aborder lors de l’intégration.
- Dans le cadre de la gestion des parcours et de mobilités, identifier rapidement les collaborateurs qui détiennent telles ou telles compétences en santé-sécurité.
- Gérer le renouvellement/le recyclage des certifications et habilitations.
Il est question, pour les entreprises, d’un tableau de bord pour visualiser les informations des salariés ayant donné leur autorisation. Y aura-t-il une interconnexion possible avec le SIRH ou le système utilisé pour la gestion de la formation ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Le fait que les collaborateurs et les candidats soient libres de donner ou non accès à leur passeport de prévention limite cependant la portée de ces bénéfices. Tout dépendra des usages qui se mettrons en place. Il faudra 1) que les salariés adoptent massivement le passeport de prévention et 2) choisissent très majoritairement de le partager. La logique du marché du travail pourrait bien jouer dans ce sens, mais rien n’est certain.
Quelles sont les formations concernées ?
Les textes, en l’état, ne proposent pas de liste exhaustive des formations concernées par l’obligation de déclaration dans le passeport de prévention ; ni même de critères précisément délimités. Le site du passeport de prévention propose une typologie en 4 catégories de formations, ainsi qu’un questionnaire permettant d’identifier si une formation relève du dispositif ou non.
Les 4 catégories (qui ne sont pas non plus d’une clarté limpide, en particulier les 2 et 3) sont les suivantes :
- Les formations obligatoires encadrées par la réglementation. Ce sont les formations dont l’objectif, mais aussi le contenu et le mode d’évaluation, sont réglementaires, comme les formations à la radioprotection ou au risque amiante.
- Les formations « pour des postes de travail nécessitant une autorisation de l’employeur ». Ce sont les formations dont l’objectif est réglementaire, mais les modalités sont laissées à l’appréciation de l’employeur, comme le Caces ou les habilitations électriques.
- Les formations « avec un objectif spécifique prévu par la réglementation », mais où, là encore, l’employeur décide des autres modalités. Cette catégorie regroupe notamment les formations aux risques chimiques ou à la manutention de charges. Il s’agit probablement de formations obligatoires mais moins spécifiques à un poste de travail (la distinction n’est pas très claire).
- Les formations qui ne sont pas encadrées par la réglementation, mais qui tombent sous le coup de l’obligation de formation des employeurs dans le cadre de la prévention des risques de santé-sécurité. C’est le cas par exemple des formations aux risques psycho-sociaux, aux troubles musculosquelettiques ou au risque routier.
Quelles obligations pour les entreprises ?
A partir du 1er trimestre 2026 environ, les entreprises vont devoir :
- Vérifier la conformité des déclarations faites par les organismes à qui elles ont confié la formation de leurs salariés (quand ces formations portent sur la santé et la sécurité au travail) ;
- Déclarer les formations santé-sécurité qu’elles réalisent elles-mêmes.
Ces démarches se feront via une interface dédiée.
Attention : depuis le 28 avril 2025, les organismes de formation doivent en principe déclarer les formations et les certifications qu’ils délivrent en matière de santé et sécurité au travail. Les entreprises qui détiennent des centres de formation internes constitués en organismes de formation (avec un numéro de déclaration) et/ou des CFA sont donc potentiellement concernées par l’obligation déclarative.
Entre la première mention du passeport de prévention, dans l’ANI du 10 décembre 2020 relatif à la santé au travail, et sa mise en œuvre concrète, probablement début 2027, plus de 6 années se seront écoulées. Cela montre à quel point les grands projets de ce type, qui requièrent le déploiement de systèmes d’information colossaux et complexes, requièrent du temps et des moyens. Il reste à espérer que le jeu en vaudra la chandelle.