Quiet quitting : la formation professionnelle est-elle un remède ?

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Parmi les différents concepts RH à la mode dans le monde post-Covid, le « quiet quitting », ou démission tranquille, est peut-être celui qui a le plus d’avenir. Il est aussi, presque par définition, le plus difficile à mesurer. Mais dans un environnement économiquement incertain, la grève du zèle reste sans doute le principal recours des mécontents au sein des entreprises. En quoi la formation professionnelle et le développement des compétences peuvent-ils apporter des moyens d’action face au phénomène ?

 

D’où vient le quiet quitting ?

La notion de « quiet quitting » n’est pas issue de travaux académiques : c’est une vidéo de 17 secondes sur Tiktok qui a popularisé le terme à l’été 2022. La démission silencieuse consiste non pas à quitter son emploi, mais à « démissionner de l’idée d’aller au-dessus et au-delà » de ce qui est attendu de nous. Le travail ne nous définit pas, poursuit la vidéo. En soi, donc, rien de révolutionnaire : le jeune tiktokeur américain décrit, d’une certaine manière, une relation assez normale au travail.

C’est le contexte qui donne son sens à la notion. Suite aux confinements liés à la pandémie, les Etats-Unis ont observé un phénomène dit de « Grande démission ». Un terme sans doute un peu hyberbolique, mais qui se vérifiait dans les chiffres : aux Etats-Unis, le taux de démission mensuel a flirté avec les 3% entre fin 2021 et début 2022, alors qu’il n’avait jamais dépassé les 2,3% au XXIe siècle. En 2023, le taux reste élevé (autour de 2,5%), mais la tendance est plutôt à la baisse. D’où l’idée qu’à présent, et parmi la très grande majorité des salariés qui ne démissionnent pas, l’heure serait à une démobilisation silencieuse.

Qu’en est-il en France ? La « Grande Démission » s’est bien produite également, mais dans des proportions moindres, avec un taux de démission atteignant les 2,7% fin 2021 et début 2022 – le plus haut niveau depuis 2008. Là encore, les chiffres reculent un peu depuis, sans pour autant revenir à la normale. Au total, 11,4% des salariés en CDI ont démissionné en 2022, contre 9,6% en 2019, qui était déjà une année haute pour les démissions. Une augmentation de 19% de la proportion de démissions, qui plus est observée dans l’ensemble des secteurs.

La tension sur les recrutements est donc bien réelle, et la baisse du chômage ne fait que la renforcer. Face à ce phénomène, les entreprises sont confrontées à la nécessité de trouver des stratégies pour attirer et retenir les salariés.

 

Peut-on mesurer le quiet quitting dans l’entreprise ?

Il est difficile d’imaginer des indicateurs objectifs permettant de mesurer le fait que les collaborateurs fassent uniquement leur travail et rien de plus. Les variations du nombre d’heures supplémentaires déclarées pourraient éventuellement donner une indication, mais la dernière étude de la Dares sur le sujet date de 2019 avec des données de 2016. Par ailleurs il serait difficile d’en déduire quoi que ce soit, le nombre d’heures supplémentaires dépendant de plusieurs facteurs.

Le plus simple reste de poser la question aux salariés. C’est ce qu’ont fait les Makers en confiant à l’Ifop le soin de réaliser une enquête sur la question, à l’automne 2022. Il s’agissait de préciser son accord ou son désaccord avec la proposition suivante : « Personnellement, je fais mon travail mais je refuse les heures supplémentaires, d’être sollicité en dehors de mes heures de travail ou d’assumer des responsabilités ne faisant pas partie de mon poste. » Résultat : 37% se sont dits plutôt ou tout à fait d’accord avec cette phrase. Et 45% déclarent ne travailler que pour l’argent, soit 12 points de plus qu’il y a 30 ans.

Que s’est-il passé ? Toujours selon l’étude, pendant la même période, la part des salariés qui considèrent qu’ils donnent plus qu’ils ne reçoivent dans leur travail a doublé, passant de 25% à 48%. Derrière la notion de quiet quitting, il y aurait donc un problème majeur de reconnaissance.

Parallèlement, selon la Fondation Jean Jaurès, 86% des Français continuent à considérer que le travail occupe une place « très » ou « assez » importante dans leur vie. Mais ils ne sont plus que 24% à juger cette place « très importante », contre 60% en 1990. Il y a donc bel et bien un rééquilibrage des priorités entre vie personnelle et vie professionnelle. Cela peut contribuer à expliquer le « quiet quitting », ou à tout le moins un moindre investissement dans le travail.

 

La formation continue est-elle un moteur d’engagement ?

En soi, il n’y a rien d’anormal ni d’inquiétant à ce que les salariés souhaitent bien séparer travail et vie privée, et ne pas se laisser dévorer par leur vie professionnelle. Simplement, le management doit tenir compte de ces évolutions, et se transformer en conséquence : valoriser l’autonomie, la confiance, les leviers d’action positifs. Il s’agit, en somme, de comprendre l’engagement comme un levier d’amélioration qualitative du travail, et non  plus d’expansion des horaires de présence au bureau.

En quoi la formation professionnelle est-elle un moyen de lutter contre le quiet quitting et de développer l’engagement ? En soi, si l’on en croit Thomas Chardin, « la formation fait partie des ingrédients essentiels de la marque employeur, mais elle n’apparaît pas comme un facteur direct d’attractivité ». Elle peut cependant être un facteur d’engagement via au moins 4 leviers.

 

4 leviers par lesquels la formation lutte contre le quiet quitting

Levier n°1 : l’amélioration de la qualité de vie au travail

Former ses salariés, c’est leur donner les moyens de faire leur travail. Or, le manque de moyens figure parmi les principaux facteurs favorisant les risques psychosociaux et le stress au travail. Se sentir dépassé par la tâche, ne pas pouvoir accomplir correctement ses missions, conduit à une baisse de la satisfaction au travail et à une démobilisation.

La formation, dans ce contexte, est à la fois un facteur de reconnaissance (« tu es capable de ce travail et nous investissons dans l’amélioration de tes compétences »), de confiance et de bien-être au travail.

Levier n°2 : les perspectives professionnelles

La formation est également synonyme de perspectives d’évolution professionnelle. Elle est souvent proposée à l’occasion de mobilités internes, au moment d’un changement de fonction. C’est un levier essentiel. En effet, selon une publication de KPMG/Usbek & Rica, 64% des salariés français pensent que leur qualité de vie au travail s’améliorerait s’ils bénéficiaient d’une augmentation de salaire et/ou d’une promotion. Le salaire et les perspectives professionnelles apparaissent donc encore comme les principaux leviers de mobilisation des collaborateurs.

Le lien entre revalorisation salariale et formation est loin d’être systématique, et moins encore immédiat. Cela s’explique notamment par le fait qu’une partie importante des formations vise à l’entretien des compétences. Dans le contexte d’une mobilité interne ou d’une reconversion, cependant, la formation a davantage de chances de conduire à une augmentation de salaire, au moins à moyen terme. En clair, le fait qu’une entreprise forme beaucoup est souvent perçu comme révélateur d’une organisation dynamique, dans laquelle les collaborateurs ont des perspectives de progression. La capacité à se projeter dans l’avenir est également un facteur d’épanouissement et de satisfaction au travail.

Levier n°3 : le sens et l’intérêt

La formation stimule par ailleurs l’intérêt intellectuel et émotionnel du travail. Apprendre de nouveaux gestes, améliorer sa pratique, acquérir de nouvelles connaissances voire un nouveau métier : tout cela contribue à scénariser la vie professionnelle de façon attractive et dynamique. Se former maintient et développe le lien affectif avec le travail.

Selon une enquête de L’Étudiant (confirmant celle de KPMG citée plus haut), les jeunes diplômés sont d’abord attirés par la rémunération dans une offre d’emploi. Mais l’intérêt de lu travail et des projets proposés vient en 2e position, cité par 73% des répondants. Maintenir cet intérêt dans la durée passe, le plus souvent, par un accès récurrent à la formation.

Levier n°4 : l’empowerment

Dans les grandes entreprises, les LMS/LXP donnent de plus en plus souvent accès à des contenus de formation riches et variés sous divers formats. Parfois, ils permettent également aux salariés de produire leurs propres contenus de formation pour transmettre leurs connaissances en interne. Cette offre interne fait partie des atouts valorisés par les RH dans les processus de recrutement et dans la communication interne et externe sur la marque employeur.

Cet accès ubiquitaire à la formation va souvent de pair avec un management décentralisé, qui laisse beaucoup de liberté aux collaborateurs dans le développement de leurs compétences. Or, l’autonomie et l’empowerment, la capacité à influer sur ses conditions de travail, font partie à la fois des facteurs reconnus de qualité de vie au travail et des attentes exprimées par les salariés.

 

A l’heure de l’organisation hybride, le management pyramidal et le command and control reculent au profit d’approches plus participatives fondées sur l’autonomisation des salariés. Dans ce contexte, le quiet quitting est en réalité le symptôme des nouvelles attentes des salariés : respect de la vie personnelle, refus d’un management déshumanisant, besoin de perspectives et d’un travail stimulant. La formation et le développement des compétences apportent des réponses à l’ensemble de ces enjeux. A condition d’avoir les moyens de déployer une politique ambitieuse en la moyenne, ce qui peut passer par l’externalisation des aspects les plus techniques et chronophages de la fonction.

Crédit photo : Shutterstock / Ivan Marc

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