Le feuilleton des aides à l’alternance se poursuit, sur fond de resserrement budgétaire et d’instabilité ministérielle. Depuis le 1er janvier, les entreprises de 250 salariés et plus ne peuvent plus prétendre à aucune aide. Un prochain décret devrait bientôt rétablir un financement pour ces entreprises, à hauteur de 2 000 € (contre 6 000 € précédemment). Une étude de la Dares vient par ailleurs de montrer que les entreprises de 250 salariés et plus ont massivement recours à l’embauche d’alternants – même si les PME, prises ensemble, en demeurent de loin les premiers employeurs.
Aides à l’alternance : où en est-on ?
La situation fin 2024
La situation début 2025
La situation après le décret à paraître
Les grandes entreprises recrutent 23% des alternants
Aides à l’alternance : où en est-on ?
En remaniant avec le décret du 29 décembre 2022 l’aide exceptionnelle à l’alternance (apprentissage et professionnalisation) mise en place dans le cadre de la crise sanitaire, le gouvernement annonçait il y a deux ans une stabilisation de cette aide à 6 000 € pour tous les employeurs (sous conditions au-delà de 250 salariés), pour la première année de contrat de chaque alternant embauché. Il était assuré aux entreprises que l’aide serait pérennisée jusqu’à la fin du mandat, soit 2027.
Mais aucun texte n’est venu traduire légalement cet engagement dans la durée. Pour les entreprises de 250 salariés et plus (et aussi pour les autres dans certains cas), la reconduction de l’aide était suspendue à un décret annuel. Cette reconduction a bien eu lieu en 2024 (même si les contrats de professionnalisation sont sortis du périmètre en mai). Pour 2025, le décret est toujours attendu. Mais il est déjà clair que la promesse d’une reconduction à l’identique de la mesure jusqu’en 2027 ne sera pas tenue.
Nous avons retracé ici l’historique du champ et du montant de l’aide exceptionnelle à l’alternance.
La situation fin 2024
Du 1er mai au 31 décembre 2024, une aide de 6 000 € était versée pour chaque embauche d’apprenti à l’ensemble des entreprises. Les embauches en contrat de professionnalisation ne sont plus concernées depuis le 1er mai 2024.
L’aide était attribuée sans condition aux entreprises de moins de 250 salariés.
Pour les entreprises de 250 salariés et plus, elle était soumise à une condition supplémentaire, quasi identique à celle qui détermine la sujétion à la Contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) : employer 5% d’alternants, d’alternants embauchés en CDI l’année suivant la fin de leur contrat d’alternance, de jeunes en Cifre ou en VIE ; ou employer 3% de cette catégorie de salariés et augmenter leur nombre de 10% dans l’année qui suit. (La différence avec la condition de sujétion à la CSA étant l’inclusion des VIE dans les effectifs considérés).
Autre condition : les apprentis devaient avoir moins de 30 ans à leur embauche (ce qui est la règle en apprentissage), et préparer à un diplôme de niveau bac+5 au maximum.
Rappelons aussi que depuis 2023, aucune aide n’est plus attribuée pour les 2e et 3e années d’alternance.
La situation début 2025
Le non-vote du budget a entraîné une situation complexe. L’aide à l’apprentissage (la professionnalisation n’étant plus concernée) est codifiée de deux façons différentes, même si les deux trouvent leur origine dans le décret du 29 décembre 2022.
- Pour les entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent des apprentis pour des formations de niveau bac au maximum, l’aide est intégrée au code du travail, à l’article L6243-1. Le montant en est précisé par voie réglementaire, ce qu’a fait le décret du 29 décembre 2022 en modifiant l’article D6243-2 du code du travail, sans limite dans le temps. Il n’y a donc pas besoin de nouveau texte pour prolonger l’aide.
- Pour les entreprises de 250 salariés et plus, mais aussi pour les entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent des apprentis pour des formations de niveau bac+1 à bac+5, le décret du 29 décembre 2022 fixait une date limite au 31 décembre 2024. Un nouveau texte est nécessaire pour la prolonger.
En conséquence, depuis le 1er janvier 2025 :
- Les entreprises de moins de 250 salariés continuent à bénéficier de l’aide de 6 000 € pour l’embauche d’apprentis, pourvu que ceux-ci préparent des formations de niveau bac au maximum. Elles ne bénéficient plus d’aucune aide pour les embauches d’apprentis visant des formations supérieures au niveau bac.
- Les entreprises de 250 salariés et plus ne peuvent plus prétendre à aucune aide pour l’embauche d’apprentis.
Selon le ministère du travail, moins du tiers des effectifs habituels d’apprentis embauchés continue donc à pouvoir prétendre à une aide, en attendant le nouveau décret.
La situation après le décret à paraître
Le ministère du Travail a publié un communiqué de presse le 30 décembre 2024 annonçant la publication prochaine d’un décret revoyant les aides à la baisse.
Les montants devraient être les suivants :
- 5 000 € (au lieu de 6 000 €) pour les entreprises de moins de 250 salariés.
- 2 000 € (au lieu de 6 000 € en 2024, et de 0€ en janvier 2025) pour les entreprises de 250 salariés et plus, sous les mêmes conditions que précédemment.
L’embauche d’apprentis en situation de handicap continuerait à donner droit à 6 000 € d’aide, cumulables avec les autres dispositifs existants.
En tout état de cause, il faut attendre la publication du décret définitif pour connaître les détails. Une chose est certaine : le montant de l’aide sera réduit, en particulier pour les entreprises de 250 salariés et plus.
Les grandes entreprises recrutent 23% des alternants
Justement, une analyse publiée par la Dares en décembre 2024 nous donne une idée plus précise du poids des différentes tailles d’entreprise dans l’emploi des apprentis. A tout le moins, sur la situation en 2021. Les données ont pu évoluer depuis, sous l’effet précisément des aides exceptionnelles, mais nous n’avons malheureusement pas d’éléments précis à ce stade.
Premier enseignement de l’étude : plus on s’élève dans les tranches d’effectifs, plus les entreprises sont nombreuses à recourir à l’alternance. Seules 13% des TPE ont recruté un alternant en 2021, contre 92% des entreprises de 250 salariés et plus. Dans les grandes entreprises, l’alternance fait donc véritablement partie de la panoplie des contrats de travail.
Source : Dares
Pour autant, les grandes entreprises ne représentent que moins du quart du total des alternants recrutés. L’étude ne nous donne pas directement ce chiffre, mais les données mises à disposition par la Dares contiennent à la fois le nombre d’employeurs dans chaque tranche d’effectif et le nombre moyen d’apprentis embauchés par les entreprises de chaque tranche ; ce qui permet de calculer le nombre d’apprentis employés par chaque catégorie d’entreprises. Sans surprise, les grandes entreprises prises isolément emploient chacune en moyenne davantage d’alternants (24,1, contre 2,4 en moyenne) ; mais comme elles sont beaucoup moins nombreuses, leur poids dans le recrutement total des alternants est limité.
Les TPE (moins de 10 salariés) et les PME (10 à 249 salariés) représentent ainsi respectivement 38% et 39% des alternants recrutés. Ce qui laisse moins du quart des nouveaux recrutements aux grandes entreprises (250 salariés et plus).
Chiffres Dares
L’étude nous renseigne par ailleurs sur les raisons qui poussent les entreprises à recourir à l’alternance, et sur celles qui les ont incitées à y recourir davantage en 2021 qu’en 2018 (lorsque c’est le cas).
L’alternance reste fondamentalement un mode de recrutement : 63% des entreprises y ont recours pour « pouvoir embaucher quelqu’un de formé à l’issue de la formation ». Parmi les entreprises de 250 salariés et plus, 35% avouent recruter en alternance pour atteindre le quota de 5% et être exonérés de CSA. Seules 31% des entreprises embauchent en alternance simplement pour « bénéficier du travail des alternants ».
Source : Dares
Enfin, parmi les entreprises qui ont accru leur recours aux alternants entre 2018 et 2021, 41% le justifient par les nouvelles aides ou la baisse du coût des formations. Le rôle incitatif des aides à l’alternance était donc déjà largement perceptible.
Il reste à savoir si la poursuite des aides (notamment en 2022, époque où elles ont été le plus étendues) a accru davantage les recrutements en alternance dans les grandes entreprises, les PME ou les TPE. Et surtout, dans quelles proportions leur réduction ciblée va faire baisser le volume des embauches en apprentissage dans les mois qui viennent.
Crédit photo : Mikhail Nilov
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