Le DIF : beaucoup de bruit pour rien ?

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Plus de huit ans après son entrée en vigueur, le Droit Individuel à la Formation (DIF) a fait couler beaucoup d’encre. Il suscite encore de nombreuses questions.

La cour de cassation statue encore régulièrement sur ses modalités d’application. Cette instabilité juridique traduit, et même renforce,  la complexité de mise en œuvre opérationnelle de la mesure. Je me demande parfois si pour des cas particulièrement complexes, le Responsable formation, ne devrait pas lui-même mettre à profit son DIF personnel  pour se former  aux règles de fonctionnement du DIF pour son entreprise… Et d’ailleurs, peut-on faire du DIF pour une formation d’adaptation au poste de travail (catégorie 1)  comme pour une formation liée à l’évolution de l’emploi (catégorie 2) ?

Le DIF continue à être le sujet central de nombreux  articles, billets et échanges sur le net ou In Real Life. Sur ce thème, je vous invite à lire les nombreux commentaires sur le blog de Mathilde Bourdat  à propos du billet « La portabilité du DIF », ou à consulter les questions sur le forum qui porte bien son nom « Le DIF en questions ».

Tout ça pour ça ?

Face à ces problématiques juridiques et techniques, les études récentes mettent en lumière un succès modéré de l’utilisation du dispositif.

Le bilan proposé par le Céreq n’est pas très encourageant. Les résultats enregistrés sur la base des chiffres de la 2483 attestent d’un faible usage du DIF, sans proportion avec les espoirs que le dispositif avait pu faire naître à l’origine.

Le Céreq constate en effet qu’en 2009, seuls 6 % des salariés ont utilisé leur droit, dans un quart des entreprises concernées. L’organisme public précise également que le taux de consommation du DIF est inférieur à 3%*.

Selon l’enquête de Demos, réalisée dans le cadre de la sixième édition des Trophées du DIF, 97 % des 270 salariés interrogés déclarent connaître le dispositif mais moins d’un salarié sur deux dit l’utiliser. D’après l’organisme de formation, la vision du DIF demeure assez sommaire dans les DRH et les entreprises. Elles ne sont par exemple que 30 % à avoir mis en place un catalogue DIF. Le DIF est donc une pratique peu outillée et « processée », avec une appropriation molle de la part des RH. Et on peut les comprendre : la variété des questions légales, administratives, budgétaires et financières incite à la prudence et à la mise sous cloche du dispositif.

La responsabilité des entreprises en question

Le DIF est à l’image de notre législation sociale : complexe, difficilement lisible, anxiogène pour les DRH et chronophage pour les Responsables formation.

Le dispositif revêt-il alors un quelconque intérêt ?
Je pense que le principal bénéfice du DIF se trouve dans sa nature juridique et collaborative. Il conviendrait d’ailleurs de décliner « DIF » en « Droit d’Initiative à la Formation ».  Ce n’est pas en effet un droit à être formé mais un droit à demander une formation. A ce titre, il oblige tout de même l’employeur à traiter le souhait exprimé par chaque collaborateur, d’ouvrir le dialogue sur sa formation, et donc sur son évolution et sa professionnalisation. La marginalité de la pratique s’explique sans doute par une absence de prise en compte de cette dimension négociée du DIF, de la nécessité de co-construire des projets de formation entre l’entreprise et les collaborateurs, d’une communication souvent négligée et trop juridico-institutionnelle.

Le droit à la demande de formation entraîne donc un devoir pour l’employeur et le Responsable formation : celui d’échanger et de communiquer avec chaque salarié qui fait une demande, de poser et de se poser les bonnes questions, de discuter sur le bienfondé de la formation. Pour que le salarié exerce son droit à la formation, la motivation individuelle ne suffit pas. Son environnement professionnel doit également remplir certaines conditions. Ainsi, dans les entreprises qui combinent opportunités de formation pour tous et espaces de discussion, individuels et collectifs, sur la formation, les salariés aspirent davantage à se former.

Le DIF me semble bien cristalliser cette nécessité d’un dialogue et d’un accompagnement des actions individuelles de formation et des projets de l’entreprise, pour que droits et devoirs s’accordent enfin dans une dynamique constructive de développement des compétences.

La vraie difficulté de gestion du DIF ne réside-t-elle donc pas dans son articulation pleine et entière avec la politique de formation ?

 

 

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* Taux de consommation du DIF : rapport entre le nombre d’heures de formations utilisées et le nombre d’heures ouvertes (droit)

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