Compte individuel de formation : le « oui, mais » du CNFPTLV

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Fotolia_48822202_SSuite à la Conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le CNFPTLV a été saisi par le ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage d’une réflexion sur la notion de compte individuel de formation. Ce dispositif est également repris dans l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 sous l’appellation « compte personnel de formation ».

Le groupe de travail du CNFPTLV a rendu ses conclusions le 28 février 2013.

Retour sur les points clés de ce rapport.

 

Le CNFPTLV valide la pertinence de la création d’un compte individuel de formation sous la forme d’un réceptacle permettant de combiner par le salarié propriétaire les trois ressources ci-dessous.

  • L’épargne : « la personne verrait son compte abondé périodiquement de crédits horaires liés à son activité professionnelle. Elle pourrait contribuer à la constitution de son ‘’ épargne‘’, ce que les pouvoirs publics pourraient encourager par une incitation fiscale ».
  • La dotation : « les pouvoirs publics pourraient abonder le compte de crédits en relation avec la nature du parcours accompli en formation initiale ».
  • Le droit de tirage : « le compte individuel pourrait être abondé par une garantie de l’exercice d’un droit, en fonction de décisions relevant d’orientations politiques assignées par les financeurs à des organismes gestionnaires de fonds mutualisés ou bien la personne pourrait solliciter l’intervention de financement collectif en apportant le contenu de son compte ».

 

Ce compte doit matérialiser une nouvelle voie d’accès, lisible par les utilisateurs, que ce soient les personnes elles-mêmes ou les entreprises.

 

Le CNFPTLV émet toutefois des réserves sur un tel dispositif.
En cherchant à modifier les frontières entre la formation initiale et la formation continue, il suppose en effet une évolution notable du modèle français.

Le réexamen progressif des dispositifs existants est nécessaire
Le CNFPTLV considère qu’il n’est pas concevable que le compte individuel vienne s’ajouter à un ensemble de dispositifs (CIF, DIF, VAE, AIF, …)dont la complexité, souvent dénoncée, est sans doute largement responsable des difficultés d’accès à la formation rencontrées par beaucoup. Il convient donc de mieux articuler le compte individuel avec les dispositifs actuels.

Cela soulève de nombreuses questions :

  • De quelle capacité d’initiative dispose le titulaire du compte pour son usage ?
  • Quelle place donner à la contribution individuelle ?
  • Faut-il un seul outil individualisé ?
  • Des droits transférables tout au long de la vie, oui mais comment ?
  • Comment organiser la gouvernance de l’outil individualisé ?
  • Etc.

Le Conseil préconise donc :

  • le recours à des négociations entre les partenaires sociaux articulées avec la troisième étape de décentralisation et la réforme de l’école engagée par le ministre de l’Education ;
  • la création d’une instance quadripartite composée de l’Etat, des conseils régionaux, des organisations patronales et salariées, tout en incluant également les employeurs publics et des représentants des travailleurs indépendants.

Selon le CNFPTLV, ce nouveau compte doit renforcer la capacité de chacun à conduire son projet professionnel en bénéficiant de formations tout au long de la vie grâce à un droit individuel d’accès à la formation compensateur des inégalités.

Pour ce faire, son usage nécessite des garanties collectives :

  • garantie d’information (sur les offres de formation, leurs caractéristiques et leurs résultats),
  • garantie de conseil et d’accompagnement (pour bien construire le projet professionnel et personnel),
  • garantie de financement (pour assurer chacun de voir son dossier traité dans sa globalité),
  • garantie de qualité et d’adéquation de l’offre de formation (charte, certification, agrément, habilitation, …).

La prochaine séance plénière du CNFPTLV aura lieu le 18 mars 2013. Elle sera une nouvelle étape dans la création de ce compte individuel de formation. « Une innovation très importante si elle est bien mise en œuvre », comme le soulignait le président François Hollande lors de son discours à Blois du 4 mars dernier annonçant la réforme de la formation professionnelle dans la continuité de l’ANI du 11 janvier.

Les ministres Michel Sapin et Thierry Repentin devront « organiser une concertation entre les partenaires sociaux dès le printemps pour préparer un projet de loi sur la formation professionnelle et sur l’apprentissage qui devra à tous égards être prêt pour la fin de l’année. »

 

Et du point de vue de l’entreprise…

Il serait sans nul doute dommageable à l’entreprise que cette mesure supplémentaire vienne épaissir le « millefeuille administratif » déjà complexe des dispositifs de formation. Si le compte individuel de formation devait se déployer sans une meilleure articulation avec les dispositifs existants, il s’en suivrait un surcroît de complexité administrative, technique et informatique préjudiciable à l’efficacité de nos services formation.

L’autre risque est d’ordre financier. Accompagner les demandeurs d’emploi dans leur employabilité est sans conteste légitime d’un point de vue macro-économique et sociétal. Mais qu’en est-il du strict point de vue budgétaire pour l’entreprise ? La mise en œuvre de ce dispositif, qu’il conviendra de financer, ne risque-t-elle pas de ponctionner encore plus lourdement les budgets formation des entreprises sans effet micro-économique direct ?

Actuellement, sur les 32 milliards de dépenses totales de la formation, 41% sont apportés par les entreprises contre seulement 15% par l’Etat (cf. La formation dans la presse de janvier 2013). Cette part relative sera-t-elle identique avec l’avènement de ce nouveau compte ?

Quand on constate que le pourcentage de la contribution formation versée par les entreprises à leur Opca devant revenir au Fond paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) est passé de 10% à 13% (cf. Vers la réduction du déficit du FPSPP ?), on est en droit de s’interroger sur la stabilité de la contribution des entreprises à la formation des demandeurs d’emploi.

Des salariés potentiels mieux formés constituent bien évidemment un avantage pour les entreprises françaises mais ce bénéfice doit-il être accompagné d’une nouvelle contribution pour ses organisations qui participent déjà largement à l’effort national de formation redirigé largement – et de plus en plus – vers les demandeurs d’emploi ?

 

Vue positivement, la simplification administrative de la mise en place de ce dispositif alliée à l’augmentation des compétences des salariés tout au long de leur vie ne peut que grandement profitable aux entreprises. Les modalités opérationnelles et légales de ce nouveau compte attendues pour la fin de l’année devront aller dans ce sens.

Et vous, acteurs et opérationnels de la formation, que pensez-vous de ce compte individuel de formation ?

 

 

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Crédit photo : © Frédéric Massard – Fotolia.com

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