Les aides à l’alternance jouent les prolongations

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Les aides exceptionnelles à l’apprentissage et à la professionnalisation initiées à l’été 2020 en réponse à la crise sanitaire ont rencontré un franc succès. Les chiffres de l’alternance en 2021 et 2022 ont battu des records historiques. En 2023, l’aide change de montant et s’unifie, à 6 000 € maximum la première année, que le jeune soit majeur ou mineur. Au passage, l’aide unique aux entreprises de moins de 250 salariés disparaît pour les 2e et 3e année d’apprentissage. Le gouvernement a annoncé que le dispositif, pour l’instant prévu jusqu’au 31 décembre 2023, devrait être renouvelé jusqu’à la fin du quinquennat.

Sommaire
Une nouvelle aide à l’alternance jusqu’au 31 décembre 2023
Entreprises de 250 salariés et plus : une triple incitation financière
L’aide à l’embauche de demandeurs d’emploi de longue durée en contrat de professionnalisation
Objectif : 1 million d’alternants par an
Zoom sur les contrats de professionnalisation

 

Article mis à jour le 8 mars 2023

En savoir plus sur les chiffres de l’alternance

En savoir plus sur le financement de la formation professionnelle pour les entreprises de 50 salariés et plus

Une nouvelle aide exceptionnelle à l’alternance jusqu’à 2027

L’aide exceptionnelle à l’alternance, créée le 24 août 2020 pour relancer la formation et l’emploi après le premier confinement et reconduite plusieurs fois, a changé de forme au 1er janvier 2023, suite à un décret du 29 décembre 2022. Auparavant, les entreprises bénéficiaires recevaient un maximum de 5 000 € pour l’embauche d’un mineur et 8 000 € pour l’embauche d’un majeur, en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, au cours de la première année. Le montant est désormais unifié : les employeurs qui remplissent les conditions de l’aide sont défrayés à hauteur de 6 000 € maximum du salaire versé à chaque apprenti ou salarié en contrat de professionnalisation, majeur ou mineur, la première année.

L’aide unique à l’apprentissage, mise en place par la réforme de 2018 et ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés, disparaît. Les PME ne pourront donc plus bénéficier de l’aide dégressive de 2 000 € la 2e année et 1 200 € la 3e année du contrat d’apprentissage.

Les conditions pour avoir droit à l’aide sont les suivantes :

  • L’entreprise bénéficiaire doit avoir moins de 250 salariés, ou 250 salariés ou plus et remplir certaines conditions (voir ci-dessous).
  • Le diplôme préparé doit être au maximum bac+5.
  • En contrat de professionnalisation, l’alternant doit avoir moins de 30 ans (comme c’est la règle pour l’apprentissage). Il est donc possible de faire un contrat de professionnalisation « adulte » en bénéficiant de  l’aide, si la personne embauchée a entre 26 et 30  ans.

Pour le moment, le décret prévoit cette nouvelle aide jusqu’au 31 décembre 2023. La date faisant foi étant celle de la signature du contrat, l’année scolaire 2023-2024 devrait donc être couverte intégralement. En principe, l’aide sera reconduite jusqu’à 2027, selon les annonces du gouvernement, et malgré les inquiétudes des experts et de la Cour des Comptes.

Selon des chiffres cités sur le site service-public.fr, l’aide permet de financer les proportions suivantes des salaires des alternants :

Apprentis :

  • 100 % pour un apprenti mineur ;
  • 70 % s’il a entre 18 et 20 ans ;
  • 60 % s’il a entre 21 et 25 ans ;
  • Près de 30 % s’il a 26 ans et plus.

Pour les salariés en contrat de professionnalisation, ces ratios s’élèvent à :

  • plus de 50 % si l’alternant est mineur ;
  • plus de 40 % s’il a entre 18 et 20 ans ;
  • environ 30 % s’il a 21 ans ou plus.

Entreprises de 250 salariés et plus : une triple incitation financière

Le principe de l’aide exceptionnelle à l’alternance a peu changé :

  • Le montant s’élève désormais à 6 000 € quel que soit l’âge de l’alternant.
  • Tous les niveaux de formation sont éligibles jusqu’à bac+5 (pas au-delà).
  • Les entreprises de moins de 250 salariés perçoivent l’aide sans condition.
  • Les entreprises de 250 salariés et plus peuvent percevoir l’aide à condition de s’engager à justifier de 5% d’alternants (apprentis, contrats de professionnalisation, VIE, CIFRE) au 31 décembre 2024, ou de 3% avec une progression de 10% entre 2023 et 2024. Elles en bénéficient également si elles ont 3% d’alternants, connaissent une croissance de cette catégorie entre 2023 et 2024 (mais pas nécessairement de 10%) et sont rattachées à un accord de branche qui prévoit, lui, une croissance de 10% de cette catégorie de salariés sur la période.

Concrètement, pour les entreprises de 250 salariés et plus, il y a donc 3 situations possibles :

  • L’entreprise a déjà 5% d’alternants. Dans ce cas, il faut être vigilant à ne pas repasser sous le seuil avant le 31 décembre 2024.
  • L’entreprise est proche du seuil des 5% : l’objectif est d’atteindre ce seuil au 31 décembre 2024.
  • L’entreprise emploie peu ou pas d’alternants. L’aide exceptionnelle peut être l’occasion de développer une politique d’embauche d’alternants, ne serait-ce que pour réduire le montant de la CSA: il suffit d’atteindre 3% de la masse salariale au 31 décembre 2024, en prévoyant une croissance minimale de 10% entre 2023 et 2024. Pour prendre un exemple, une entreprise de 500 salariés qui compte 14 alternants et qui embauche 2 apprentis en 2024 remplit les conditions : elle dépasse les 3% d’alternants (15 pour une entreprise de 500 salariés) et elle réalise une progression de 14% (2/14) de ses effectifs alternants.

Comme nous l’avons précisé, la condition des 10% peut également être remplie à l’échelle de la branche : mais il faut alors faire partie d’une branche qui a signé un accord dans ce sens et que les entreprises du secteur aient connu une croissance de 10% de leurs effectifs alternants. En pratique, il paraît difficile de prévoir que ces conditions seront réunies.

Pour les entreprises de 250 salariés et plus, cependant, l’aide exceptionnelle représente une incitation supplémentaire à dépasser le seuil des 5%. En effet, dès lors que vous dépassez ce seuil :

  • vous cessez de payer la CSA ;
  • vous bénéficier, au-delà de 5% d’alternants, de la créance alternance ;
  • vous bénéficiez au moins jusqu’à fin 2023 des aides à l’embauche d’apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.

Remarque : il existe une ambiguïté sur le périmètre des alternants pris en compte. Selon le décret qui codifie l’aide exceptionnelle, les salariés en VIE comptent pour remplir la condition : il faut atteindre, le 31 décembre 2024, 5% (ou 3%) d’apprentis + contrats de pro + VIE + CIFRE. Or, entre-temps, le 1er janvier 2022, les VIE ont été sortis du périmètre retenu pour l’assujettissement à la CSA : pour ne pas l’acquitter, il faut atteindre 5% d’apprentis + contrats de pro + CIFRE. Il est donc possible que des entreprises qui emploieraient des VIE remplissent la condition pour les aides exceptionnelles au 31 décembre 2024 sans pour autant être exonérées de CSA.

 

L’aide à l’embauche des demandeurs d’emploi  en contrat de professionnalisation

L’aide exceptionnelle est initialement ciblée sur les jeunes – elle a été créée dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ».

Entre le 1er novembre 2021 et le 31 décembre 2022, un autre dispositif a existé, créé par un décret du 29 octobre 2021, ciblant les demandeurs d’emploi de longue durée de 30 ans et plus. Cette aide (qui s’élevait à 8 000 €) n’est plus disponible pour les embauches effectuées depuis le 1er janvier 2023.

Il reste cependant l’aide à l’embauche de demandeurs d’emploi en contrat de professionnalisation de 26 ans ou plus, qui s’élève à 2 000 € et ne cible pas spécifiquement les chômeurs de longue durée (il faut être demandeur d’emploi depuis au moins 6 mois). Bien sûr, entre 26 et 29 ans, l’aide exceptionnelle de 8 000 € est plus avantageuse. Dans un cas comme dans l’autre, il peut s’y ajouter jusqu’à 5 000 € par année de contrat en cas d’embauche d’un demandeur d’emploi en situation de handicap.

À noter que ces embauches comptent pour remplir la condition des 5% d’alternants, vis-à-vis de la CSA et des aides à l’embauche de jeunes en contrats d’alternance.

 

Objectif : 1 million d’alternants par  an

>>Pour des chiffres actualisés, consultez cet article : Il y a 1 million d’apprentis en France : pour combien de temps ?

Dans son communiqué, le ministère affichait un objectif d’1 million de contrats d’apprentissages signés en 2022, après 733 000 en 2022 (711 000 dans le secteur privé). Nous en profitons pour actualiser notre graphique de l’année dernière, qui montre la forte progression des nouveaux contrats d’alternance en 2021 (+33%), malgré la stagnation du contrat de professionnalisation pour les jeunes (-5%).

Embauche des jeunes en alternance dans le privé 2005-2021 - RHEXIS

Chiffres : Dares

La prolongation de l’aide jusqu’à fin 2022 est nécessaire à l’atteinte d’un tel résultat. En effet, les trois premiers mois de l’année montrent une relative stagnation :

Nouvelles embauches en alternance au 1er trimestre 2020-2022

Chiffres : Dares

La courbe de 2022 part au même niveau que celle de 2021, alors que cette dernière était déjà largement au-dessus de celle du premier trimestre 2020. Mais il est vrai que l’aide exceptionnelle n’existait pas début 2020. Surtout, la moitié des contrats d’alternance sont signés en septembre, comme le montre la courbe suivante, et l’atteinte de l’objectif dépendra donc essentiellement des chiffres de la rentrée. Lesquels seront grandement stimulés par la reconduction de l’aide exceptionnelle.

Nouvelles embauches en alternance par mois 2020-T12022

Chiffres : Dares

Zoom sur les contrats de professionnalisation

Comme nous l’avons signalé, le contrat de professionnalisation est accessible aux jeunes de moins de 26 ans mais également aux demandeurs d’emploi de 26 ans et plus. Une partie de ces derniers (les demandeurs d’emploi de longue durée de 30 ans et plus) bénéficient de la même aide que les jeunes. Comment évoluent les embauches respectives de ces deux publics ?

Il semble que le contrat de professionnalisation adulte gagne du terrain :

Entrées en contrat de professionnalisation jeunes et adultes

Chiffres : Dares

L’écart s’est réduit en 2021, et au premier trimestre 2022, les entreprises ont embauché davantage d’adultes que de jeunes en contrat de professionnalisation. Certes, l’embauche des jeunes est saisonnière, comme on l’a vu, et fortement concentrée sur la période de la rentrée. Il n’en reste pas moins que les années précédentes, au premier trimestre, les embauches de jeunes l’emportaient largement.

Il semble que l’aide exceptionnelle ait ralenti la chute du nombre d’embauches de jeunes en contrat de professionnalisation, rendue inéluctable par la concurrence de l’apprentissage suite à la réforme de 2018. Mais il est possible que sa chute reprenne quand et si l’aide est supprimée. En attendant, le recours aux contrats de professionnalisation s’est accru pour les adultes, sans doute sous l’effet des aides ciblant les demandeurs d’emploi. Le développement de l’alternance dans la formation continue des adultes est en soi une bonne nouvelle.

 

L’avenir immédiat de l’alternance semble préservé par la décision gouvernementale de stabiliser les aides jusqu’à 2027, mais le problème de financement risque de se poser à nouveau dans l’avenir. C’est un aspect parmi d’autres d’un sujet plus vaste, celui du financement de la formation en France. Mais c’est un aspect crucial pour beaucoup d’entreprises, les fonds de l’alternance demeurant pour les entreprises de plus de 50 salariés la principale source de financement public après la réforme « Avenir professionnel » de 2018.

Crédit photo : Shutterstock / Watchara Ritjan

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