La formation professionnelle aux programmes de l’élection présidentielle

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Comme nous le constations déjà il y a 5 ans, la formation professionnelle figure rarement parmi les thèmes phares des campagnes présidentielles. Cette année, cependant, le sujet apparaît sensiblement plus développé dans les programmes de certains candidats. D’autres, certes, font l’impasse sur le sujet. Quelle place occupe précisément la formation professionnelle continue dans les différents programmes électoraux, dans l’état actuel de leur rédaction ? Nous les avons décortiqués pour vous.

 

Quels candidats parlent de formation professionnelle ?

C’est désormais officiel : il y a 12 candidats à l’élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022. La liste n’évoluera plus. Les programmes, pour l’essentiel, sont disponibles sur les sites de campagne.

Une exception : le programme du président sortant, dont la candidature n’a été officialisée qu’il y a quelques jours, n’est pas connu. Le thème de la formation n’apparaît pas en tant que tel dans la brève « Lettre aux Français » par laquelle il a annoncé sa candidature. Un rapport sur le sujet réalisé par un Think Tank composé de proches de la majorité a cependant été rendu public au cours du mois de février : nous l’avons analysé ici. Il est très possible que ce document serve d’inspiration au programme d’Emmanuel Macron (La République en marche).

Parmi les 11 autres candidats, 8 ont un propos sur la formation continue et/ou l’apprentissage. Éric Zegmmour (Reconquête !) est le seul parmi les candidats de tête à ne pas aborder du tout le sujet. Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) et Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) n’en parlent pas non plus. Ils étaient déjà silencieux sur la formation en 2017. Deux candidats déjà présents en 2017 ont inclus en 2022 des propositions sur l’apprentissage alors qu’ils ne traitaient pas le sujet il y a 5 ans : il s’agit de Jean Lassalle (Résistons !) et de Nicolas Dupont-Aignan (Debout La France).

Aucun des 8 candidats qui évoquent la thématique « formation continue » ne le fait dans le cadre d’une partie dédiée. Elle est abordée soit dans le cadre des politiques de l’emploi, soit dans celui de l’enseignement supérieur, soit encore dans une partie « jeunes ».

Comme il y a 5 ans, la formation est volontiers invoquée par certains candidats au secours de certaines thématiques : santé, environnement, sécurité, enseignement, luttes contre les discriminations. À chaque fois, il s’agit d’apporter un soutien aux mesures du programme par la montée en compétences des personnels concernés.

Globalement, les programmes des candidats de gauche font davantage de place à des propositions techniques sur la formation professionnelle. L’apprentissage, en revanche, est promu par l’ensemble des candidats quelle que soit leur couleur politique.

Le tableau suivant résume la présence de chaque candidat sur les différents aspects de la formation professionnelle, analysés par la suite. Les candidats sont listés dans l’ordre alphabétique.

Tableau des propositions des candidats à l'élection présidentielle sur la formation professionnelle

 

La gouvernance du système de formation professionnelle

Les propositions des candidats portent peu sur la gouvernance du système de formation professionnelle. Il est vrai que c’est un sujet technique qui ne mobilise pas beaucoup l’électorat.

Au moment de la primaire républicaine, Valérie Pécresse (Les Républicains) affichait la volonté de « débureaucratiser » la formation professionnelle en supprimant France Compétences. Elle souhaitait également attribuer la gestion du système aux régions. Son programme, tel qu’il apparaît en ligne, ne reprend pas strictement ces propositions. Il y est seulement question de confier « les lycées professionnels, oubliés du quinquennat d’Emmanuel Macron, aux Régions ». Avec « un objectif : 100% d’alternance pour les formations en lycée professionnel d’ici 2027 ». La « débureaucratisation » apparaît bien, mais appliquée à l’ensemble des procédures auxquelles sont confrontées les entreprises. Il semble donc que le programme ne soit pas totalement fixé.

Fabien Roussel (Parti communiste) est celui qui développe le plus la question de la gouvernance. Il propose de mettre en place « un nouveau service public unifié de l’emploi et de la formation professionnelle », avec « une mission de sécurisation de l’emploi et des revenus, de formation continue et d’insertion ». Ce service réunirait Pôle emploi, Cap emploi et les Missions Locales. C’est-à-dire… exactement le périmètre de ce qu’on appelle aujourd’hui le « Service public de l’emploi ». L’idée, semble-t-il, est de les intégrer formellement dans un seul et même organisme appliquant « les principes d’une gestion démocratique ». Par ailleurs, ce nouveau service public « assurera les fonctions de certification des organismes de formation et contrôlera le caractère qualifiant des formations dispensées » : on suppose donc que France Compétences sera soit supprimée, soit privée d’une partie de ses fonctions. Par ailleurs, des « conférences permanentes pour l’emploi, la formation, la transformation écologique des productions » seraient organisées au national et dans les différents niveaux territoriaux, réunissant syndicats, associations, élus, patronat, banques, administrations, État. Elles établiraient des objectifs à 5 ans qui inspireraient l’action du service public de l’emploi et de la formation.

Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) appelle quant à lui à la création d’une « sécurité sociale professionnelle » qui, « à côté de la maladie, des accidents ou du chômage, […] couvrira un nouveau risque : celui de la carrière ». Nous verrons plus loin qu’il s’agit davantage de redéployer les outils existants que de toucher à la gouvernance. Il appelle par ailleurs à « rétablir l’encadrement de la création de centres de formation des apprentis (CFA) sous l’autorité des régions », et donc à revenir sur cet aspect de la réforme de 2018. Il souhaite « interdire les diplômes privés professionnels », ce qui en soi suppose une altération significative de la gouvernance, s’il entend par là les CQP.

Yannick Jadot (Europe Écologie – Les Verts) envisage de mettre en place « des conférences nationales par branche pour renégocier les grilles salariales et sur les conditions de travail, les besoins de formation et de compétences, l’adéquation des effectifs dans tous les secteurs concernés. » Le rôle précis de ces conférences dans l’organisation actuelle des politiques d’emploi et de formation n’est pas précisé.

Globalement, les candidats s’intéressent donc peu à l’organisation ou au financement du système : le mot « Opco » n’apparaît pas dans les programmes. Deux candidats (Valérie Pécresse et Fabien Roussel) pensent cependant à supprimer France Compétences. Le rapport du cabinet Quintet n’émet pas de vraies propositions dans ce domaine.

 

La reconversion professionnelle

La plupart des programmes comportent un volet « reconversion professionnelle » : le contexte (pandémie, défi numérique, transition environnementale) rend la formule politiquement pertinente et attractive. L’essentiel du rapport du cabinet Quintet porte sur cette question (voir notre article).

Yannick Jadot veut créer un « contrat de sécurisation des transitions professionnelles », qui sera  « signé par l’État, les entreprises, les partenaires sociaux et les collectivités dans des bassins touchés par une réduction importante d’activité ». Les salariés impactés par les « mutations écologiques, économiques ou industrielles » bénéficieraient d’un « droit à la reconversion » qui se traduirait par des formations avec maintien de la rémunération. Le principe semble assez proche de ce qui existe déjà avec Transco, mais au financement de la formation par les pouvoirs publics s’ajouterait celui de « l’aide à l’implantation de nouvelles filières, l’aménagement des infrastructures et la transformation de l’appareil productif. » Yannick Jadot souhaite en outre « rétablir et consolider » le compte pénibilité, qui permet notamment de financer des formations de reconversion. Celui-ci existant toujours, il s’agirait donc de le réformer, mais le programme ne donne pas plus de précisions.

Valérie Pécresse propose de « transformer le RSA jeune d’Emmanuel Macron en Revenu Jeune Actif », qui consisterait en un revenu de 670€ par mois versé aux « jeunes qui se formeront dans les métiers en tension. » En outre, les allocations chômages seront dégressives au-delà de 6 mois, sauf pour les demandeurs d’emploi qui accepteront de se former dans « les métiers qui recrutent ».

Anne Hidalgo (Parti socialiste) parle simplement de confier aux partenaires sociaux la négociation d’un nouvel accord d’assurance-chômage qui insistera notamment sur la sécurisation des transitions professionnelles, sans autre précision.  Jean-Luc Mélenchon comme Fabien Roussel parlent de maintenir la rémunération des salariés en reconversion, mais envisagent surtout de traiter le problème par la création de filières de formation publiques dans les domaines concernés.

 

Le Compte personnel de formation (CPF)

Mesure phare des réformes de 2014 et 2018, le CPF n’est pas vraiment remis en question en tant que tel.

Fabien Roussel est le seul à mentionner nommément le dispositif : « Le compte personnel de formation, dont le montant sera relevé et déplafonné, sera largement transformé pour qu’il devienne l’outil d’un développement sans précédent de la formation pour toutes et tous. » On comprend donc que le plafond de 5 000 € (ou 8 000 € pour les non diplômés) sera supprimé, et le rythme d’alimentation accru au-delà des 500 € par an (800 € pour les non diplômés). La question du financement n’est pas abordée. Le programme précise également que « Les droits actuels à la formation seront améliorés pour élargir le champ des possibles, changer de carrière ou prendre du temps pour soi. » Cela veut peut-être dire que le CPF pourrait être mobilisé pour n’importe quelle formation, certifiante ou non, mais le point n’est pas précisé.

La « sécurité sociale professionnelle » de Jean-Luc Mélenchon implique de créer une continuité dans « les droits des travailleurs tout au long de la vie, y compris hors du contrat de travail, en les liant à la personne – comme la carte Vitale garantit la continuité du droit à la santé. » Il sera possible aux actifs de « choisir librement leur domaine de formation et élever leurs qualifications ». La logique est donc un peu la même que celle de l’actuel CPF. On apprend cependant que chaque salarié aura « le droit à 36 heures de formation par an ». Supposément, le CPF serait donc à nouveau converti en heures, avec une augmentation des droits, qui s’élevaient avant la réforme de 2018 à 24 heures par an.

Le cabinet Quintet propose d’abonder le CPF des jeunes sans diplômes (titulaires du Bac au maximum) à hauteur de 8 000 à 10 000 €. Il reste à voir si cette mesure sera reprise par le candidat Emmanuel Macron.

Les autres candidats n’évoquent pas le CPF, ni directement ni indirectement.

 

L’apprentissage et l’alternance

À l’exception de Fabien Roussel, tous les candidats ont des projets pour l’apprentissage et l’alternance.

Valérie Pécresse affiche ainsi la volonté de « développer l’apprentissage » grâce à deux mesures :

  • l’exonération de toute charge patronale des entreprises de moins de 10 salariés qui « accepteraient de prendre en charge la formation d’un apprenti ». Prise littéralement, la proposition signifierait que les TPE qui emploient des apprentis ne paieraient aucune charge patronale sur l’ensemble des salaires qu’elles versent. À moins qu’il ne s’agisse d’un simple retour à la situation antérieure à la réforme de 2018, si cette proposition se comprend comme « exonération des charges patronales sur la rémunération de l’apprenti ».
  • l’abaissement à 14 ans de l’âge minimal d’accès à l’apprentissage, actuellement fixé à 16 ans. Les élèves de 3e pourraient ainsi accéder à une forme de pré-apprentissage et s’orienter précocement vers une formation professionnalisante en alternance.

Si Yannick Jadot ne fait que mentionner au passage son « soutien à l’apprentissage », Jean-Luc Mélenchon, comme nous l’avons déjà signalé, souhaite mettre un terme à la libéralisation du système depuis 2018 en confiant à nouveau aux Régions le soin d’autoriser la création des CFA. De plus, la taxe d’apprentissage ne pourrait financer que les établissements publics. Cela pose la question du sort des CFA nés à la faveur de la réforme et du volume de contrats qui en a résulté. Il s’agit d’une re-nationalisation du dispositif de l’apprentissage, sous contrôle régional.

Anne Hidalgo propose de généraliser l’alternance à l’université « à l’ensemble des formations avec l’objectif qu’elle devienne la règle plutôt que l’exception (actuellement 7 % seulement) et ceci quels que soient le niveau de formation et le métier envisagés ». Cela impliquerait un accroissement du nombre de jeunes susceptibles d’être recrutés par les entreprises en alternance, dans un nombre accru de domaines. Encore faut-il que les besoins de recrutement soient à la hauteur.

Marine Le Pen (Rassemblement national) ressort l’idée du chèque-formation, qu’elle avait portée en 2012 et négligée en 2017. Il s’agirait cette fois-ci d’un « chèque apprentissage bénéficiant aux jeunes et aux entreprises ». Cela se traduirait par « une hausse de 230 € de la rémunération mensuelle de tous les moins de 18 ans (et de 330 € pour les 18-25) qui feront le choix de l’apprentissage, de l’alternance ou de la formation professionnelle. Pour l’entreprise formatrice, ce sont 2 750 € ou 4 000 € qui viendront récompenser chaque année son effort en faveur de l’insertion professionnelle de nos jeunes ». Le contrat de professionnalisation serait donc concerné également.

Enfin, Jean Lassalle souhaite aider l’alternance par des aides aux « TPE et PMI » et des mesures de défiscalisation pour les grandes entreprises, tandis que Nicolas Dupont-Aignan veut « doper l’apprentissage » par des mesures incitatives et des assouplissements.

Le rapport du cabinet Quintet propose quant à lui de supprimer l’âge limite de 30 ans pour accéder à l’apprentissage.

 

La réforme de 2018 et la crise sanitaire semblent avoir véritablement transformé le débat sur la formation professionnelle. Sans devenir pour autant un thème central des programmes électoraux, la formation est sensiblement plus présente qu’en 2017 dans les documents de campagne. La communication autour du CPF et de l’apprentissage pendant la crise, mais aussi les retours du terrain qui montrent que les Français sont mieux informés et s’intéressent davantage à leur parcours de formation, ont sans doute joué un rôle significatif dans cette évolution. Une inconnue demeure cependant : la teneur précise du programme du candidat Emmanuel Macron.

Crédit photo : Shutterstock / FoxPictures

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