Lu pour vous : le document d’orientation de la négociation « formation professionnelle »

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Les négociations sur la réforme de la formation professionnelle ont commencé, en s’appuyant sur un document d’orientation gouvernemental rapidement challengé par les partenaires sociaux. Si les principales ambitions – investir massivement dans la formation, promouvoir l’autonomie des parcours, aider les plus défavorisés – font largement consensus, les moyens à mettre en œuvre font débat, tant entre gouvernement et partenaires sociaux qu’au sein même de ces derniers.

 

Un document d’orientation ambitieux

En matière de formation professionnelle, comme nous le rappelions il y a quelques semaines, les réformes empruntent généralement le chemin de la négociation entre les partenaires sociaux. Ceux-ci concluent, lorsqu’ils y parviennent, un accord national interprofessionnel (ANI), que le gouvernement peut utiliser en tout ou partie pour élaborer son projet de loi.

C’est cette méthode qui est suivie pour conduire la réforme qui s’annonce. Les organisations représentatives des salariés et des employeurs ayant exprimé le souhait d’entamer une négociation, le gouvernement est tenu de l’organiser. Il communique pour ce faire aux partenaires sociaux un document d’orientation contenant ses éléments de diagnostic et les pistes de solutions qu’il souhaite que l’on examine.

 

Non pas réformer mais transformer

Le préambule place d’emblée la barre très haut – conformément aux standards de l’exercice. Il s’agit « non pas de réformer, une fois de plus, notre système de formation professionnelle, mais de le transformer », pour accompagner l’entrée dans l’économie de la connaissance.

Le texte fixe trois cibles à la réforme : la compétitivité des entreprises, la maîtrise par chacun de son parcours professionnel, la protection des plus vulnérables. Les acteurs concernés par chacun de ces objectifs sont identifiés :

  • « Investir massivement dans les compétences des salariés », pour « se hisser au sommet de la chaîne de valeur mondiale ». Cette responsabilité revient d’abord aux entreprises – c’est-à-dire aux partenaires sociaux. L’Etat doit cependant « dessiner un cadre légal et financier propice à ce mouvement ».
  • « Donner à chacun la liberté de choisir et la capacité de construire son parcours professionnel ». Cet objectif relève, selon le document, « de la responsabilité conjointe de l’Etat et des partenaires sociaux ». Au programme : financement, qualité de l’offre, transparence du marché et accompagnement des personnes.
  • La formation des publics les plus fragiles est le domaine des « pouvoirs publics, c’est-à-dire l’Etat mais surtout des Régions ».

Le souhait des partenaires sociaux, en particulier du Medef, de s’imposer comme les principaux acteurs de la formation des salariés et des jeunes n’est donc que très partiellement entendu. L’Etat entend continuer à jouer un rôle dans tous les domaines de la formation professionnelle.

 

Cinq champs d’action

Le document énumère ensuite les 5 domaines que le gouvernement souhaite voir abordés au cours de la négociation. Dans chaque partie, le texte commence par esquisser les solutions souhaitées, pour les reformuler à la fin sous forme de questions très orientées (par exemple, dans la partie 1 : « l’unité de mesure en heures des droits de chacun sur son [CPF] n’est pas satisfaisante » devient, en fin de partie, « quelle doit être la nouvelle unité de mesure du CPF ? »).

Les 4 premiers domaines correspondent aux 4 principaux publics de la formation professionnelle :

  • Les salariés : sa « liberté professionnelle » doit être assistée par un CPF revu et corrigé, qui inclue le Cif (congé individuel de formation). Cet outil unique doit être facile à mobiliser, sans intermédiaire ni liste d’éligibilité, accessible via une application qui donnera accès aux offres d’emploi, à l’offre de formation et même aux taux d’insertion dans l’emploi à l’issue de chaque formation.
  • Les demandeurs d’emploi : le rôle des partenaires sociaux est ici envisagé sous l’angle d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) conçue à l’échelle de la Branche. Les entreprises doivent apporter la connaissance du marché de l’emploi et de l’évolution des métiers sur les territoires et dans les branches.
  • Les entreprises : le gouvernement souhaite une redéfinition de l’action de formation et une simplification du plan de formation, notamment par la suppression de la période de professionnalisation. L’accès des TPE/PME à la formation et la participation des élus du personnel à l’élaboration du plan font également partie des questions posées.
  • Les jeunes : sur l’alternance, le document reconnaît les difficultés du contrat d’apprentissage, et rappelle que pour les pallier, « les partenaires sociaux ont développé le contrat de professionnalisation, plus souple, plus réactif, et dont le financement au contrat garantit une meilleure utilisation des fonds publics. » Ils sont invités aujourd’hui à imaginer des solutions pour améliorer l’efficacité de l’ensemble : « es entreprises et les jeunes ne doivent plus tourner autour du système, mais c’est à l’inverse le système lui-même qui doit se mettre à tourner autour des entreprises et des jeunes. »

Le dernier domaine est transversal : il s’agit de la régulation du marché de la formation, par trois moyens :

  • La réforme des certifications professionnelles, en particulier l’accélération des délais d’enregistrement au RNCP ;
  • L’information sur la qualité de l’offre de formation, rendue encore plus nécessaire en cas de « désintermédiation » du CPF. « La plus grande liberté donnée aux individus dans leur choix d’achat de formation exige une plus grande transparence de l’offre de formation. » Le gouvernement suggère une démarche s’appuyant sur le Cofrac (Comité français d’accréditation).
  • L’accompagnement des personnes, via le conseil en évolution professionnelle (CEP), sur l’amélioration duquel les partenaires sociaux sont invités à faire des propositions.

 

Le document d’orientation à l’épreuve des partenaires sociaux

Les syndicats de salariés et d’employeurs qui participent à la négociation n’ont pas tardé à se réapproprier la feuille de route. D’abord pour ce qui est du calendrier : la négociation, selon le document d’orientation, devra avoir abouti fin janvier 2018, pour un projet de loi en avril. Les partenaires sociaux l’ont déjà un peu réaménagé, en annonçant une fin de négociation pour le 16 février 2018.

Ils ont ensuite réorganisé l’ordre des points à aborder, en les classant par thématiques et non plus par publics. Certes le changement est un peu cosmétique : on retrouve les mêmes points, traités dans un ordre différent :

  • L’accompagnement (CEP) est traitée dans le premier point, avec le CPF ;
  • L’alternance vient ensuite, couplée à l’expression des besoins, comme dans le document d’orientation ;
  • La certification et la qualité (les 2/3 du point 5 du gouvernement) sera traitée en troisième ;
  • La GPEC (des entreprises et des territoires) fait l’objet d’un point à part entière (alors qu’elle était traitée avec l’alternance dans le document d’orientation) ; c’est là, peut-on penser, que seront abordées les politiques vis-à-vis des demandeurs d’emploi.
  • Un point nouveau est tout entier consacré à la gouvernance et au financement.

Sur les mesures préconisées par le gouvernement, des divergences avec celui-ci se sont déjà manifestées. Sur le CPF d’abord : la première réunion de négociation, le 24 novembre, a déjà abouti à exclure la « monétisation » du compte. Le CPF continuera à être exprimé en heures et non en euros, dans le projet des partenaires sociaux. La fusion avec le Cif n’est pas balayée, mais toutes les organisations insistent sur la nécessité de maintenir, dans le cadre du nouveau dispositif, un droit à la reconversion, qui suppose des formations et des absences longues (comme le Cif en permet). La même réunion a abondé dans le sens du gouvernement sur la nécessité de renforcer l’accompagnement via le Conseil en évolution professionnelle ; mais les modalités n’ont pas  été précisées.

 

De nombreuses difficultés s’annoncent dans les réunions qui vont suivre. Certains points vont probablement opposer les partenaires sociaux entre eux : le financement, réservé pour la fin, est sans doute le principal d’entre ceux-ci. D’autres risquent de creuser l’écart entre partenaires sociaux et gouvernement : on pense à des sujets de détail comme la suppression de période de professionnalisation, mais aussi et surtout la simplification du CPF, sa désintermédiation, son financement ; sans oublier le contrôle qualité, pour lequel les partenaires sociaux seront tentés de mettre en avant leur propre expertise via Datadock.

Viendra ensuite, si un accord national interprofessionnel (ANI) est bien signé, la phase délicate de la rédaction du projet de loi… Il n’est pas impossible qu’il s’y trouvera des écarts significatifs par rapport à l’ANI.

 

Autres facettes de la réforme

Les régions s’engagent et proposent

Le 8 novembre, les régions ont fait parvenir 18 propositions au gouvernement, par le biais de leur association Régions de France. Inffo Formation n°932 (15-30 novembre 2017) y consacre une double page (pp. 2-3). Les principales orientations portent sur :

  • La gouvernance : mes régions revendiquent un rôle de coordinateur, tant des politiques en direction des demandeurs d’emploi que de l’ensemble des dispositifs, en articulation avec les branches, les entreprises, les partenaires sociaux et Pôle emploi. Elles appellent à un « choc de simplification », qui concentre en une seule instance les 21 schémas de partage existant en matière de coordination Etat-Région sur ces thématiques.
  • Le plan d’investissement des compétences : les régions veulent jouer un rôle actif dans le déploiement du plan gouvernemental, en en coordonnant la déclinaison régionale.
  • L’apprentissage : alors que le document d’orientation semble privilégier les partenaires sociaux pour conduire la rationalisation de l’alternance, les régions veulent conserver la main sur l’apprentissage, voire récupérer la coordination de l’ensemble du système de formation professionnelle initiale.

 

Le plan d’investissement des compétences : les priorités

Le même numéro d’Inffo Formation consacre un dossier au plan d’investissement des compétences (Pic), la composante « formation » du grand plan d’investissement (GPI) lancé par le gouvernement pour la période 2018-2022. Le Pic a été présenté le 25 septembre par Jean Pisani-Ferry (ancien commissaire général de France Stratégie).

  • Le Pic représente au total 14,6 milliards d’euros (sur les 57 milliards du GPI). L’essentiel (13,9 milliards) servira à favoriser l’accès à l’emploi pour 2 millions de personnes (1 million de chômeurs, un million de jeunes décrocheurs).
  • Sur ces 13,9 milliards, 7,1 seront dédiés aux demandeurs d’emploi peu qualifiés. Ils financeront prioritairement des formations longues et certifiantes. L’objectif est d’améliorer le taux de retour à l’emploi de ces publics de 15 points (soit 150 000 chômeurs en moins à la fin du quinquennat).
  • 250 000 formations à distance pour les demandeurs d’emploi devraient être financées sur le quinquennat. Le dossier met en lumière les avantages de la formule (délais d’accès, coût), tout en soulignant la nécessité d’adapter à la fois les cahiers des charges des acteurs publics et la pédagogie, pour éviter le désengagement.

Illustration : fotolia/Daniel Berkmann

 

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