Entretien professionnel : il est (encore) temps !

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Cette fois-ci, on ne plaisante plus : l’entretien professionnel, imaginé en 2003 par les partenaires sociaux, s’impose désormais légalement à tous. Et attention ! Pour les salariés déjà en poste avant le 6 mars 2014, le premier entretien doit avoir lieu avant le 7 mars 2016. Au-delà de la contrainte initiale, l’entretien professionnel a bien vocation à devenir un outil RH à part entière pour la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

 

Une idée ancienne, une obligation récente

L’entretien professionnel était déjà présent, dans une définition très proche de l’actuelle, dans l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003. Le dispositif, qui devait permettre au salarié d’être « acteur dans son évolution professionnelle », n’avait pas été repris dans la réforme de 2004.

La réforme de 2009 a ensuite inscrit dans le Code du travail les bilans d’étape professionnels, qui intervenaient à la demande du salarié, avec une périodicité de 5 ans, dans le cadre d’accords d’entreprise, et obligatoirement après 45 ans.

Des entretiens obligatoires sur l’orientation professionnelle existaient en outre déjà en cas de retour de congé maternité ou de congé parental (depuis 2005) et de congé de soutien familial (depuis 2008).

La réforme du 5 mars 2014 simplifie et rassemble ces dispositifs, tout en créant une obligation. Tout salarié doit désormais bénéficier au moins tous les deux ans d’un entretien professionnel portant sur « ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi » (Code du travail, article L. 6315-1). Tous les six ans, cet entretien prend la forme d’un « état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié », qui vérifie si celui-ci a bénéficié, au cours des 6 ans précédents, d’une formation, d’une certification, d’une VAE, d’une promotion et/ou d’une augmentation de salaire. Dans tous les cas, l’entretien donne lieu à la rédaction d’un document, dont une copie est remise au salarié.

L’entretien professionnel remplace donc le bilan d’étape, mais aussi les entretiens obligatoires en cas de retour de congé maternité, parental ou de soutien familial. Il s’impose en outre au retour de congé d’adoption, de congé sabbatique, d’une période de temps partiel pour éducation d’enfant, d’une « mobilité volontaire sécurisée », d’un arrêt pour longue maladie (au moins 6 mois), à l’issue d’un mandat syndical.

 

Quelles sanctions ?

L’obligation concerne toutes les entreprises, mais seules celles de 50 salariés et plus sont susceptibles d’être sanctionnées. Pour autant, les entreprises de moins de 50 salariés n’en sont pas exonérées : en cas de conflit aux prud’hommes, par exemple, le non-respect de l’obligation pourra être retenu contre l’employeur. D’où l’importance de veiller non seulement à réaliser ces entretiens, mais aussi à transmettre le compte rendu au salarié, et à garder trace de cette transmission.

Les sanctions financières proprement dites ne devraient s’appliquer qu’à partir de 2020. En effet, elles interviennent au moment de l’entretien des six ans, lorsque celui-ci établit qu’au cours de la période :

  • le salarié n’a pas bénéficié de ses entretiens professionnels tous les deux ans ;
  • et/ou il n’a pas fait l’objet d’au moins deux des trois mesures listées par l’entretien des six ans : action de formation, certification ou VAE, promotion ou augmentation.

Si ces conditions ne sont pas remplies, le salarié reçoit 100 heures sur son Compte personnel de formation (130 heures s’il est à temps partiel), et l’employeur doit verser à l’Opca un montant forfaitaire de 30€ par heure, soit 3000€ (3900€ pour un salarié à temps partiel). Ces montants sont doublés en cas de non-versement.

La loi ayant été publiée le 6 mars 2014, le premier entretien professionnel doit avoir été organisé, pour les salariés déjà en poste à cette date, avant le 7 mars 2016. Pour ceux qui ont été embauchés depuis le 6 mars 2014, l’entretien doit avoir lieu dans les deux ans qui suivent leur entrée dans l’entreprise. Tout nouvel embauché doit être informé de ses droits en la matière. Veillez d’ailleurs à garder une trace écrite (courrier, mail) de la convocation à l’entretien professionnel du salarié lui précisant l’heure et le lieu de l’échange. Ce courrier doit lui parvenir idéalement 1 à 2 semaines avant le rendez-vous.

 

Quelle différence avec l’entretien annuel ?

L’entretien professionnel ne doit pas être confondu avec l’entretien annuel d’évaluation.

Ce dernier n’est pas obligatoire, sauf éventuellement dans le cadre d’accords collectifs. Il n’en fait pas moins l’objet d’un certain encadrement par le Code du travail. Il a pour but d’évaluer le plus objectivement possible le travail du salarié, ses qualités professionnelles, l’atteinte des objectifs, et d’en fixer de nouveaux. C’est avant tout un outil de management individuel.

L’entretien professionnel, de son côté, ne peut en aucun cas aborder ces questions : c’est expressément interdit par le Code du travail (article L. 6315-1, « Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié »). L’exercice est tout entier tourné vers le projet professionnel du salarié, ses perspectives d’évolution au sein de l’entreprise, les formations qui pourraient le concerner… C’est un rendez-vous qui sert à faire dialoguer le projet de l’entreprise et celui du salarié, au profit simultané de l’efficacité de l’une et de l’employabilité de l’autre. L’entretien professionnel est donc d’abord un outil au service de la GPEC – même s’il a également des implications en matière de management personnel.

L’entretien d’évaluation relève de la relation hiérarchique entre l’employeur et le salarié, et le Code du travail l’encadre pour vérifier que son déroulement ne nuise pas au salarié. L’entretien professionnel s’insère davantage dans une relation partenariale, et le Code du travail, à l’inverse, le traite comme un droit du salarié, qu’il convient de préserver et de mettre en œuvre.

Même si rien n’interdit, théoriquement, que les deux puissent avoir lieu le même jour, il convient d’éviter toute confusion entre ces exercices.

 

 

À condition d’être intégré dans une politique construite de GPEC, l’entretien professionnel peut devenir un outil précieux au service des RH. Il permet de faire le point sur les compétences de chacun, sur les besoins et les opportunités au sein de l’organisation, bref sur le capital humain et le potentiel de l’entreprise. Le réaliser systématiquement pour l’ensemble des salariés peut s’avérer une lourde charge : autant faire en sorte que cette obligation génère une valeur ajoutée, au profit de la stratégie de formation de l’entreprise.

 

Sélection utile de supports téléchargeables parmi ceux mis à la disposition des entreprises par les OPCA :

 

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Crédit photo : © Imagevector – Fotolia

3 commentaires

  1. barbier sébastien le

    L’entreprise qui réalise les premiers entretiens professionnels après le 8 mars 2016 et qui fait bien trois entretiens professionnels d’ici 2020 sera t-elle sanctionné

  2. Merci pour cet article très complet et surtout les documents mis à notre disposition pour réussir l’entretien professionnel de nos salariés. Ce rendez-vous est un véritable atout pour les entreprises comme pour les employés. Il encourage la communication.

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