« Penser un nouvel écosystème de la formation et des compétences »

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Chef du département formation durant huit ans et aujourd’hui chef de la mission pour l’Accompagnement des Organisations au sein de l’ONF, Alexis Hluszko est le président du Groupement des Acteurs et Responsables de Formation (GARF) depuis février 2014. Il répond à nos questions sur la loi du 5 mars 2014, les nouvelles compétences à développer par le responsable formation et compétences (RFC) et la feuille de route du Garf pour accompagner concrètement cette profession en mutation.


Management de la formation : – Pour vous, la loi du 5 mars est-elle une réforme de la formation ou une réforme RH ?

C’est un abus de langage de parler uniquement de réforme de formation. Il s’agit d’une refonte plus profonde de la GPEC au profit de la stratégie et de la compétitivité des entreprises. » S’il s’était agi d’une loi de renouvellement du contexte de la loi de 1971, son intitulé ne serait pas loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Cette démarche a été engagée par le Président de la République, François Hollande en mars 2013 afin de faire évoluer le dispositif actuel qu’il qualifiait de « complexe, cloisonné et inégalitaire » (cf. Le Monde daté du 06/03/2013). La loi du 5 mars 2014 est le résultat de la jurisprudence actant de la responsabilité de l’employeur sur l’employabilité de ses collaborateurs (pour ne plus déplorer des drames sociaux comme ce que vivent les nombreux salariés de l’abattoir de porcs Gad). Ce nouveau texte intègre également des notions de qualité de vie au travail, de responsabilité sociale d’entreprise, de prévention. C’est une réforme de la GPEC dont la formation est une composante essentielle. Elle met en responsabilité à la fois :

  • les entreprises
  • les salariés
  • les collectivités avec les conseils régionaux (COPAREF)
  • les OPCA et toute la chaine de financement
  • les organismes de formation en repensant leur offre et leur accompagnement
  • les IRP au travers de la sollicitation renforcée des avis des partenaires sociaux
  • les branches

Cette loi – que je trouve très vertueuse – était attendue mais elle tombe mal. Les entreprises traversent, pour un certain nombre, une zone d’incertitudes, de difficultés. Il faudra une gouvernance autour d’une GPEC mais il est difficile de se projeter à 3 ans pour de nombreuses organisations. J’ajoute d’ailleurs que cette réforme signe la fin des formations sur-étagère et le développement des formations sur-mesure. Nous allons vers un développement de la formation interne. Le RF et compétences en sera la cheville ouvrière en impliquant direction, métiers, management et les salariés, de plus en plus attentifs à leur employabilité.

 

Management de la formation : – Vous insistez sur le nouvel intitulé de RF et compétences. Justement, quelles doivent être ses nouvelles compétences ? 

La formation tend à devenir un investissement et l’argent de la fonction sera plus rare et plus cher à l’heure de la digitalisation des entreprises. Une conduite du changement est donc à porter par les responsables formation compétences (RFC). Tel un ensemblier, son nouveau travail de veille et de réseaux doit lui permettre de mieux accompagner les managers et ses collaborateurs. Le RFC doit aborder les actions de formation avec une vision marketing, remettre en cause certains formats pour les adapter aux nouveaux temps dans l’entreprise et en mobilité. Le RFC doit être soutenu et « sponsorisé » par le comité de direction pour cela, c’est aussi à lui de promouvoir le ROI sur les investissements et les apports de la politique de formation.

Pour cela nous devons faire un rapide retour en arrière sur l’évolution des dépenses de formation depuis l’hiver 2008 et la crise. En 2009, les choses commencent à se tendre. Entre 2009 et 2014, certaines compressions des budgets alloués à la fonction sont incontestables mais relatives. Les RF ont fait livrer une rude concurrence entre organismes de formation, challenger davantage les OPCA. L’optimisation budgétaire a été le maître-mot ces cinq dernières années. Pour sauvegarder leurs budgets de la fonction, certaines entreprises avaient d’ailleurs saisi l’opportunité d’externaliser leur gestion de la formation.

On n’a jamais eu autant besoin des acteurs de la formation même si nous sommes parfois dans le viseur comme variable d’ajustement. À nous de monter en compétences et d’être de véritable acteur de la transformation des entreprises en toute humilité dans ce changement total de paradigme. Nous ne sommes pas des tough guy mais d’agiles artisans de l’ingénierie, en prenant en compte le contexte quotidiennement.

 

Management de la formation : – Que fait le GARF pour accompagner cette mutation de la fonction ?

La mise en place du nouveau bureau en février 2014 a permis de proposer une feuille de route 2014-2016. Elle se résume en 3 verbes d’action : influencer, innover, développer.

Concrètement, nous avons organisé un premier cycle d’entretiens le 19 juin dernier à la Maison de la RATP. Puis les 4 et 5 décembre à la Bibliothèque François Mitterrand, se sont déroulés « Les entretiens de la formation professionnelle » (sous le haut patronage et en présence de François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social) pour exploiter et analyser au mieux les décrets avec des préconisations sur la mise en œuvre de la loi. À côté de ces manifestations nationales de nombreux ateliers et conférences ont été organisés dans les groupes régionaux du GARF, lequel compte en Ile de France et en région 32 groupes qui réunissent les 700 adhérents.

Nous avons mis à la disposition de nos adhérents un document type composé de 130 pages. Il leur permet grâce, entre autres, à des fichiers Excel de mesurer l’impact de la réforme sur leur budget et de disposer de modèles de support pour rendre compte de l’entretien professionnel par exemple.

Nous allons ouvrir au printemps 2015, un nouveau site internet. Il s’agit d’un portail grand public avec une partie dédiée à nos membres. Chaque groupe du GARF disposera d’un espace propre et des zones d’échange permettront de mutualiser les bonnes pratiques. Ce nouvel outil repose sur une participation active de notre communauté.

Nous tissons ou reprenons de nombreux partenariats avec Centre-Inffo, la FFP, l’AFREF, l’ANDRH, l’ANACT et également les pouvoirs publics. Nous allons très prochainement créer le conseil scientifique du GARF dans le but de renforcer les collaborations avec des experts du droit social, de la digitalisation mais aussi de l’ingénierie pédagogique et financière et au-delà de ce premier cercle, la participation de différents experts de la recherche, de l’entreprise, de la sociologie des organisations… Pour évoluer dans son fonctionnement et continuer de se développer et d’innover, la formation au service du développement des compétences et du capital humain élargit ses approches ; le GARF s’inscrit bien dans cette logique notamment ici au travers de la création de ce futur Conseil scientifique.

 

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