Le recueil des besoins de formation, en toute liberté

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La rentrée du responsable formation, traditionnellement, est marquée par le retour saisonnier de cet exercice délicat : le recueil des besoins de formation. Nous avons consacré plusieurs articles à la thématique, en évoquant les questions à se poser concrètement avant de se lancer, mais aussi l’évolution récente des pratiques en la matière. Cette année, nous essayons de faire le point sur le cadre, l’objectif et les méthodes à mettre en œuvre pour conduire la démarche du recueil des besoins, moment important de la vie de l’entreprise et de son responsable formation.

 

Plus de liberté, pas moins d’obligations

Les réformes économiques et sociales de ces dernières années (réforme de la formation en 2014, lois Rebsamen et Macron en 2015, loi Travail en 2016…) présentent un point commun : toutes visent, en principe, à donner plus de liberté à l’entreprise. Plus précisément, elles entendent continuer à lui fixer des objectifs et des obligations, à en contrôler le respect, mais laisser davantage de latitude aux acteurs pour choisir les moyens de les atteindre. Il y a un effort de « déformalisation » et de responsabilisation.

C’est en tout cas l’une des idées force de la réforme de la formation de 2014 : faire de la formation professionnelle un investissement et non plus une obligation. La loi Rebsamen sur le dialogue social va dans le même sens, en réorganisant les consultations obligatoires du comité d’entreprise (y compris sur la formation et les compétences, donc) tout en laissant aux entreprises le choix des modalités pour les organiser.

Mais cette liberté porte principalement sur les moyens, et non sur les obligations elles-mêmes : l’employeur continue à être soumis à l’obligation de former ses salariés, et doit en rendre compte au moins tous les 6 ans. Par ailleurs, il doit toujours faire le point tous les ans sur les besoins de formation, même si le calendrier est moins contraignant qu’autrefois.

 

Nouveau cadre…

Rappelons qu’avant la loi Rebsamen (et son décret d’application du 29 juin 2016), la concertation sur les enjeux de formation professionnelle était encadrée, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, par une double échéance, correspondant aux deux réunions obligatoires du Comité d’entreprise sur le plan de formation.

  • La première devait avoir lieu avant le 1er octobre, et porter sur la présentation des orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise (celles-ci devaient avoir été discutées au cours d’une réunion précédente du CE, elle aussi obligatoire) ; sur le bilan des actions du plan de formation pour l’année précédente et l’année en cours ; et sur la façon dont l’entreprise s’était acquittée de son obligation de dépense.
  • La seconde devait se tenir avant le 31 décembre, et porter sur le plan de formation de l’année à venir, sur le congé individuel de formation et sur le Dif. Le recueil des besoins de formation devait donc avoir lieu impérativement avant cette date – et même sensiblement avant, pour donner le temps de convertir les données rassemblées en plan de formation. D’où l’habitude contractée par la majorité des entreprises de procéder au recueil dans le courant de l’été ou au début de l’automne..

Les réformes successives ont modifié ce calendrier, et une partie des obligations. Les 17 consultations obligatoires du Comité d’entreprise sont réunies depuis 2016 en 3 grandes consultations annuelles obligatoires, dont les dates sont libres : l’article D2323-7, qui fixait les échéances pour les consultations formation, a été abrogé. La formation professionnelle est abordée dans deux de ces grandes consultations :

  • La « consultation annuelle sur les orientations stratégiques de l’entreprise » doit porter notamment « sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et sur les orientations de la formation professionnelle » ; elle inclut donc la consultation sur les orientations de la formation, déjà requise auparavant.
  • La « consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi » aborde ces mêmes orientations, telles qu’elles ont été établies à l’issue de la précédente consultation ; le bilan des actions de formation de l’année précédente et de l’année en cours ; le plan de formation pour l’année à venir. Elle inclut ainsi les thématiques des deux grandes consultations « formation » obligatoires de l’ancienne réglementation. L’ordre du jour est allégé des questions d’imputabilité, qui n’ont plus lieu d’être.

 

…mêmes enjeux (ou presque)

Pour autant, il est probable que les entreprises continuent à suivre les mêmes étapes, même si certaines préfèrent utiliser cette liberté nouvelle pour refondre leur calendrier.

Il reste de toute façon pertinent et nécessaire, avant de se lancer dans le recueil des besoins proprement dit, de rédiger une note d’orientation de la formation professionnelle.

Le recueil des besoins reste un passage obligé pour élaborer le plan de formation. Mais il a acquis une dimension stratégique supplémentaire avec la disparition de l’obligation de dépense. Le responsable formation et les managers ont désormais besoin, plus que jamais, de défendre leurs priorités, celles de leur service, celles de leurs salariés, en matière de formation et de développement des compétences. Débarrassé de sa dimension administrative, l’exercice du recueil des besoins prend toute sa dimension : celle d’une réflexion stratégique sur les compétences nécessaires au développement de l’entreprise, sur des marchés en mutation constante.

Notons que les ordonnances présentées le 31 août 2017 pour réformer le code du Travail ne modifient pas l’architecture de ces consultations. Les prérogatives du Comité d’entreprise en la matière passeraient au Comité social et économique appelé à remplacer le CE, les délégués du personnel et le CHSCT.

 

Comment s’y prendre ?

Les guides et les documents méthodologiques pour conduire le recueil des besoins de formation ne manquent pas. Difficile cependant de définir une méthode : le processus choisi dépend de la structure de l’entreprise, de sa taille, de son secteur d’activité, de son stade de développement… Nous nous contenterons ici de rappeler les 3 principaux groupes de questions à se poser pour que l’exercice soit profitable.

  • « Top Down » ou « Bottom Up » ? Les besoins de formation peuvent se concevoir à plusieurs échelles.

Celle de l’entreprise d’abord : les orientations stratégiques peuvent requérir de vastes programmes de formation collectifs, concernant tout ou partie des équipes, comme des séminaires sur les valeurs et la stratégie de l’entreprise ou des formations découlant de nouvelles obligations réglementaires. Ces besoins sont définis au niveau de la direction, et il revient au responsable formation de les traduire dans le plan de formation.

L’échelle du service ensuite : chaque service comporte sa propre combinaison de compétences et ses propres besoins d’évolution. Le travail du manager est de détecter ces derniers, en croisant les compétences/lacunes individuelles et les besoins globaux du service.

L’échelle du salarié enfin, bien sûr : celui-ci a ses propres projets et besoins de formation, qui peuvent correspondre à une évolution au sein de l’entreprise, voire à des souhaits personnels indépendants de la stratégie collective.

Suivant les orientations retenues, le recueil des besoins de formation fera plus ou moins de place à ces différents niveaux ; donnera plus ou moins d’initiative aux salariés ; reposera plus ou moins sur le relais des managers.

  • Quel degré de précision ?

Le recueil des besoins auprès des managers et des salariés peut se faire via des questions ouvertes, ou par le biais de choix dans un catalogue préétabli par le responsable formation. Cette seconde solution a davantage d’efficacité opérationnelle.

  • Par qui, comment, à quel moment ?

Les modalités peuvent varier considérablement. En règle générale, c’est à l’échelon du manager que l’information se concentre. Celle-ci peut venir de plusieurs sources : entretien de professionnalisation, entretien d’évaluation, échanges informels, questionnaire ad hoc envoyé au moment de la campagne de recueil des besoins… Coordonner, sur le calendrier, l’entretien de professionnalisation ou d’évaluation avec le recueil des besoins de formation apparaît comme une démarche logique, mais ce n’est pas toujours si facile à organiser !

 

Une chose est certaine : le recueil des besoins de formation est, plus que jamais, une démarche stratégique et nécessaire, à laquelle il faut accorder d’autant plus de soin qu’elle est moins encadrée. Le risque juridique existe toujours. Le risque économique de perte de compétitivité par obsolescence des compétences est toujours plus présent. Et si l’on en croit le rapport de France Stratégie d’août 2017 sur le lien entre formation et recrutement, les entreprises françaises souffriraient avant tout d’une mauvaise gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et plus particulièrement d’une difficulté à connaître précisément les compétences dont elles ont besoin. Il en résulterait une inadéquation plus élevée qu’ailleurs entre compétences et emploi occupé. Le rôle du responsable formation n’en est que plus stratégique !

 

Crédits photo : Fotolia/dragonstock

 

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