« La formation à distance va se développer » – Geoffrey Michalak, directeur formation chez SGS

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Geoffrey Michalak, après un parcours qui l’a conduit notamment chez Dekra – en France et en Allemagne – a rejoint en janvier 2020 le groupe SGS, en tant que directeur formation et technique sur l’activité « contrôle technique automobile ». Leader mondial dans les métiers du test, du contrôle, de l’inspection et de la certification, SGS compte 100 000 collaborateurs dans le monde et gère en France deux réseaux de contrôle technique, Auto Sécurité et Sécuritest. Ces deux réseaux représentent 31% du marché français.

 

Management de la formation : Pouvez-vous nous présenter votre département formation et ses enjeux ?

Geoffrey Michalak : J’assure la direction technique et formation pour les réseaux de contrôle technique Auto Sécurité et Sécuritest, qui comptent 1 950 centres affiliés et 4 000 collaborateurs. Il ne s’agit pas de salariés de SGS, mais de ceux de nos centres affiliés. Ils sont cependant sous notre responsabilité, du fait que nous détenons l’agrément ministériel pour le contrôle technique. Nous devons assurer leur certification et le maintien de leur qualification.

Notre département formation regroupe 10 collaborateurs. La moitié sont des formateurs qui conçoivent et animent des formations, l’autre moitié s’occupe de l’administration : inscription, financement, recrutement, recherche des profils… Nous travaillons également avec une dizaine de formateurs du GNFA (Groupement national pour la formation automobile), sur certains types de formation, en particulier pour une partie des formations que chaque contrôleur doit suivre chaque année pour le maintien de ses qualifications (20 heures minimum). Les 4 000 contrôleurs du réseau sont à former chaque année : nous nous partageons la tâche.

 

Quel type de formations gérez-vous ?

Il y a une spécificité dans notre métier : la profession est réglementée. Toutes les formations en lien avec le contrôle technique sont encadrées par la réglementation : leur durée comme leur contenu. Quand nous concevons une formation, nous déposons un dossier pour sa validation par le ministère des Transports. La formation des contrôleurs techniques n’est donc pas un marché libre.

Par ailleurs, le fait que ces formations soient à la fois fréquentes et encadrées laisse peu de place à des formations non obligatoires, effectuées sur la base du volontariat. En conséquence, 99% des formations que nous délivrons sont des formations obligatoires.

 

Comment s’est passée votre arrivée à ce poste ?

J’ai pris le poste en janvier, dans un contexte assez standard au départ… Je connaissais déjà le secteur, du fait de mon passage chez Dekra. Mes objectifs, tels que définis en janvier, étaient :

  • Mieux organiser le département formation, dans le cadre de la certification Qualiopi, qui était à l’époque à finaliser dans l’année, avant le 1er janvier 2021. Depuis, nous avons obtenu un an de délai supplémentaire du fait de l’épidémie de Covid-19, mais nous restons pour le moment sur le même objectif.
  • Mettre en place une plateforme de formation à distance à destination de nos contrôleurs. Il s’agit notamment de sortir du domaine de la formation obligatoire pour pouvoir leur proposer des formations complémentaires sur la base du volontariat, sans qu’ils soient contraints à se déplacer.
  • Réfléchir au développement de l’offre de formation. Nous envisageons de recruter et de structurer les équipes, afin d’être en mesure de déployer un réseau de formateurs et de centres au niveau national. Pour le moment nous sommes centralisés au Mans.

Et puis l’épidémie est arrivée…

 

Quel a été l’impact de l’épidémie et du confinement ?

Du point de vue du secteur, je dirais que ça aurait pu être pire. Certes, l’activité a forcément été très affectée dès le 16 mars par les mesures de confinement. Les centres ont été quasiment tous mis à l’arrêt : dans nos deux réseaux, seuls 200 sont restés ouverts, soit environ 10%. Mais cette période de faible activité n’a pas duré très longtemps, les centres ont commencé à rouvrir dès le mois d’avril. Le gouvernement a fait passer le message que les centres de contrôle technique pouvaient fonctionner.

Même s’il y a une tolérance sur les délais des contrôles, l’objectif reste tout de même de les faire en temps et en heure. Début mai, la très grande majorité des centres avaient déjà rouvert, et nous avons retrouvé cette semaine (celle du 11 mai) une activité à peu près normale. Nous n’avons pas subi le confinement aussi durement que d’autres secteurs.

La difficulté a surtout été de mettre en place les mesures sanitaires appropriées pour rouvrir les centres en toute sécurité. Aujourd’hui, il est devenu relativement simple de se procurer les équipements nécessaires (masques, blouses, gel hydro-alcoolique, mais aussi couvre-sièges…). Mais début avril, c’était beaucoup plus compliqué.

 

Qu’est-il arrivé aux formations en cours ou prévues ?

Nous avions beaucoup de sessions planifiées, et nous avons dû tout arrêter dès le début du confinement, comme tous les organismes de formation. Par chance, nous venions de lancer notre plateforme d’e-formation. Nous avons pu l’utiliser pour maintenir à niveau les personnes déjà en cours de formation, en diffusant du contenu à réviser.

En revanche, nous n’avons pas pu commencer des sessions de formation planifiées après le début du confinement. Nous n’avions touché que 300 personnes par le biais de la plateforme depuis son lancement en début d’année. Elle a été bien utile pour continuer à animer les formations commencées, mais il était difficile de la déployer vis-à-vis de personnes qui ne la connaissaient pas encore et qui ne sont pas forcément très habituées à cette technologie.

 

Dans quelle mesure avez-vous pu utiliser la formation à distance pendant le confinement ?

Le fait que nos formations soient réglementaires et validées par le ministère limite notre marge de manœuvre : nous ne pouvons pas changer les contenus comme nous le souhaitons. Nous avons demandé aux autorités dans quelle mesure nous pouvions faire du distanciel, sachant que l’option existe dans la description de nos formations. Mais seule une fraction du temps de nos formations peut faire l’objet d’une telle adaptation. Par exemple, sur 20 heures de formation pour le maintien de la qualification, on ne peut faire que 4 à 6 heures à distance. Pour l’une de nos formations qui se fait habituellement sur deux journées en présentiel, le ministère accepte que l’une de ces deux journées se fasse en classe virtuelle.

La difficulté est que les centres qui viennent de rouvrir ont un niveau d’activité important : il faut rattraper tous les contrôles qui n’ont pas eu lieu pendant le confinement. Leur priorité est d’assurer ce fonctionnement, et ils peuvent difficilement se former maintenant.

De ce fait, en ce qui nous concerne, le gros du volume de formation devrait se faire sur la fin de l’année. Mais pour les sessions qui pourront ou devront avoir lieu avant, nous privilégions la classe virtuelle, qui permet au contrôleur de ne pas se déplacer et de gagner du temps. Nous avons programmé des sessions jusqu’à l’été. Les classes en présentiel se feront à partir de septembre.

 

La période de déconfinement est donc propice au développement de l’e-learning, au moins autant que celle du confinement ?

Oui. Dès lors que les entreprises reprennent, leur priorité, jusqu’à l’été, va être de relancer l’activité, plus que de se former – sauf sans doute dans certains secteurs. Lorsque la formation est indispensable ou obligatoire, le e-learning est une bonne solution. Certes, nos classes virtuelles restent contraignantes : il faut bloquer une demi-journée ou une journée de son temps, on ne gagne que le temps de transport. Il en va autrement pour les modules e-learning que nous souhaitons développer : les stagiaires peuvent s’organiser comme ils le souhaitent pour les suivre, en fractionnant le temps si nécessaire.

Les centres de contrôle technique sont de très petites entreprises (2 personnes en moyenne dans notre réseau). Nous voulons leur permettre de s’appuyer sur notre plateforme, lancée en tout début d’année, en mettant à leur disposition des modules de e-learning. C’est une plateforme Moodle, très flexible, qui peut accueillir des modules déjà existants. Nous y avons adjoint la solution de classe virtuelle canadienne Classilio.

 

En quoi consiste cette offre de formations non obligatoires ?

Il s’agit de modules de perfectionnement technique, relatifs à la connaissance générale des véhicules, à certaines technologies précises liées à certains types de véhicules, à la santé et à la sécurité au travail, notamment en matière de gestion de l’épidémie de coronavirus – les gestes barrières, l’organisation des locaux, l’actualisation du document unique…

Nous souhaitons donner un accès gratuit à tous ces contenus à nos affiliés, sur la base du volontariat ; qu’ils y voient leur intérêt – notamment vis-à-vis des obligations de formation non obligatoire – et participent à ces modules.

 

Avez-vous eu l’occasion de recourir aux dispositifs mis en place par le gouvernement, en particulier les financements FNE-Formation ?

Nos formations étant obligatoires, nous ne sommes pas concernés par ce dispositif. Nous avons posé la question, mais nous ne sommes pas éligibles. En revanche, nous bénéficions, comme avant, de financements de l’Opco mobilité, dans le cadre du plan de formation des entreprises de moins de 50 salariés – nos affiliés étant des TPE. Le financement n’est pas vraiment un problème.

Comment envisagez-vous la suite ?

Dans l’immédiat, nous travaillons sur un plan de reprise d’activité pour notre centre de formation. Nous devons modifier les conditions d’accueil des formations en présentiel, pour pouvoir rouvrir les portes le 25 mai. Nous sommes en train de redisposer les salles, calculer leur volume, faire des plans de circulation…

Le 2e impact sera le recours accru aux formations en e-learning ou en classes virtuelles. La période de confinement nous a permis d’avancer sur ces sujets avec le ministère des Transports. Nous pourrons intégrer du distanciel à l’ensemble de nos formations. Cela va changer pas mal de choses, ne serait-ce que pour nos formateurs, qui devront se former eux-mêmes à ces outils. Ils devront prendre de nouvelles habitudes, préparer les cours différemment. Actuellement, nous essayons d’utiliser nos supports de formation existants pour être réactifs, mais à l’avenir, la dimension distancielle sera prise en compte dès la conception des supports.

Dans un premier temps, nous allons finaliser les formations en cours. Les formations initiales requises pour rentrer dans le métier ont une durée de 9 semaines. Beaucoup de stagiaires sont en plein milieu de la formation. Nous allons reprendre ces groupes là où ils s’étaient arrêtés.

Ensuite, nous nous attèlerons à une autre priorité : la remise à niveau des contrôleurs qui ont perdu leur qualification en début d’année, et qui ont besoin de la retrouver pour retravailler. Les sessions de mars-avril doivent être replanifiées.

Notre inquiétude n’est donc pas d’avoir du public mais de trouver le moyen de l’accueillir !

 

L’accueil du public dans ces conditions est-il gérable ?

Oui, mais c’est compliqué. Nous avons la chance d’avoir des salles assez grandes. D’habitude, nous y accueillons des groupes de 10 à 15 stagiaires. En appliquant le protocole du ministère, nos capacités vont passer à 7 à 10 personnes maximum. J’ai par exemple une formation censée accueillir 13 personnes, je vais devoir la scinder en deux groupes.

Quel sera selon vous le rôle du responsable formation dans le « monde d’après » ?

Il devra réfléchir à comment faire évoluer la manière de délivrer des formations, en particulier de manière digitalisée et à distance. Une grande transformation va avoir lieu. Les entreprises se posent sérieusement la question du télétravail, même s’il existait déjà. Chez SGS, nous avons déjà des espaces partagés, sans bureau attitré, pour les collaborateurs en télétravail qui viennent ponctuellement sur le site. Je pense que ce mouvement va s’accentuer. En contraignant tout le monde, on a créé de nouvelles habitudes ; les personnes les plus réticentes ont vu que c’était possible.

La formation va pouvoir s’intégrer dans ces nouveaux modes de travail, profiter de ces changements de repères. On prendra l’habitude d’éviter les déplacements inutiles. Hier, ça ne nous choquait pas de faire faire 2 heures de trajet à des collaborateurs pour une réunion de ¾ d’heure. Demain ça n’existera plus. On n’imposera sans doute plus aux gens de venir de toute la France pour une réunion qui pourrait se faire à distance.

 

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