Formation professionnelle : un « Jaune budgétaire » de transition

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Le Jaune Budgétaire 2018 sur la formation professionnelle vient de paraître. Un document très attendu cette année : d’une part parce qu’avec lui nous parviennent les premiers chiffres officiels sur l’évolution du système postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme du 5 mars 2014 ; d’autre part parce qu’il plante le décor statistique de la réforme qui s’annonce. Une collecte qui augmente, une dépense totale en baisse à périmètre constant, et plus particulièrement un net recul des financements des entreprises pour leurs salariés… Mais aussi les premières conséquences statistiques de la réforme de 2014 : la dépense directe des entreprises disparaît du radar.

 

La fin des « 32 milliards »

Comme tous les ans au moment de la discussion parlementaire autour du projet de loi des finances (PLF) pour l’année suivante, les services de l’Etat mettent à disposition un volume important d’annexes, désignées par leur couleur en fonction de leur destination : documents bleus pour la synthèse des moyens alloués à chaque mission de l’Etat, oranges pour les financements interministériels, et jaunes pour le récapitulatif de l’effort financier de l’Etat dans chacun de ses champs d’intervention. Parmi la trentaine de « jaunes budgétaires » annexés chaque année au PLF, celui consacré à la formation professionnelle est toujours très attendu des spécialistes de ce domaine.

La version du PLF 2018, qui vient de paraître, est marqués par une nouveauté significative : avec la quasi-disparition de l’obligation de dépense et la suppression de la déclaration 2483, les chiffres de la dépense directe des entreprises de plus de 9 salariés ne sont plus inclus dans le rapport. En 2014, selon le Jaune 2017, cette dépense dite « directe » représentait 6,3 milliards sur les 14,3 milliards de financement en provenance de l’entreprise. Il s’agissait des achats de formation en direct, incluant les coûts pédagogiques, les coûts salariaux et les frais acquittés par les entreprises sans intermédiaire.

La première conséquence est la perte d’un repère, celui des fameux « 32 milliards » de la formation professionnelle… Sans la dépense directe des entreprises, on retombe à 24,9 milliards de dépenses totales. Les comparaisons ont lieu à périmètre constant : les auteurs du rapport ont recalculé les montants des années précédentes. En 2014, on était donc à 25,3 milliards, au lieu de 32.

Sommes-nous donc condamnés à ne plus savoir combien les entreprises dépensent directement dans la formation ? Non, car la Dares conduit une enquête annuelle, Acemo-Dialogue Social, qui intègre des questions sur la formation professionnelle. Les données concernant l’année 2015 devraient être bientôt disponibles.

 

Une dépense en recul…

Considérée dans son nouveau périmètre, la dépense des entreprises et des organismes paritaires en matière de formation professionnelle (y compris l’apprentissage) s’est élevée à 7,7 milliards en 2015. Elle a donc reculé légèrement, de 1,7% en valeur absolue. La part de cette dépense dans le PIB baisse également, et passe de 1,2% à 1,1%.

Malgré l’exclusion de la dépense directe des entreprises, celles-ci demeurent le premier financeur de la formation professionnelle (31%). Néanmoins, leur contribution baisse significativement : presque -4%. La part de l’Etat, troisième financeur (14%), recule encore davantage (-7,1%). A l’inverse, celle des Régions progresse (+3,3%), consolidant leur seconde place (18,7% de la dépense totale). Ce chassé-croisé entre l’Etat et les Régions s’explique en partie par la décentralisation de certaines prestations. Les ménages, eux, ont dépensé un peu plus qu’en 2014, même si leur participation ne représente que 5,6% de l’ensemble.

Les différentes composantes de la dépense des entreprises ont connu des évolutions contrastées. La part dédiée aux contrats en alternance (apprentissage et professionnalisation) a augmenté de 2,4%. Les financements des Opca en faveur des demandeurs d’emploi ont eux aussi connu une hausse (+6,1%). Mais la dépense des entreprises pour leurs salariés en poste a, elle, reculé de 8,7%…

Est-ce là le début de l’effondrement de la dépense de formation, annoncé par certains, suite à la réforme et à la fin de l’imputabilité ? Rien ne permet véritablement de l’affirmer. Le Jaune ne trace en effet que la part de la dépense des entreprises qui transite par les Opca et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Il s’agit des sommes correspondant au financement du Compte personnel de formation, du Congé individuel de formation, de l’apprentissage, de la professionnalisation, du plan de formation des entreprises de moins de 300 salariés, ainsi que des versements volontaires des entreprises (ou des versements prévus dans les conventions collectives). La logique même de la réforme suppose qu’une part désormais plus importante de la dépense de formation est effectuée en dehors de tout dispositif de mutualisation : les entreprises achètent directement les prestations aux organismes de formation, sans intermédiaire.

Il faudra donc attendre l’étude de la Dares pour en savoir davantage. Le Jaune contient habituellement une partie sur la part de la masse salariale des entreprises allouée à la formation : l’absence des données Dares a contraint cette année les rédacteurs à recopier tels quels les chiffres et les analyses de 2014.

 

…mais une collecte en hausse pour les Opca

Traditionnellement, le Jaune contient des données un peu plus actuelles pour la collecte des Opca : les chiffres provisoires de 2016 sont donc disponibles, et il est possible de comparer l’évolution observée entre les deux premières années de la réforme.

Les organismes paritaires collecteurs agréés ont vu leur collecte augmenter de 3,2% entre 2015 et 2016. Cette hausse porte le montant total à 7 milliards, et intervient après 3 années consécutives de légère baisse.

Bonne nouvelle pour les Opca, cette hausse est notamment due à celle des contributions volontaires, qui passent de 1,15 à 1,3 milliard d’euros (+13%). Les premiers signaux pour 2016 sont donc plutôt au vert.

Autre bonne nouvelle, les conventions d’objectifs et de moyens négociées entre l’Etat et les Opca ont permis à ceux-ci de réduire leurs coûts de gestion de 10%, soit 50 M€ économisés entre 2014 et 2016. Ce résultat a été obtenu alors même que les Opca déployaient les nouveaux dispositifs créés par la réforme de 2014. Dans un contexte de remise en cause latente de leur rôle et de critiques récurrentes (et pas toujours très informées) sur leur gestion, les partenaires sociaux tiennent là un argument à faire valoir dans les débats sur la nouvelle réforme.

 

Ce Jaune budgétaire 2018 apparaît  caractéristique de la période de transition que nous traversons en matière de suivi statistique de la formation professionnelle. L’information fragmentaire qu’il fournit sera, espérons-le, complétée bientôt par des chiffres de la Dares mesurant plus directement et plus concrètement la consommation de formation par les entreprises. La réforme de 2014 aura ainsi donné un fruit tardif : une meilleure connaissance de la formation professionnelle, grâce à un traitement statistique dédié, et non plus en produit secondaire de l’exploitation de données administratives !

 

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