Réforme de la formation professionnelle : les négociateurs au milieu du gué

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La première phase des négociations sur la réforme de la formation professionnelle s’est achevée le 20 décembre ; les débats reprennent le 12 janvier, après la trêve des confiseurs. Entre les deux, un texte se peaufine, sous la plume des organisations patronales. Tout se jouera donc en janvier et février, et il est trop tôt pour juger de la physionomie de l’accord. Mais pas pour faire le point sur les échanges, sur les textes proposés par les organisations patronales et la CFDT, et sur la pratique de cet exercice très particulier qu’est la négociation interprofessionnelle.

  

Commencée le 24 novembre 2017, la négociation entre les partenaires sociaux en vue de la réforme de la formation professionnelle a tenu sa 5e séance le 20 décembre. Au cours de cette première phase, les organisations patronales et syndicales ont pu ainsi échanger sur leurs positions respectives, en s’émancipant autant que faire se peut du document d’orientation remis par le gouvernement.

Au cours des 6 réunions qui s’échelonneront à partir du 12 janvier, les partenaires sociaux s’attacheront à construire un accord qu’ils soient susceptibles de signer ensemble, ou majoritairement. La deadline, officiellement, est le 16 février. D’ici là, de nombreuses questions devront avoir été discutées, et des solutions acceptables trouvées et formulées.

 

Un document de travail du patronat sur la réforme de la formation

Lors de cette dernière séance de 2017, les trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) ont pu proposer une trame de travail, tenant compte des positions exprimées par l’ensemble des participants depuis un mois. Le texte se présente donc comme une synthèse des travaux en 5 points :

  • La connaissance des besoins en formation des entreprises, « clé de voûte de la définition des politiques d’entretien et de développement des compétences ». Concrètement, cette priorité doit se traduire par un renforcement des observatoires de branche (qui feraient l’objet d’un financement spécifique bien identifié) ; par une nouvelle définition de l’action de formation ; et par une co-construction des diplômes et des certifications par les branches et les partenaires sociaux, autour d’une CNCP (commission nationale de la formation professionnelle) rénovée.
  • La priorité à l’alternance pour l’insertion professionnelle, avec des branches professionnelles « au cœur de la politique d’alternance » et un financement simplifié. Le mot « apprentissage » n’est pas prononcé, à dessein : la question de la fusion ou du rapprochement professionnalisation/apprentissage est éludée.
  • L’accompagnement des salariés passe par :
    • Un Compte personnel de formation (CPF) « lisible et rénové », qui serve en même temps les objectifs du Congé individuel de formation (CIF) (même si le dispositif n’est pas nommé). Le texte mentionne « les certifications inscrites à l’inventaire et au RNCP » et les formations co-construites avec l’employeur en vue d’une reconversion, sans préciser les conditions de leur éligibilité. Des abondements en heures seraient prévus par accord d’entreprise ou de branche – comme il est déjà possible de le faire.
    • Un droit à l’accompagnement via un Conseil en évolution professionnelle (CEP) adossé au CPF. Ce point a suscité l’inquiétude de la CFDT, qui craint de voir le CEP, aujourd’hui gratuit, devenir payant.
    • Un plan de formation qui devient « plan d’entretien et de développement des compétences », intégrant de nouvelles formes pédagogiques comme la formation en situation de travail. La distinction entre « adaptation au poste » et « développement des compétences » disparaîtrait du plan.
  • Le financement reposerait sur une cotisation en 5 parties :
    • Alternance (avec péréquation interprofessionnelle)
    • Demandeurs d’emploi
    • Projets individuels (CPF et abondements)
    • Financement mutualisé pour les TPE-PME
    • Système de formation : observatoires, ingénierie de certification, évaluation paritaire.
  • Le suivi de la réforme, avec une gouvernance paritaire de sa mise en œuvre et une coopération avec les autres acteurs. La qualité de la formation, curieusement, est reléguée dans cette dernière partie.

 

Des partenaires syndicaux dubitatifs… et un texte alternatif de la CFDT

Au cours de la séance du 20 décembre, les syndicats ont exprimé des réserves sur ce texte. Certains ont souligné sa relative légèreté – mais il ne s’agit que d’un plan. Le choix de mettre l’accent prioritairement sur les besoins de l’entreprise a également été critiqué.

La CFDT a donc proposé un autre texte, un peu plus étoffé, structuré autour des 5 thèmes identifiés par les partenaires sociaux le 17 novembre en amont des négociations :

  • Accompagnement et accès aux droits : on trouve dans cette partie
    • le CEP, qui doit devenir « un service universel et gratuit, renforçant le pouvoir d’agir et favorisant la mise en mouvement de chacun » ;
    • le CPF, dont l’alimentation en heures serait déplafonnée, avec des droits supplémentaires pour certains publics et un « droit à la reconversion » (la dimension « CIF ») ;
  • Alternance : la CFDT cite explicitement l’apprentissage et la professionnalisation, sans préciser la nature exacte du rapprochement entre les deux. Comme dans le document patronal, on souhaite que l’alternance ne soit plus conçue uniquement comme outil de formation initiale. Une redéfinition de l’action de formation est également proposée, suivant une logique analogue à celle du document patronal.
  • Diagnostics des besoins : le syndicat « revendique que la responsabilité de l’employeur soit de même nature que celle relative à la sécurité, par une obligation de prévention », via un diagnostic obligatoire des compétences à conduire par l’employeur. La question des apprentissages serait intégrée à la négociation « QVT et égalité professionnelle ». Le diagnostic se ferait également à l’échelle territoriale, via les observatoires des branches et une concertation avec les collectivités et l’Etat.
  • Certification, qualité et évaluation : la réforme de la certification s’inspirerait du rapport de l’Igas en s’appuyant, là aussi, sur une CNCP renforcée, permettant de mettre fin aux listes d’éligibilité. Le document évoque sans détailler de propositions la nécessité d’approfondir la « démarche qualité de l’offre de formation ».
  • Gouvernance et financement : outre une insistance sur le quadripartisme (syndicats, patronat, Etat, régions) dans la gouvernance, la CFDT souligne à peu près les mêmes priorités de financement que les organisations patronales. Tout au plus est-elle un peu plus explicite (fusion des financements du CPF et du CIF). Elle souligne également la nécessité d’un financement dédié au CEP.

 

En définitive, les textes des deux organisations reprennent peu ou prou les mêmes thèmes dans des ordres différents, avec quelques nuances et quelques nouveautés intrigantes, comme ce droit à la formation conçu comme les obligations de l’employeur en matière de sécurité. Au cours des séances de janvier et février, les positions vont s’affirmer et se confronter de façon plus précise. C’est le ballet lancinant de la négociation interprofessionnelle, si déroutant pour l’observateur extérieur… Avec, en bouquet final, mi-février, un débat sur le financement autour duquel le succès de la négociation va se jouer !

Crédit photo : fotolia/Olivier Le Moal

 

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