Les grandes ambitions du passeport de compétences

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En 2023, l’idée d’un « passeport formation », poussée par les partenaires sociaux depuis 20 ans, va devenir réalité. En venant prendre place au sein de l’interface « Mon Compte Formation », le passeport de compétences sera accessible à tout salarié. Ceux-ci vont-ils se l’approprier ? Les entreprises y ont-elles intérêt ? Que trouvera-t-on dans ce passeport ? A quelles conditions sera-t-il utile ? Nous vous proposons une carte d’identité du passeport de compétences.

Sommaire
Le contenu du passeport de compétences
Le fonctionnement du passeport de compétences
Révolution du marché du travail ou myspace du recrutement ?
Annexe : le Passeport de compétences en 5 dates

Si l’idée remonte à 2003 (sous le nom de « passeport de formation »), le passeport de compétences n’a été inscrit dans la loi qu’en 2009 (sous le nom de « passeport d’orientation et de formation »), avant de se transformer en 2015 en « passeport d’orientation, de formation et de compétences ». C’est également en 2015 qu’est acté le fait que le passeport sera intégré au compte personnel de formation. Fin 2019, la création de l’interface « Mon Compte Formation », avec son appli mobile, ouvre la possibilité, pour la Caisse des Dépôts et Consignation, de développer enfin ce fameux passeport en ligne. Initialement prévue pour 2022, cette option sera finalement disponible en 2023.

Retrouvez l’interview de la ministre déléguée à la formation professionnelle Carole Grandjean sur la réforme de la formation

 

Le contenu du passeport de compétences

Selon le code du Travail, le passeport d’orientation, de formation et de compétences (appelé plus simplement « passeport de compétences ») « recense les formations et les qualifications suivies dans le cadre de la formation initiale ou continue ainsi que les acquis de l’expérience professionnelle » (art. L6323-8).

Avant le lancement de Mon Compte Formation en 2019, le code du Travail indiquait une liste de types de données pouvant être incluses dans le passeport. Depuis, cette liste a été abrogée et une étape supplémentaire vers l’opérationnalité a été franchie : un arrêté du 11 octobre 2019 précise toutes les données qui peuvent faire l’objet d’une transmission automatique au système d’information du CPF. Parmi les organismes habilités à effectuer ces transmissions, on trouve notamment :

  • Les organismes qui gèrent les données sociales (Urssaf, MSA…) ;
  • Les ministères de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur ;
  • Les collectivités qui financent la formation ;
  • Les ministères certificateurs ;
  • Les ministères et organismes à même de certifier les compétences liées à différents engagements bénévoles ;
  • Les établissements de formation supérieure.

Les données recueillies seront rassemblées en 3 blocs :

  • Un bloc « expérience professionnelle », qui comprendra notamment les VAE, mais aussi une variété de données carrières, formation et compétences issues des DSN des entreprises.
  • Un bloc « formation initiale » avec les diplômes obtenus au cours des études.
  • Un bloc « formation continue » qui contiendra les certifications (inscrites au RNCP ou au répertoire spécifique) obtenues au cours de la carrière. Les certificateurs auront l’obligation de transmettre les noms des personnes qu’ils certifient.

Le passeport de compétences inclura par ailleurs le passeport de prévention, qui comprend toutes les formations à la sécurité suivies par le salarié.

 

Le fonctionnement du passeport de compétences

La philosophie du passeport de compétences est de réunir en un seul lieu toutes les données qui attestent de ce qu’a fait, ce qu’a appris, ce que sait faire un individu. C’est une sorte de CV officiel, avec garantie d’exactitude des informations. Son ouverture et sa communication sont entièrement à l’initiative du salarié, mais les données, pour l’essentiel, sont préexistantes.

A partir de 2023 (sans doute en avril), tout titulaire d’un CPF pourra donc ouvrir cet espace « passeport » sur son interface en ligne, et le remplir avec ses diplômes obtenus, ses formations suivies, son expériences professionnelles, ses VAE… On comprend que le système d’information sera capable de préremplir le passeport, et/ou de certifier comme conformes les affirmations des bénéficiaires en matière de carrière et de formation. Y aura-t-il une partie « libre » qui permettra de qualifier certaines étapes du parcours, d’ajouter des éléments déclaratifs ? Ce n’est pas encore très clair.

Le salarié ou demandeur d’emploi pourra choisir de partager son passeport avec des institutions (comme Pôle emploi ou les Opco), avec des organismes de formation ou de bilan de compétences, avec des employeurs (actuels ou potentiels), avec des jobboards ou des réseaux sociaux comme LinkedIn.

 

Révolution du marché du travail ou myspace du recrutement ?

Avec environ 12 millions de membres actifs, soit environ une personne en emploi sur deux, et 25 millions de profils au total, une plateforme comme celle de LinkedIn condamne-t-elle d’avance le passeport de compétences au statut de minitel du marché du travail, de myspace du recrutement ? Pas forcément. A l’heure où les promesses de la blockchain vendent de l’infalsifiabilité décentralisée, le passeport de compétences propose de l’infalsifiable « en dur ». Il ne suffira pas à décrire entièrement un profil, bien sûr. Mais il constituera un socle solide d’informations vérifiées à la source, et même produites par la source. C’est sa grande force.

On peut tout à fait imaginer – et cela fait partie des évolutions prévues – que le passeport puisse être intégré à un compte LinkedIn ou à toute autre solution en ligne de ce type. Après tout, cette dernière entreprise investit lourdement pour détecter les faux comptes, ce qui signifie qu’il y en a. La fiabilité des données fait partie de ses préoccupations commerciales immédiates, et le passeport de compétences apporte incontestablement une partie de la solution.

 

Les entreprises ont tout intérêt à promouvoir l’adoption par les actifs de cet outil. Celui-ci peut s’avérer précieux dans la gestion des compétences et des parcours des salariés en poste, et encore plus intéressant dans le traitement des candidatures en ligne. Avec un double risque : celui de voir renforcée la sélection par le diplôme. Pour une partie d’entre eux, les actifs seront rétifs à partager des informations personnelles, par crainte ou par principe. Ils le seront d’autant plus qu’ils estimeront ne pas avoir le profil de diplôme recherché. Les recruteurs désireux de veiller à éviter le clonage devront donc être vigilants. Bien géré, cependant, le passeport de compétences pourrait bien devenir demain le standard du marché en matière de CV fiable et infalsifiable.

 

Annexe : le Passeport de compétences en 5 dates

Le passeport de compétences, sous le nom de « passeport formation », est au menu du dialogue entre les partenaires sociaux depuis au moins une vingtaine d’années.

2003 : le passeport formation. Les partenaires sociaux inscrivent l’idée d’un passeport formation dans l’accord national interprofessionnel du 3 décembre 2003. L’accord, qui instituait également l’entretien professionnel et la validation des acquis de l’expérience, contient un chapitre dédié au passeport. Son objectif est de favoriser la « mobilité interne et externe ». Grâce à ce document, « chaque salarié doit être en mesure d’identifier et de faire certifier ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes professionnelles, acquises soit par la formation initiale ou continue, soit du fait de ses expériences professionnelles. » La réforme du 4 mai 2004, qui s’inspire de l’ANI, ne reprend cependant pas le passeport formation.

2009 : le passeport orientation et formation, et un modèle de document. Un nouvel accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 complète le contenu du passeport formation et renvoie les salariés à un modèle de passeport établi par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Cette fois-ci, la loi du 24 novembre 2009 traduit la volonté des partenaires sociaux sur ce point dans le code du Travail, en inscrivant dans ce dernier le « passeport orientation et formation » et en actant le principe d’un document-type. Mais la mise en œuvre est renvoyée à un décret qui ne sera jamais publié.

2015 : le passeport d’orientation, de formation et de compétences, digitalisé. La réforme de la formation du 5 mars 2014 crée au 1er janvier le compte personnel de formation. Tout en abrogeant la V1 du passeport, elle intègre la nouvelle mouture comme une possibilité offerte dans le cadre du système d’information du CPF. Cette fois-ci, un décret est bien publié, le 30 décembre 2014. Il précise les informations à caractère personnel qui peuvent être incluses dans le passeport, dans le cadre du CPF, et les conditions d’accès à ces données.

2019 : création de la plateforme Mon Compte Formation. La loi Avenir Professionnel de 2018 ne mentionne pas le passeport formation. En revanche, le décret du 11 octobre 2019, qui porte sur le système d’information du CPF, précise que le titulaire de ce dernier « accède directement aux données à caractère personnel le concernant, en vue de renseigner et mettre à jour ses données à caractère personnel, son dossier de formation et son passeport d’orientation, de formation et de compétences. » Les précisions quant au contenu du passeport sont remplacées par un champ plus général de ce qui peut figurer sur le CPF d’un individu. Un arrêté pris le même jour fait la liste des organismes qui pourront (ou devront) communiquer certaines données pour renseigner le back office du passeport pour chaque utilisateur.

2023 : le passeport de compétences est rendu disponible pour les salariés via leur compte formation en ligne.

Crédit photo : Shutterstock / elenabsl

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