Comment définir une action de formation ?

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La loi « Avenir Professionnel » et les décrets qui ont suivi ont redéfini l’action de formation dans le sens d’une rationalisation et d’une simplification des textes. Il en résulte, pour le responsable formation, des simplifications notables, mais attention : les obligations légales en matière de développement des compétences des collaborateurs demeurent. Plus de liberté, de souplesse d’un côté, mais sans réduire la responsabilité de l’employeur. Principaux points de la définition en cours.

 

Il y a quelques années, nous consacrions une série de deux articles  à la définition juridique de l’action de formation (partie 1partie 2). Une partie des points abordés reste valable, mais la réforme de 2018 a modifié significativement l’architecture juridique entourant l’action de formation. Nous reprenons donc, en les synthétisant, les principaux aspects de la définition.

 

Pourquoi définir l’action de formation ?

A quoi bon définir l’action de formation ? Les trois raisons que nous donnions en 2017 restent d’actualité, même si la portée de deux d’entre elles a changé.

  • Raison n°1 : pour obtenir des financements publics ou mutualisés. Pour faire financer des formations dans son entreprise, il faut être en mesure de démontrer que les actions visées répondent bien à la définition légale de l’action de formation. Ce point ne change pas dans son principe, mais sa portée se réduit : les entreprises de 50 à 299 salariés, qui pouvaient encore, avant la réforme, obtenir des fonds des Opca pour financer leur plan de formation, ne le peuvent plus à l’ère des Opco. Les entreprises de moins de 50 salariés le pourront cependant, et il reste des dispositifs accessibles à toutes les entreprises : contrat de professionnalisation, Pro-A, apprentissage, et, pourvu que le salarié soit d’accord, CPF et CPF de transition.
  • Raison n°2 : parce que former les salariés est une obligation de l’employeur. Cette exigence, exprimée clairement depuis 2004 dans l’artilce L6321-1 du code du Travail, n’est pas touchée par la réforme. L’employeur reste soumis à une double obligation, celle d’assurer « l’adaptation des salariés à leur poste de travail », mais aussi celle de veiller au maintien de son employabilité – en tenant compte notamment de l’évolution des emplois et des technologies.

La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi condamné le 5 juillet 2018 un employeur qui avait refusé à un salarié, malgré ses demandes, la possibilité de suivre des formations lui permettant d’accéder à un niveau supérieur – sachant que sa hiérarchie avait reconnu qu’il en avait les capacités. Le salarié avait pourtant bénéficié de 17 formations courtes, mais liées uniquement à son poste actuel. L’obligation de formation est donc à prendre très au sérieux.

  • Raison n°3 : pour être en règle au moment de l’entretien professionnel des 6 ans. Cette obligation, qui existe depuis 2014, a été simplifiée par la réforme, mais pas assouplie. L’employeur doit toujours organiser un entretien professionnel pour chaque salarié tous les deux ans au maximum, consacré à ses « perspectives d’évolution professionnelle » (article L6315-1 du code du Travail). Une fois tous les 6 ans, l’entretien est l’occasion d’un « état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié ». A cette occasion, on vérifie que le salarié a bien bénéficié d’un entretien tous les deux ans, ainsi que d’au moins une formation non obligatoire. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le non-respect de ces deux exigences entraîne le versement de 3 000€ sur le Compte personnel de formation (CPF) du salarié concerné. La définition de ce qui relève ou non d’une action de formation revêt donc une importance financière palpable pour l’entreprise !

>> En savoir plus sur l’esprit de la réforme de 2018

 

L’action de formation : une définition élargie et rationalisée

La définition de l’action de formation dans le code du travail se fait en trois niveaux :

  • L’objet de la formation professionnelle continue : l’article L6311-1, qui le définit, n’est pas touché par la réforme. Il s’agit toujours de favoriser l’insertion, le maintien dans l’emploi, le développement des compétences et des qualifications, mais aussi « de contribuer au développement économique et culturel, à la sécurisation des parcours professionnels et à leur promotion sociale. »
  • Les catégories d’actions, définies à l’article L6313-1, sont en revanche radicalement revues. L’ancienne rédaction listait une quinzaine de catégories hétéroclites d’ « actions de formation ». Il y a désormais 4 types d’ « actions concourant au développement des compétences », qui sont :
    • Les actions de formation, proprement dites ;
    • Les bilans de compétences ;
    • Les actions liées à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ;
    • Les actions d’apprentissage.

La nouvelle catégorisation privilégie donc une logique de clarté fonctionnelle et juridique. On remarque que l’action de formation devient un moyen parmi d’autres au service d’une fin : le développement des compétences. De même, le plan de formation est devenu plan de développement des compétences.

  • Les modalités d’organisation, indiquées à l’article L6353-1. Il s’agit des caractéristiques que doit comporter une action de développement des compétences pour être considérée comme telle. Il y a deux nouveautés en 2019.

D’une part, la définition de ces modalités n’est plus précisée dans la loi. Elle est renvoyée désormais à la convention de formation, qui doit respecter, pour que l’action soit éligible à des financements publics ou mutualisés, des critères fixés par décret simple. Ce texte du 28 décembre 2018, et se contente de demander qu’une action de développement des compétences « comporte :

1° L’intitulé, l’objectif et le contenu de l’action, les moyens prévus, la durée et la période de réalisation, ainsi que les modalités de déroulement, de suivi et de sanction de l’action ;

2° Le prix de l’action et les modalités de règlement. »

Il s’agit de spécifications de bon sens, assez peu contraignantes.

D’autre part, la réforme intègre explicitement la formation à distance et la formation en situation de travail dans les actions de formation, en renvoyant la définition des critères au même décret du 28 décembre 2018. C’était déjà le cas, à vrai dire, pour la formation à distance, mais les critères ont été sensiblement simplifiés.

>> En savoir plus sur la formation en situation de travail

 

Formation obligatoire ou non obligatoire

Une nouvelle distinction est ajoutée dans la loi : la dimension obligatoire ou non de la formation. L’article L6321-2 définit la formation obligatoire comme « toute action de formation qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires ».

Cette distinction a une double importance :

  • Comme on l’a vu plus haut, lors de l’entretien professionnel récapitulatif des 6 ans, les formations obligatoires ne comptent pas pour la conformité à l’obligation de formation : chaque salarié doit avoir suivi au moins une formation non obligatoire.
  • Les formations obligatoires doivent toujours être réalisées sur le temps de travail. Les formations non obligatoires peuvent être réalisées en partie hors temps de travail, dans la limite de 30 heures par an, ou dans une limite supérieure si un accord d’entreprise est conclu dans ce sens.

>> En savoir plus sur les formations obligatoires

 

Qualité et éligibilité

Pour mémoire, la loi a également modifié deux éléments essentiels de la précédente réforme : la certification qualité et l’éligibilité au CPF.

  • Pour bénéficier de financements publics ou mutualisés, une action de formation doit être délivrée par un organisme référencé par le financeur (via le Datadock pour les Opca/Opco), ou bénéficiant d’une labellisation qualité délivrée par un organisme certificateur lui-même référencé par le Cnefop (aujourd’hui France Compétences). Ce fonctionnement va changer en 2021 : les organismes de formation devront être détenteurs d’une certification délivrée par un organisme accrédité par le Cofrac.
  • Pour les entreprises, cette évolution ne change pas grand-chose, si ce n’est que la vérification de la conformité de l’organisme sera simplifiée : jusqu’à présent, chaque financeur pouvait avoir son système de référencement, ce ne sera plus le cas.
  • Pour être financée par le CPF, une formation devait être inscrite sur une liste d’éligibilité. Depuis le 1er janvier 2019, toutes les formations inscrites au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et au répertoire spécifique (anciennement appelé l’inventaire) sont éligibles.
  • Une simplification importante pour les entreprises qui co-construisent des parcours de formation avec les salariés en utilisant le CPF. Les listes d’éligibilité étaient peu lisibles et très lacunaires. Il suffit désormais de consulter le RNCP et le répertoire spécifique en ligne.

>> En savoir plus sur le CPF et sur ce que la réforme change pour les entreprises

 

La réforme, tout en réduisant l’accès des entreprises aux financements mutualisés, a donc sensiblement simplifié et rationalisé la définition de l’action de formation. Pour autant, l’environnement réglementaire reste complexe et mouvant, et n’a pas fini de requérir toute l’expertise du responsable formation. Une chose est certaine : l’évolution du marché de la formation dans les années à venir ne sera pas ennuyeuse à observer !

Crédit illustration : Sutterstock/Scarlette

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2 commentaires

  1. Bonjour dans votre article il est dit que :
     » C’est à la fois plus simple et plus exigeant : on ne pourra plus dire qu’on a rempli son obligation de formation parce qu’on a financé une formation obligatoire à son salarié ».
    Est ce valable pour les employeurs d’entreprise de moins de 50 salariés?
    Merci beaucoup,

    • Bonjour, oui, très bonne question ! L’obligation de proposer une formation non obligatoire et la sanction associée ne s’appliquent effectivement qu’aux entreprises de 50 salariés et plus. En revanche, les entreprises de moins de 50 salariés doivent bien, elles aussi, organiser l’entretien professionnel tous les deux ans et l’entretien des 6 ans ; si elles ne le font pas, elles peuvent se mettre en difficulté en cas de conflit avec le salarié ou d’inspection. Et même si le bilan des 6 ans ne vise qu’à « apprécier » si le salarié a suivi une formation, bénéficié d’une VAE ou d’une promotion/augmentation, on se doute que le contenu de ces informations aurait du poids aux prud’hommes.

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