Le social learning, ferment de performance pour la formation en entreprise

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On apprend mieux en interagissant avec les autres que seul. Ce constat est au fondement du « social learning », ou apprentissage social. Attention cependant : l’expression ne renvoie ni à une technique ni à une modalité pédagogique précises. On n’achète pas une session de social learning sur étagère. Sans doute serait-il plus pertinent de parler de « dimension sociale de l’apprentissage ». Comment définir celle-ci, et comment la développer dans l’organisation ? Clés et repères.

Sommaire
Le social learning : de quoi s’agit-il ?
Quels sont les différents aspects du social learning ?
Comment introduire le social learning dans la formation en entreprise ?
Quels sont les avantages et les limites du social learning ?
Annexe : quelles sont les origines du social learning ?

 

Le social learning : de quoi s’agit-il ?

Le social learning désigne la contribution à l’apprentissage de nos interactions avec les autres. Nous apprenons mieux en cherchant ensemble, en échangeant les points de vue et les expériences, en élaborant un projet collectif, ou même en se muant tour à tour en formateur des autres pour reformuler ce que l’on est en train d’apprendre. On parle également d’apprentissage par les pairs (peer learning) ou d’apprentissage collaboratif.

En soi, le social learning n’est ni un moyen technique, comme la classe virtuelle ou le blended learning, ni une modalité pédagogique autonome, comme le serious game ou le micro-learning. C’est un aspect de l’apprentissage, qui peut être encouragé et développé dans différents contextes de formation formelle ou informelle, avec ou sans formateur.

Selon Denis Cristol, auteur d’un ouvrage sur le sujet, le social learning, dans son incarnation actuelle, se situe à l’intersection de 3 « courants de recherche » :

  • l’apprentissage collaboratif ;
  • l’apprentissage informel ;
  • l’e-learning.

Développer le social learning dans l’entreprise supposerait donc de conjuguer ces 3 dimensions : utiliser les outils digitaux pour introduire de la collaboration et de la co-construction dans les apprentissages, tout en misant sur la sérendipité de l’informel (les heureux hasards).

 

Quels sont les différents aspects du social learning ?

Le social learning améliore l’efficacité de l’apprentissage de plusieurs façons :

  • Par la multiplication des points de vue. Pour le comprendre, il suffit de penser à notre relation à l’information depuis l’essor des réseaux sociaux. Lorsque nous apprenons une nouvelle par un article de journal, nous sommes « enfermés » dans la narration du journaliste, et dans les limites de son éventuel parti pris et de la ligne éditoriale de son média. Quand nous apprenons la même nouvelle sur les réseaux sociaux, nous sommes souvent immédiatement confrontés aux différentes réactions qu’elle suscite. Nous recherchons l’avis de tel expert sur le sujet, et nous lisons les réponses de ses éventuels détracteurs. Cela ne remplace pas la lecture de l’article : mais nous nous retrouvons avec une nouvelle en mode « augmenté », enrichie de nombreux éléments de contexte et de problématique. De plus, nous pouvons nous-même prendre part à la conversation, demander des précisions, en apporter… nous sommes en plein apprentissage social : c’est la mise en commun du savoir de tous sur un sujet donné. Le formateur, c’est la conversation elle-même.
  • Par la co-construction des savoirs: nous n’arrivons pas tous sur un sujet avec les mêmes connaissances, les mêmes attentes, les mêmes présupposés. Il ne s’agit pas seulement de mettre en commun ce que l’on sait sur un sujet, dans le cadre par exemple d’un échange à distance. La co-construction peut jouer également un rôle lors d’une session de formation « classique ». Le formateur joue alors un rôle de médiateur et d’animateur ; les participants répondent aux questions les uns des autres, le savoir du formateur intervenant ponctuellement pour surmonter une difficulté, préciser un point inconnu de tous, dissiper les idées reçues ou débloquer une situation. La première étape du social learning, c’est peut-être ce moment où, enfant, nous nous risquions à poser en classe une question qui nous paraissait stupide, mais qu’en réalité tous les autres se posaient !
  • La co-construction de projets: de façon analogue, le lancement collectif d’un projet commun dans un domaine nouveau constitue un moyen d’apprendre ensemble. C’est un principe couramment appliqué lors des études supérieures, et qui fonde l’efficacité pédagogique des ateliers ou des « travaux dirigés ». Il peut être reproduit à divers degré dans le cadre d’une session de formation.
  • Par l’adoption de la posture de formateur: expliquer aux autres ce que l’on vient d’apprendre est le meilleur moyens de mémoriser les connaissances. En reformulant les apprentissages récents, nous clarifions nos imprécisions et consolidons le savoir acquis, tout en le transmettant.
  • Par la mise en commun des ressources: l’apprentissage social, c’est aussi, par exemple, le partage en ligne de documents, vidéos, podcasts relatifs à un sujet donné, que ce soit via un outil dédié ou un simple dossier mis en commun sur le cloud.

Toutes ces situations et attitudes relèvent du social learning. Elles ont en commun de ne pas nous laisser seuls face au formateur ou à la ressource pédagogique, mais au contraire de tisser des liens entre les apprenants pour optimiser les apprentissages.

 

Comment introduire le social learning dans la formation en entreprise ?

Le social learning ne correspond pas à un type défini de prestation de formation ; il désigne une posture pédagogique générale, qui peut être mise en œuvre aussi bien de façon informelle que dans le cadre d’un stage de formation. La notion de social learning n’est pas très éloignée de celle d’apprenance : une entreprise apprenante est une entreprise qui favorise la transmission sous toutes ses formes et donc la circulation des connaissances et des savoirs entre les collaborateurs.

Le social learning en actions

Pour développer la dimension sociale de l’apprentissage, les entreprises peuvent notamment :

  • Se doter d’un outil digital de formation, de type LMS ou LXP, qui comporte des fonctionnalités sociales : messageries, espaces de partage de ressources, communautés d’apprenants, modules de création de contenu pédagogique à disposition des collaborateurs…
  • Privilégier les formations qui intègrent une dimension sociale à la pédagogie (quiz, ateliers, jeux…), préparent les sessions en analysant les profils et les connaissances préexistantes au sein du groupe, voire continuent à faire vivre le groupe au-delà de la formation.
  • Favoriser, valoriser et outiller le partage d’informations et de ressources.
  • Promouvoir la formation interne et les programmes de mentoring.
  • Développer une culture managériale favorable à l’innovation, à la transparence, au partage de compétences, à la recherche de complémentarité.

Évaluer l’efficacité du social learning

De par son caractère diffus, le social learning se prête difficilement à l’évaluation ; mais celle-ci n’est pas impossible, même si les indicateurs habituels sont mal adaptés. L’expertise du DRH et/ou du responsable formation a ici son rôle à jouer, pour imaginer les meilleures façons de mesurer l’apport du social learning : nombre de contenus créés en interne, nombre de données partagées, nombre de formations à dimension sociale suivies et taux de complétion/de satisfaction, nombre de communautés de pratiques recensées…

 

Quels sont les avantages et les limites du social learning ?

Les avantages

Les principales raisons pour lesquelles les entreprises cherchent à développer la dimension sociale dans la formation sont les suivantes :

  • L’efficacité pédagogique. C’est la raison d’être première des approches collaboratives de la formation : elles permettent une meilleure appropriation des connaissances.
  • L’engagement et la motivation. Dans le social learning, qu’il soit formel ou informel, l’apprenant est acteur de son apprentissage.
  • La circulation des connaissances. Le social learning permet de capitaliser sur les compétences et les connaissances internes et de les partager au sein des équipes.
  • Le coût. Une organisation qui a mis en place une culture de l’apprenance peut compter limiter ses dépenses de formation externe, même si cet effet n’est pas forcément facile à mesurer.
  • L’apport managérial. La circulation des connaissances et l’habitude de partager les savoirs et les savoir-faire accroît la cohésion des équipes et contribue à la culture managériale.
  • Les gains de performance collective. C’est bien sûr l’objectif final du social learning, même si là encore, il est difficile de chiffrer précisément les gains de productivité liés à cette approche de la formation.

Les limites

Le social learning n’est pas non plus la réponse universelle à toutes les questions de développement des compétences dans les entreprises.

  • Le social learning n’est pas adapté à tout type de contenu. Certaines connaissances doivent faire l’objet d’une transmission verticale d’expert à apprenant. La sécurité d’une centrale nucléaire ne s’invente pas. Des articles de loi doivent être connus précisément. Mais l’animation collective d’une formation, même sur ce type de sujets, peut néanmoins favoriser l’apprentissage.
  • Le social learning ne se décrète pas, et n’est pas forcément facile à organiser. Dans une prestation formelle, il requiert un grand talent de la part du formateur. Dans l’informel, l’émergence de communautés apprenantes ne peut pas se décider d’en haut ; on ne peut que créer les conditions de leur développement spontané.
  • Comme nous l’avons vu, le retour sur investissement du social learning n’est pas forcément facile à mesurer.
  • Le social learning peut se heurter à des réticences culturelles : tout le monde n’a pas envie de participer à un apprentissage collectif, et de quitter le confort de la posture d’apprenant passif.

L’apprentissage social ou collaboratif correspond davantage à une approche culturelle de la formation et de la pédagogie qu’à une formule toute faite que l’on pourrait appliquer. C’est un ensemble de concepts, de méthodes et de pratiques qui vise à optimiser la ressource « savoir et compétences » au sein de l’organisation. Que l’on parle de formation informelle (communautés apprenantes), formelle (pédagogies par ateliers participatifs), interne (création de contenus par les équipes, partage de ressources) ou externe (recours à un formateur/animateur spécialisé), le fait d’injecter du social et de l’interactif dans le développement des compétences ne peut qu’améliorer la performance collective.

Annexe : quelles sont les origines du social learning ?

Selon Denis Cristol, l’expression « social learning » apparaît dans la littérature dans les années 1970, mais dans un sens apparemment différent : il s’agit davantage de l’apprentissage de la socialisation par les publics en difficulté. Les travaux du psychologue canadien Albert Bandura, qui publie en 1976 un ouvrage intitulé Social Learning Theory (la théorie de l’apprentissage social), s’inscrivent dans cette optique, tout un incluant une réflexion pédagogique sur les ressorts de l’apprentissage.

La notion d’apprentissage vicariant

Parmi ceux-ci, Albert Bandura identifie des processus dits « vicariants », par lesquels nous apprenons en regardant les autres faire, mais sans nous contenter d’imiter. Là où le mimétisme, mécanisme pédagogique fondamental, nous permet de reproduire ce que nous voyons ou entendons (comme dans l’acquisition du langage), l’apprentissage vicariant implique la compréhension de ce que fait l’autre et l’observation des conséquences de ses gestes, pour mieux nous les approprier, voire les améliorer. Nous apprenons à travers les autres, pas simplement en imitation.

Les communautés apprenantes

L’anthropologue américaine Jean Lave et le théoricien de l’éducation suisse Etienne Wenger ont théorisé au début des années 1990 la notion de « communauté de pratiques », ou communauté apprenante. Dans les termes de Denis Cristol, « une communauté de pratiques est un système social d’apprentissage possédant une structure émergeante, une capacité d’auto-organisation, des frontières changeantes et une négociation continue des identités et du sens ». Il peut s’agir d’une succession de réunions informelles, de personnes qui se retrouvent à déjeuner, ou aujourd’hui d’un groupe de personnes qui communiquent régulièrement via les réseaux sociaux. Peu importe la forme : c’est l’intérêt commun qui réunit les participants et stimule leur apprentissage collectif.

Le 70-20-10

Par la suite, la popularisation dans les années 1990 de la notion de « 70-20-10 » a donné une base conceptuelle simple et une forme de légitimation à la notion d’apprentissage social. Il s’agit de l’idée selon laquelle nous acquerrions 70% de nos connaissances de façon informelle, 20% dans les interactions avec notre entourage professionnel, et seulement 10% en formation. Ces chiffres se fondent en réalité sur une enquête déclarative réalisée dans les années 1980 auprès de 191 cadres dirigeants, et ne sont pas considérés aujourd’hui comme véritablement probants. Mais le modèle 70-20-10 aura beaucoup fait pour diffuser l’idée – avérée – que les interactions sociales jouent un rôle essentiel dans l’apprentissage.

Le social learning digital

La dernière étape a été l’émergence d’internet, puis des réseaux sociaux et des outils digitaux de travail collaboratif dans les années 2000 et 2010. Le digital, en démultipliant les possibilités d’échanges et de contacts, a ouvert de nouvelles possibilités en matière de social learning : sondages en direct, échanges d’expérience, partage d’information, création de bases documentaires communes… Les outils digitaux font exploser les murs du bureau et de la salle de réunion, permettant à une variété de profils et d’expertises d’entrer dans la conversation.

Crédit photo : Shutterstock / My Life Graphic

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