Luc Vandenboomgaerde (ADP) : « la classe virtuelle est un outil agile et équitable »

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Comment, concrètement, organiser une formation en classe virtuelle réussie ? Quelles sont les conditions pédagogiques et techniques du succès ? Quand et pourquoi faut-il opter pour cette modalité ? Après avoir consacré un article à définir la classe virtuelle, nous avons posé toutes ces questions et d’autres à Luc Vandenboomgaerde, Learning and Performance Consultant au sein du pôle Talent et Formation d’ADP. 

Ayant rejoint ADP en 2001, Luc Vandenboomgaerde est en charge du déploiement des formations linguistiques et techniques informatiques. Il est spécialisé dans la transformation digitale des formations et apporte son expertise dans l’analyse de l’impact des initiatives de formation.

Management de la formation : quelles sont les clés pédagogiques d’une formation en classe virtuelle réussie ?

Luc Vandenboomgaerde : On peut lister quelques conseils :

  • L’avantage de la formation à distance, c’est la facilité de l’accès. Personne n’est obligé de se déplacer, la logistique est beaucoup plus simple. Mais il y a un inconvénient : la communication non-verbale ne passe pas. Mon conseil, c’est de créer les conditions d’interaction à distance. Cela suppose de concevoir un support visuel adapté, en ligne avec la conception du programme à distance, qui nécessitera des compétences fortes d’animation. Il est important de bien préparer la session en amont : prendre connaissance de son public ; envoyer un questionnaire aux participants, en leur demandant leurs attentes, leur background, leur niveau en informatique… Cela permet d’adapter la prestation à la composition de la classe, comme on peut le faire en direct quand on est en présentiel.
  • Le jour J, on fait un tour de table, surtout pour tester l’équipement, et éviter de s’apercevoir au bout d’une demi-heure qu’un participant ne pouvait pas s’exprimer…
  • Il est toujours préférable que le formateur apparaisse en vidéo, il doit se sentir à l’aise avec son image, et cela facilite la communication. Si les participants apparaissent aussi, au moins en photo, c’est un plus : on peut mettre un visage sur chaque nom.
  • Une formation à distance ne doit pas être trop longue. On peut difficilement faire une journée entière de classe virtuelle. Bien sûr, quand il n’y a pas le choix, c’est mieux que rien ; mais d’expérience il est difficile de garder les participants concentrés très longtemps sur une formation à distance. Le mieux est de s’en tenir à 2 heures au maximum. Si la matière requiert plus de temps, il vaut mieux fractionner.
  • La question du rythme est importante : lorsque le formateur parle trop longtemps, l’attention décroche. Toutes les 5 ou 10 minutes, il faut casser le rythme en lançant un quizz, un chat, un petit sondage… pour « récupérer » l’attention des stagiaires, en suscitant un retour de leur part.

 

Quels sont les types de formation les mieux adaptés à la classe virtuelle, d’un point de vue pédagogique ?

Certaines formations de courte durée, avec un fort contenu en information pure, se prêtent particulièrement bien aux classes virtuelles. Le formateur présente l’information et vérifie régulièrement que les stagiaires ont bien compris, en posant des questions. On a dans ce cas environ 80% d’information – par exemple sur une nouvelle loi, un nouveau décret – et 20% de tests de connaissances, sous forme de questions, de quizz, de petits exercices. On est plus dans la passation et l’intégration d’une information que dans l’apprentissage de la pratique d’un outil. La formule permet de toucher un large public, et même d’enregistrer la séance, pour diffusion ultérieure auprès de ceux qui n’ont pas pu y assister.

La classe virtuelle implique un nombre limité de participants : pas plus de 15 ou 20. Si on souhaite conserver un minimum d’interactivité, c’est indispensable. Que les questions soient posées en direct ou par chat, au-delà de 20 personnes, l’interaction est difficile.

 

Quelles sont, à l’inverse, les formations à ne surtout pas délivrer de cette manière ?

Pour les formations de type atelier multiculturel ou jeux de rôles entre participants, ou généralement visant des soft skills, la classe virtuelle n’est pas très adaptée. Dès lors que beaucoup d’interactions sont nécessaires entre les participants, avec des petits groupes qui doivent souvent changer en session, cela devient compliqué. C’est le même principe pour des formations logicielles en initiation, où les stagiaires peuvent arriver avec des historiques techniques différents, et où le besoin d’assistance peut varier beaucoup d’un stagiaire à l’autre.

L’interactivité pose d’autres questions, auxquelles on ne pense pas forcément a priori : en présentiel, par exemple, on sait qu’un participant va s’exprimer un peu avant qu’il prenne la parole… Ce n’est pas le cas en ligne.

Enfin, encore une fois, plus le nombre de participants est élevé, moins les interactions sont faciles.

 

Du point de vue technique, y a-t-il un type de plateforme à privilégier, des fonctionnalités indispensables ?

Les fonctionnalités de partage de caméra et de partage d’écran sont quasi obligatoires. La possibilité de faire des sondages et des quizz également.

Le chat, quand il est disponible, est un atout, même s’il pose un problème d’organisation : le formateur doit-il le gérer lui-même, ou faut-il qu’un assistant s’en occupe ? D’une manière plus générale, il faut se poser la question du rôle du formateur. Doit-il être un expert de la plateforme ?

Le partage de tableau blanc est un plus. Il permet de faire des brainstormings à plusieurs, chacun écrivant ce qu’il veut. Il n’est pas toujours entièrement blanc : dans un contexte international, au début d’une session, on peut montrer une carte du monde sur le tableau blanc, et les participants peuvent mettre une croix pour indiquer leur emplacement. On peut faire beaucoup de choses différentes avec cette fonction.

Il existe aussi des petites fonctionnalités utiles pour organiser l’interaction, comme des icônes qui servent à lever le doigt, demander une pause ou exprimer un état d’esprit.

 

Tous les outils présentent-ils ces fonctionnalités ?

Non, il y en a de plusieurs types.

Il y a les outils qui sont plus orientés sur la conduite de réunion comme Skype for Business, Zoom, Bluejeans ou Google Hangouts. Avec ces solutions, l’usage prioritaire est le partage d’information (souvent via le partage d’écran), avec un degré d’interactivité limité. Il y a aussi des solutions comme Klaxoon qui permettent de fluidifier la collaboration et peuvent être un bon complément aux outils cités plus haut et aux formations à distance, via la conception de parcours interactifs.

Et puis vous avez des outils plus orientés formation, comme Webex Training Center, ou Adobe Connect Learning. Là, vous disposez de toute la gamme des fonctionnalités utiles – quizz, sondage, partage de tableau blanc, émoticônes, partage de fichiers, séparation de classe en petits groupes, gestion des inscriptions … Le logiciel vous donne en outre des statistiques d’attention et des indicateurs liés tout au long de la session : vous pouvez ainsi connaître la part des stagiaires qui n’ont plus la fenêtre de la conférence en premier plan, bon indicateur de leur mobilisation. Cela permet de savoir qu’il est temps de faire une pause ou de lancer un sondage pour récupérer leur attention, par exemple.

 

Quelles précautions faut-il prendre en matière technique pour optimiser l’efficacité de la formation en classe virtuelle ?

Je pense que si on se lance dans la formation à distance, il faut investir, se donner les moyens de se professionnaliser en conception et animation de formation à distance. Le formateur doit être en capacité d’animer un groupe, au-delà de son expertise technique. Bien sûr, on peut aussi choisir d’y aller avec les moyens du bord, le formateur faisant la formation depuis chez lui – ou même depuis sa voiture, je l’ai déjà vu ! – en réutilisant ses supports de cours traditionnels. C’est le crash assuré : dans ce cas, il vaut mieux rester en présentiel. La classe à distance n’est pas une formation au rabais : c’est une modalité différente, avec des fonctionnalités qui sont peu ou mal utilisées en salle de classe – comme le quizz ou le sondage.

Concrètement, on peut citer les points de vigilance suivants, notamment logistiques :

  • Envoyer les liens à chaque participant pour tester la connexion plusieurs jours avant. D’expérience, environ 20% des stagiaires rencontreront des problèmes pour se connecter. Il peut s’agir de problèmes de pare-feu, de débit, de configuration… Il est important de déminer ces questions en amont.
  • Bien sûr, avoir une bonne connexion, en filaire idéalement.
  • Plus généralement, impliquer la direction informatique.
  • S’assurer du support du fournisseur de la solution (ou d’une société tierce qui assure ce support), et d’un soutien technique en début et fin de session – qui peut être quelqu’un du service informatique. La même personne, ou une autre, peut aussi assister le formateur tout au long de la session, en gérant le chat et les réclamations techniques.
  • Il faut que le formateur soit dans une salle choisie pour sa bonne acoustique et son visuel adapté.
  • Repenser et adapter les supports pédagogique, raccourcir les durées, envoyer des documents en amont si nécessaire.
  • Se connecter 15 bonnes minutes avant le début de la formation.

 

Quelle valeur ajoutée la classe virtuelle vous apporte-t-elle, chez ADP ?

On peut résumer en trois points l’apport de cette modalité :

  • Equité : La classe virtuelle, lève certaines barrières à l’accès à la formation. C’est un outil équitable, qui permet à tous les apprenants, quel que soit le site sur lequel ils travaillent, de recevoir les mêmes informations, la même formation. Nous pouvons aussi enregistrer les sessions pour les éditer et les proposer aux nouveaux arrivants, ou bien aux salariés qui étaient en arrêt ou en congés au moment de la formation. Nous pouvons même transformer les sessions en modules de e-learning.
  • Agilité : Le format plus court permet de découper des contenus en plusieurs séquences, et de faire rentrer les formations plus facilement dans les agendas chargés des collaborateurs.
  • Efficacité : Ce découpage peut permettre d’alterner les mises en application entre deux sessions virtuelles.

 

Pensez-vous que la classe virtuelle va se développer dans les années à venir ?

Oui, car la classe virtuelle répond à un besoin d’immédiateté et de flexibilité compatible avec l’accélération des savoirs et de leur transmission. De plus, dans des contextes internationaux, cela permet un passage direct de l’information avec le même message à des populations pour lesquelles nous n’aurions pas pu organiser de déplacement.

La classe virtuelle, en tout état de cause, ne remplace pas la formation en présentiel : elle la complète. Il s’agit d’une transformation pédagogique et technologique, plutôt bien accueillie lorsqu’elle est de qualité, plutôt mal reçue sinon…

 

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