La formation dans le métavers : pour ou contre ?

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De toutes les innovations digitales du XXIe siècle, le métavers est sans doute l’une des plus faciles à comprendre pour le grand public. La fiction a préparé les esprits depuis longtemps à ces univers virtuels où les esprits se rencontrent dans une proximité numérique, tandis que les corps restent assis sur leur chaise sous un casque futuriste. Mais les métavers sont-ils mûrs pour la formation ? La nouvelle génération de digital learning réunira-t-elle en ligne les avatars de nos collaborateurs ? La perspective se rapproche.

 

>> En complément : On a testé pour vous : la formation dans le métavers

Se former dans les métavers : c’est pour quand ?

De quoi s’agit-il ?

Le métavers résulte du mariage de deux notions :

  • La réalité virtuelle, qui permet de s’immerger dans un univers en 3D et d’y évoluer ;
  • Les réseaux, qui permettent aux individus d’interagir à distance.

Un métavers est un univers virtuel dans lequel il est possible de se promener sous la forme d’un avatar numérique et d’y rencontrer d’autres avatars, correspondant à des personnes réelles.

L’immersion peut être plus ou moins totale selon que l’accès se fait via un casque de réalité virtuelle ou une simple interface PC ou mobile.

A l’image d’Internet, un métavers est ouvert 24h sur 24, chacun pouvant s’y connecter quand il le souhaite et croiser ceux qui sont connectés au même moment.

D’où viennent les métavers ?

Les métavers ne datent pas d’hier. Le plus connu d’entre eux, Second Life, est né en 2003, et ce n’est pas le plus ancien. Au milieu des années 2000, les marques se bousculaient pour y ouvrir boutique, et la campagne présidentielle française de 2007 y a même fait incursion. La crise de 2008 aura été fatale à ce premier printemps des métavers, trop précoce par rapport à l’état des technologies et des réseaux.

L’idée de dispenser de la formation dans un métavers date au moins de cette époque : Olivier Lamirault, directeur de l’innovation et des technologies de l’EM Normandie, organisait déjà des cours d’anglais dans Second Life aux alentours de 2007.

Les métavers sont ensuite entrés dans un tunnel pour tous ceux qui ne jouent pas en ligne. Pour les gamers, en revanche, l’interaction avec d’autres personnes en réalité virtuelle dans un univers en 3D est devenue une expérience de plus en plus banale. Tout récemment, en annonçant la transformation de Facebook en Meta en octobre 2021, Mark Zuckerberg a remis les métavers à l’ordre du jour. Et avec eux, leurs potentielles applications pédagogiques, à un moment où l’appétence pour le e-learning a connu une augmentation significative suite à la crise sanitaire. Meta vient d’ailleurs d’annoncer un partenariat en France avec Simplon.co pour lancer une Académie du métavers, visant à former les professionnels des technologies requises pour le déploiement de ces univers numériques.

Quid de la formation dans les métavers aujourd’hui ?

Il s’agit là, cependant, d’une formation traditionnelle aux nouvelles technologies. Qu’en est-il de la formation dans les métavers ? En 2021, l’Université de Stanford, en Californie, a proposé un cours sur la réalité virtuelle dispensé en partie en immersion dans un métavers, chacun des 263 étudiants disposant d’un casque de réalité virtuelle. Le temps passé dans le métavers a représenté environ 13 heures par étudiant sur 20 semaines. L’enseignement dans les univers virtuels en est donc au stade de l’expérimentation.

À l’heure actuelle, en France, seuls quelques acteurs se sont positionnés sur ce marché, essentiellement dans les formations initiales. Des écoles comme Iscom ou Paris School of Technology & Business commencent à explorer les possibilités des métavers, mais la lourdeur de l’investissement les retient encore. Deux écoles prévoient notamment d’ouvrir dès la rentrée 2022 des formations délivrées au moins partiellement dans un univers numérique. Le Metaverse College formera ainsi des étudiants aux technologies du métavers en prévoyant des temps d’immersion, même si, pour l’essentiel, les cours resteront traditionnels.

Mais le projet le plus ambitieux est celui du groupe Kwark, qui délivrera dès la rentrée 2022, à l’attention de 150 étudiants, des cours à 100% dans un univers digital en 3D. Il s’agira essentiellement de cours en immersion partielle, sans recours à des casques de réalité virtuelle. Surtout, Kwark a lancé Kwark Education et le MetaKwark, un métavers qui a vocation à accueillir entreprises, institutions, organismes de formation, CFA et apprenants autour du développement des formations immersives. CentreInffo va y ouvrir un stand virtuel, et certaines entreprises s’intéressent déjà à l’offre. CentreInffo cite le cas du CFA interne de la chaîne de vente de chaussures Chaussea (3700 salariés dont 600 apprentis), qui envisage de se rapprocher de MetaKwark pour y développer des formations.

On voit d’ores et déjà émerger plusieurs modalités possibles d’utilisation des métavers dans la formation. Il pourra s’agir de classes virtuelles améliorées : dans un espace virtuel conçu pour favoriser la concentration et l’échange, un formateur délivre son cours en « top-down », aidé de supports pédagogiques adaptés, avec éventuellement la possibilité de poser des questions en direct. Ou alors de TD en petits groupes, permettant davantage d’interactions. Ou encore, de mises en situation professionnelles, pour apprendre les bons gestes dans un environnement virtuel.

 

Avantages et inconvénients pédagogiques des métavers

La formation dans le métavers est-elle davantage qu’une vidéoconférence améliorée ? Le principe ne semble pas très différent : des individus se connectent simultanément, interagissent à plusieurs sans quitter leur chaise par l’intermédiaire d’un écran, avec la possibilité de se voir et d’échanger des documents. Mais en situation, la différence est davantage que cosmétique.

Les avantages

  • La dimension immersive.

C’est la première différence qui vient à l’esprit. Elle est évidente dès lors que les utilisateurs ont accès à un casque de réalité virtuelle. Dans ce best case scenario, vous passez de l’autre côté de l’écran, et vous vous percevez comme assis à côté des autres apprenants, face au formateur, dans un espace virtuel agréable conçu pour optimiser la concentration. Kwark a ainsi fait appel aux services d’un architecte de renom (Manal Rachdi) pour concevoir ses espaces de formation.

Mais le même Kwark précise que son métavers est accessible sans casque de réalité virtuelle. C’est-à-dire sur un téléphone ou un PC, à l’extérieur de l’écran, pour ainsi dire. Dans ces conditions, que reste-t-il de l’immersivité du métavers ? Elle est amoindrie, mais elle demeure bel et bien. Le lieu de réunion est matérialisé à l’écran, au lieu d’être situé dans l’éther des réseaux. Comme dans un jeu vidéo ou une visite virtuelle, l’écran nous donne accès à un espace en 3 dimensions, dans lequel chacun occupe une place relative, et l’on peut rapidement se prendre à oublier la présence de l’interface. Pour peu que les conditions techniques, pédagogiques et esthétiques soient optimales.

  • Vie privée : la juste distance

L’un des inconvénients de la vidéoconférence est son caractère paradoxalement intrusif. Lorsque nous nous connectons à une réunion en ligne, tout le monde s’invite chez nous. Pour éviter ce problème, les participants ont recours à des stratégies d’évitement plus ou moins subtiles. La plus simple consiste à ne pas allumer sa caméra, ce qui crée une inégalité de présence entre utilisateurs visibles et invisibles – avec toutes les questions de conventions et de savoir-vivre que cela soulève. Les fonctionnalités de floutage ou de remplacement de l’arrière-plan par une image constituent une solution intermédiaire, même si elles suscitent une impression étrange de semi-réalité.

Les avatars que les participants revêtent pour entrer dans le métavers présentent l’avantage de mettre tout le monde sur le même plan. La présence et l’identité sont incarnées par une représentation reconnaissable, et l’espace privé de chacun est respecté. Vous pouvez être en pyjama ou en jogging, votre avatar aura toujours l’aspect que vous lui avez attribué. Et vous pouvez vous connecter depuis votre cuisine ou votre chambre, personne ne s’en apercevra.

  • Un espace unifié

En vidéoconférence, l’utilisateur est confronté à une mosaïque de visages et de rectangles noirs qui apparaissent et disparaissent anarchiquement comme des fenêtres d’immeubles dans la nuit. Le formateur ne sait pas vraiment qui est présent ou non. Dans le métavers, vous vous retrouvez face à une image unique – ou à l’intérieur cette image, si vous utilisez un casque de réalité virtuelle. Tous les participants présents apparaissent dans votre « champ de vision » virtuel. L’interaction est donc largement facilitée, ainsi que l’engagement, et la sensation d’être réellement réunis est renforcée. Bien sûr, il est toujours possible de s’absenter de son PC sans le signaler, laissant derrière soi un avatar inerte. Mais l’effet « présence » créé par l’avatar suscite sans doute des barrières mentales à ce comportement.

  • L’apprentissage des gestes

C’est bien sûr l’une des applications pédagogiques potentielles les plus révolutionnaires des métavers. Des simulations en réalité virtuelle existent déjà dans divers domaines, comme la chirurgie ou le pilotage aérien. Mais il s’agit de formations individuelles, sans interactions avec autrui. La simulation en réalité virtuelle d’une opération chirurgicale avec tous les intervenants, de la gestion d’une situation de crise dans une usine sensible, ou encore d’une situation de chantier ou de production, pourrait à terme présenter un intérêt certain pour les organismes de formation et leurs clients.

 

En résumé, au lieu d’ouvrir une fenêtre distante sur la prestation du formateur, le métavers vous téléporte au milieu de la salle de formation, sur les bancs de l’amphi ou dans une situation donnée. L’engagement est donc potentiellement beaucoup plus élevé.

 

Les inconvénients

  • Le coût

La formation dans le métavers suppose encore un investissement significatif de la part des organismes de formation – et donc de leurs clients. C’est bien sûr le cas des formations les plus immersives qui requièrent l’utilisation de casques de réalité virtuelle, même si le coût de ces derniers a sensiblement baissé. Mais il faut encore compter, pour les formations techniques, le développement du scénario, d’autant plus coûteux qu’il est spécifique.

L’utilisation du métavers en classe virtuelle, en revanche, pourra vite s’avérer abordable lorsque les investissements initiaux seront amortis. La location d’espace dans un métavers, avec accès via mobile ou PC, sera sans doute la modalité pédagogique la plus rapidement accessible financièrement.

  • Une « déréalisation » potentiellement déroutante

Tous les collaborateurs ne sont pas prêts à s’aventurer dans un métavers. Comme toute convention, l’identification à un avatar requiert l’acceptation de l’utilisateur et une habitude prise. Se projeter comme un acteur d’un film d’animation en direct ne va pas forcément de soi pour les collaborateurs les plus âgés. Cet inconvénient devrait cependant s’estomper avec le temps. L’évolution dans un univers virtuel présente en effet l’avantage d’être un mode d’interaction assez intuitif.

  • Avec casque : un temps de participation limité

Il n’est pas conseillé d’utiliser les casques de réalité virtuelle plus d’une heure d’affilée. Fatigue, maux de têtes, douleurs oculaires ne sont pas rares. Le métavers en immersion totale n’est donc pas adapté à des formations longues, ce qui est une limitation importante.

  • Sans casque : une immersion moins marquée

Les sessions de formation longues auront donc lieu sans casque, en utilisant l’interface clavier/écran traditionnelle. L’immersion demandera davantage d’imagination est une bonne conception des métavers comme des contenus pédagogiques. Il paraît difficile cependant de suivre une formation ou une réunion dans ces conditions si l’on n’est pas doté d’un second écran. Comment prendre des notes autrement ?

 

La formation des salariés dans le métavers ne relève plus de la science-fiction, mais elle n’est pas pour demain à grande échelle. Après-demain, en revanche, il est à peu près certain que l’offre va se développer significativement. Comme à chaque fois qu’une innovation technologique émerge dans le monde pédagogique, il faudra un peu de temps pour que les métavers trouvent leur place dans l’ingénierie globale de la formation, après une probable phase de marketing agressif et d’engouement excessif. Sans doute ne transformeront-ils pas de fond en comble les modes de transmission : en définitive, le cerveau doit toujours faire le travail d’assimiler des connaissances pour que la formation soit efficace, quel que soit le medium. Mais les métavers pourraient bel et bien révolutionner le monde du distanciel dans les années qui viennent.

Crédit photo : Shutterstock / naratrip

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4 commentaires

  1. Un des gros avantages de la réalité virtuelle est aussi l’attention portée par les apprenants. Celle-ci est bien plus importante qu’en visio (où l’on sait bien que la plupart des participants font autre chose en même temps…). Donc au final une meilleure qualité de formation pour un coût moins élevé.

  2. thierry.amorin@amorformations.fr le

    L’attention portée étant décuplée par le casque VR, le métavers parait être un outil dédié à l’apprentissage sur des séquences courtes.

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