Formation continue et parcours professionnels : le regard de l’Insee

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On ne prête qu’aux riches, et on forme surtout les diplômés. C’est, en résumant à outrance, l’un des enseignements que l’on peut retirer de l’édition 2018 de l’étude Insee « Formations et emploi ». Les données examinées concernent, suivant les chiffres, les années 2013 à 2016 – donc avant que la réforme de 2014 ait produit pleinement ses effets. Mais elles nous donnent une image sur le temps long, en s’intéressant aux parcours des individus dans la durée. Nous avons lu l’étude pour vous et en restituons les principaux résultats relatifs à la formation continue – ainsi que l’essentiel de l’actualité formation dans la presse spécialisée.

 

L’étude Formations et emploi de l’Insee

Un point sur les données

Rappelons tout d’abord une réalité statistique : jusqu’en 2014 (inclus), les entreprises remettaient aux services fiscaux une déclaration dite « 2483 » retraçant l’usage qu’elles avaient fait de leur participation à la formation professionnelle. La compilation de ces déclarations permettait de fournir des chiffres précis sur la consommation de formation par les entreprises.

Depuis 2015, ces données ne sont plus disponibles. Les services statistiques utilisent donc désormais une nouvelle base, qui a commencé à être compilée en 2015, à l’initiative des partenaires sociaux : il s’agit de Defis, pour « dispositif d’enquêtes sur les formations et itinéraires des salariés », couvrant 4 500 entreprises et 16 000 salariés interrogés sur 5 ans.

Les enquêtes européennes viennent compléter notre visibilité sur la formation professionnelle continue en France, en particulier l’AES (Adult Education Survey), conduite depuis 2006 et grâce à laquelle nous disposons de données pour 2016.

L’étude de l’Insee « Formations et emploi » utilise ces différentes sources, en plus de sa propre « Enquête Emploi » réalisée sur une base trimestrielle.

 

Une progression globale de la formation continue

Les données fiscales (issues des déclarations 2483 des entreprises) nous apprennent tout d’abord que la part des salariés (des entreprises de 10 salariés et plus) ayant reçu une formation dans l’année est passée de 17% à 43,5% entre 1974 et 2014. Le dispositif d’obligation de formation a donc en partie fonctionné. Dans le même temps, cependant, la durée moyenne annuelle de ces formations s’est effondrée, passant de 62 à 27 heures. Une évolution qui peut refléter en partie celle des méthodes pédagogiques, mais qui porte également sans aucun doute sur les types de formation suivies – même si l’étude ne nous donne pas davantage d’informations sur ce point.

Mais qu’en est-il sur la longueur ? L’enquête Défis permet de s’intéresser au parcours de formation des salariés qui avaient fini leurs études initiales depuis au moins 5 ans en 2013. Il en ressort que 70% des salariés ont suivi au moins une formation professionnelle depuis leur entrée sur le marché du travail. Ajoutons que parmi les salariés qui ont reçu une formation, 89% en ont suivi au moins une en entreprise. Cette dernière demeure donc la principale pourvoyeuse de formation continue.

Une remarque cependant, émise par les rédacteurs du rapport : les données de l’enquête Defis font appel à la mémoire longue des personnes interrogées, et sous-estiment peut-être le nombre de formations réellement suivies. Une demi-journée de formation à une technique obsolète reçue il y a 25 ans peut fort bien n’avoir laissé aucune trace dans la mémoire d’un salarié…

 

Un accès inégal à la formation suivant les parcours…

Malgré la progression du nombre de personnes accédant à la formation, le profil des bénéficiaires ne semble pas avoir évolué sensiblement. Les cadres et les diplômés accédaient toujours deux fois plus à la formation, en proportion, que les ouvriers et les non-diplômés, selon les données fiscales. Les 55-64 ans ont également sensiblement moins de chances d’être formés que les autres. L’enquête Défis confirme ces inégalités : alors que 30% des salariés interrogés (ayant fini leurs études depuis au moins 5 ans) n’avaient suivi aucune formation au cours de leur carrière, c’était le cas de la moitié des non-diplômés, contre seulement 20% des diplômés du supérieur. Si on regarde du côté des catégories professionnelles, 85% des cadres avaient reçu une formation au cours de leur carrière, contre 59% des ouvriers.

Par ailleurs, seules 18% des personnes interrogées ont suivi des formations pendant une période de chômage. Le fait de s’être arrêté de travailler au moins un an pour raison de santé, d’avoir travaillé à temps partiel, d’avoir toujours effectué le même métier ou encore d’être de nationalité extra-européenne fait baisser la probabilité d’avoir bénéficié d’une formation au cours de sa carrière. En revanche, si au total les femmes sont un peu moins nombreuses à avoir bénéficié de formations au long de leur parcours, cette inégalité s’est estompée à partir des années 1990.

On remarque donc que certains profils qui devraient avoir reçu prioritairement des formations en ont moins profité que la moyenne. Mais l’étude nous apprend également que certains profils associés à la précarité de l’emploi ont au contraire été davantage formés : c’est le cas des personnes qui ont connu des parcours en intérim ou en CDD. Mais il s’agit, dans leur cas, majoritairement de formations suivies dans le cadre du chômage. D’une façon générale, « avoir connu un événement marquant dans la biographie professionnelle, comme un changement de métier ou un plan social, augmente les chances d’avoir suivi une formation quel qu’en soit le cadre. »

L’enquête Defis ne s’arrête pas à la situation en décembre 2013, et les salariés ont été également interrogés sur les formations potentiellement suivies entre janvier 2014 et mi-2015. Il en ressort que les personnes qui ont bénéficié de formations dans le passé sont les plus nombreuses à en avoir suivi au cours de l’année et demi écoulée, tandis que ceux qui n’en ont jamais eu sont les moins bien lotis.

Notons également que selon les chiffres les plus récents (AES et enquête emploi), les salariés des plus petites entreprises ont nettement moins accès à la formation (moins de 16%) que ceux des structures de 250 personnes ou plus (de 50 à 56%). Tous les secteurs ne sont pas logés à la même enseigne : l’hébergement-restauration forme très peu, tandis que les transports, la finance et l’assurance, la production/distribution d’électricité et de gaz forment beaucoup. On devine cependant que l’existence de formations obligatoires dans ces derniers secteurs explique pour une bonne part ces chiffres.

 

Une appétence partagée

Les salariés interrogés manifestent majoritairement une réelle appétence pour la formation : les deux tiers d’entre eux souhaiteraient se former dans les 5 ans à venir. Ceux qui ont déjà été formés au cours de leur carrière sont certes plus nombreux à vouloir réitérer l’expérience ; mais les non-formés sont néanmoins partants à 61%.

Par ailleurs, les salariés qui ont été formés récemment affichent une plus grande confiance dans l’avenir : meilleure chance de promotion ou d’augmentation salariale, moindre risque de perdre son emploi. 60% des personnes qui ont connu une formation dans le cadre de leur travail estiment que celle-ci a eu un impact sur leur évolution professionnelle. La formation demeure donc perçue très positivement et suscite des attentes très concrètes.

 

L’étude de l’Insee « Formation et emploi » comporte également d’importantes analyses sur l’insertion des jeunes. Nous n’avons évoqué ici que la partie « formation continue des adultes ». Il en ressort un tableau assez conforme au constat qui a motivé la réforme en cours : un accès encore très inégal à la formation, qui ne bénéficie pas encore suffisamment à certaines catégories qui devraient être prioritaires : non-diplômés, demandeurs d’emploi, salariés des petites entreprises, seniors… La nouvelle loi sera-t-elle plus efficace que les précédentes sur ce plan ?

 

La formation dans la presse professionnelle en mai 2018

L’écosystème formation face à la réforme

La revue Personnel consacre en mai tout un numéro hors série à la formation. On y entend la voix de Pierre Courbebaisse (p.6), nouveau président de la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP), qui a succédé à Jean Wemaëre, en fonctions depuis 1991. Après avoir rappelé l’importance d’une formation professionnelle innovante pour répondre aux enjeux économiques de demain, il salue la création du Compte personnel de formation (CPF) en euros, tout en rappelant la proposition phare de la FFP : la mise en place d’un crédit d’impôt formation dans les TPE, PME et ETI. Cette mesure, selon le nouveau président de la FFP, coûterait 500 millions d’euros et rapporterait 0,7% de PIB supplémentaire chaque année.

Le Garf (réseau professionnel des responsables formation) prend également la parole dans ce numéro (p.8), pour détailler les résultats d’une enquête conduite auprès de ses adhérents en 2017 sur les attentes vis-à-vis de la réforme. Les membres du Garf se sont ainsi prononcés très majoritairement pour une simplification de l’accès au CPF et son ouverture aux formations non certifiantes, mais aussi – là encore – pour une incitation fiscale à se former. Ils sont plus partagés pour ce qui est de la fusion CIF/CPF. En revanche, beaucoup de leurs attentes figurent dans le projet de loi (redéfinition de l’action de formation, simplification de l’alternance, suppression de la catégorisation du plan de formation).

Une interview d’Emmanuelle Bienne, DRH d’Opcalia (p.11), permet de faire le tour des compétences déployées par cet organisme au service des entreprises, au moment où les Opca s’apprêtent à céder la place aux opérateurs de compétences (si la loi est votée).

Le hors série se poursuit en donnant la parole à plusieurs organismes de formation.

 

Ailleurs dans la presse

Dans Liaisons Sociales n°192 de mai 2018, Françoise Kogut-Kubiak, chargée de mission au Céreq, évoque (p. 56) les « blocs de compétences » prévus par la loi de 2014 et dont l’importance doit être renforcée dans la nouvelle réforme. Elle signale notamment que « tous les organismes ont avancé sur ces questions », mais que « le résultat n’est pas très cohérent ». Ces blocs permettent en pratique de viser une partie de certification en utilisant son CPF. Mais des précisions devront être apportées à leur définition pour que le dispositif soit vraiment opérationnel.

Inffo Formation n°944 (15-31 mai 2018) décortique (pp. 9-17) le projet de loi de réforme de la formation. Au cœur de celle-ci, l’autonomisation des actifs, qui pourront utiliser plus facilement leur CPF, déclenchant en retour la mobilisation des employeurs qui « auront tout intérêt à être proactifs, à construire des parcours correspondant aux attentes de leurs salariés et à investir dans des systèmes d’abondements ». Selon le périodique, dans les grandes entreprises, « le métier de responsable de formation va évoluer. Moins centrée sur l’achat de formation et l’ingénierie financière, la fonction sera à l’avenir davantage tournée vers la gestion de compétences ». En outre, « l’élargissement de la définition de l’action de formation » (qui fait l’objet d’une analyse p. 15) devrait pousser les entreprises à innover dans les modalités de formation.

Le dossier est complété par un article sur la gouvernance (p. 13) et par un focus sur l’évolution du conseil en évolution professionnelle (p. 17). L’article rappelle que le réseau Cap emploi, Pôle emploi, les missions locales et l’Apec vont continuer à se charger du CEP pour leurs publics respectifs. Mais de nouveaux opérateurs seront désignés pour les salariés.

Entreprise & Carrières n°1386 (21-27 mai 2018) contient un compte rendu d’une étude du Céreq consacrée aux formations « vertes ». Il en ressort que l’offre de formation en matière de transition écologique et énergétique est encore insuffisamment développée et structurée, avec des organismes de formation qui manquent souvent des compétences en interne pour délivrer les prestations demandées et recourent à des experts extérieurs.

Crédit illustration : fotolia / hurca.com

 

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