Europe et formation professionnelle : le palmarès impossible

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Au tout début de cette année, nous entamions un tour d’Europe des systèmes de formation professionnelle, à travers une série d’articles et d’interviews. 11 mois et 8 pays plus tard, force est de constater qu’il n’est pas facile de comparer ces systèmes entre eux… Les différences sont grandes et inhérentes aux modèles de sociétés respectifs. Nous nous sommes essayés à l’exercice, en regardant rapidement trois principaux points : qui paie ? Qui se forme ? Comment ? Pour le reste, nous vous renvoyons aux articles eux-mêmes !

 

Notre tour d’Europe, entamé en janvier 2018, nous a déjà emmenés dans les pays suivants :

Qui finance la formation professionnelle ?

Dans la plupart des pays étudiés, l’entreprise apparaît comme le principal financeur de la formation professionnelle, soit directement, soit par le biais de systèmes de mutualisation.

  • L’entreprise aux premières loges : En Allemagne, au Royaume-Uni, en Norvège, la formation professionnelle continue est peu régulée, et largement financée par les entreprises, avec une participation importante des salariés. Au Portugal, il existe une régulation de principe (35 heures de formation par an et par salarié obligatoires), mais qui semble appliquée de façon assez souple. En pratique, c’est également l’entreprise qui finance la formation en direct, pour l’essentiel. Dans ces 4 pays, il existe également des aides publiques au financement de la formation, mais dans des proportions limitées.
  • Les systèmes mutualisés : en France, en Espagne, en Belgique, à divers degrés, les partenaires sociaux et l’Etat jouent un rôle important dans le système de formation professionnelle. En Belgique et en Espagne, il existe des mécanismes d’obligation de dépense, comme en France avant la réforme de 2014 : les entreprises versent une contribution, qu’ils peuvent récupérer en frais de formation. En Espagne, c’est une contribution unique qui s’applique à toutes les entreprises ; en Belgique, c’est une contribution assez basse, fixée par branche, et l’obligation s’exprime en nombre de jours de formation par salariés.
  • Les systèmes publics : en Suède et au Danemark, l’Etat intervient de façon importante dans le financement de la formation professionnelle continue, par le biais de formations courtes conçues par les partenaires sociaux au Danemark et des « écoles populaires » en Suède.

Au total, les entreprises danoises, françaises et belges sont celles qui consacrent la part la plus importante de leur masse salariale à la formation continue, tous frais confondus. Si on se limite aux frais pédagogiques, le Royaume-Uni, le Danemark et la Norvège arrivent en tête. L’Allemagne et le Portugal sont en queue de peloton pour les achats de formation par les entreprises, avec l’Espagne (pour les coûts pédagogiques) et la Suède (grâce à l’investissement de l’Etat).

La France, l’Espagne et le Danemark sont les seuls pays à faire transiter une part significative des financements par des fonds mutualisés (respectivement 0,8%, 0,3% et 0,4% de la masse salariale). Hormis en Belgique et au Royaume-Uni (0,1%), ce système est absent ailleurs.

Formation professionnelle en Europe - participation des entreprises

 

Qui se forme ?

Il y a deux façons de mesurer l’accès à la formation continue : en regardant la part des salariés qui se forment dans le cadre de l’entreprise ; et en mesurant la part des adultes en formation. Eurostat donne la première de ces données sur un an, la seconde sur les 4 dernières semaines. On ne peut donc pas directement les comparer, mais la différence des deux palmarès est instructive.

L’Espagne et la Belgique, qui pratiquent tous deux une forme d’obligation de formation, sont les pays où les salariés sont les plus nombreux à être formés. Mais on les retrouve en queue de peloton pour la participation des adultes à la formation continue, avec l’Allemagne.

Les pays scandinaves, en revanches, sont ceux qui forment le plus les adultes. Le Danemark se distingue cependant des deux autres par un faible taux de formation des salariés. Un résultat surprenant au regard de l’investissement consenti par les entreprises danoises. Sans doute le million de participants à l’AMU (formations métier courtes financées par l’Etat et, dans une moindre mesure, l’entreprise) n’apparaît-il pas dans la catégorie « formation des salariés ».

L’Allemagne et le Royaume-Uni figurent comme les mauvais élèves de la classe à en croire les données Eurostat. La lecture des profils que nous avons consacrés à ces pays devrait nuancer ce constat : la formation informelle, importante dans ces deux pays, peut passer sous le radar des statistiques ; et les Britanniques s’avèrent plutôt satisfaits de leur système.

Tour d'Europe de la formation professionnelle : participation des salariés

Comment se forment les salariés ?

Sans entrer dans le détail des modalités pédagogiques privilégiées par les salariés des différents pays (on sait par exemple que les Britanniques et les Espagnols recourent beaucoup au digital et au distanciel, les Français et les Portugais étant plutôt en retard), nous évoquerons deux chiffres :

  • Le nombre d’heures de formation par salarié : à ce jeu, les Belges arrivent largement en tête, avec presque 19 heures par salarié, contre une moyenne européenne de 10 heures. Ils sont suivis par les Portugais, avec un peu plus de 14 heures. Ces deux pays se caractérisent par des obligations de formation exprimées en temps : 35 heures annuelles par salarié au Portugal, et un nombre de jours différent suivant les conventions collectives en Belgique (avec un objectif global théorique de 5 jours). La France occupe la 3e marche du podium, suivie par le Danemark, en cohérence avec la forte participation des entreprises à la formation continue dans ces pays.

Le Royaume-Uni et l’Allemagne, là encore, arrivent derniers, ce qui s’explique par des marchés largement dérégulés et un recours important aux formations informelles.

Tour d'Europe de la formation professionnelle : nombre d'heures par salarié

  • Deuxième focus : quelle est la part des formations en interne dans le temps total de formation ? Le Portugal et les trois pays scandinaves sont les plus friands de cette modalité. Au total, les différents pays s’éloignent peu de la moyenne européenne de 60%, avec une exception notable : la France ! Les entreprises françaises forment volontiers ailleurs que chez elles, avec seulement 45% de formations en interne.

Tour d'Europe de la formation professionnelle - formation en interne

La France et le Royaume-Uni se rejoignent cependant sur un point : la part des formations obligatoires en santé et sécurité y est la plus élevée (respectivement 25,7% et 27,7% du temps de formation, pour 23,7% en moyenne européenne).

 

Notre tour d’Europe des systèmes de formation professionnelle n’est pas fini : prochaines étapes, l’Italie et les Pays-Bas, en 2019. Et nous irons sans doute aussi faire un tour ailleurs dans le monde, comme nous avons commencé à le faire avec les Etats-Unis ! Une impression domine quand on voyage dans le monde de la formation continue : les problèmes sont les mêmes partout, mais la gamme des solutions est vaste !

 

Crédit illustration : fotolia / mirexon

 

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